Le grou­pe no­mi­nal et le dé­ter­minant
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Groupe no­mi­nal et grou­pe pré­po­si­tionnel

Le dé­ter­minant

Le dé­ter­minant en finnois

Dé­ter­minants définis et indéfinis

Les dé­ter­minants définis dans les expressions partitives

Dé­ter­minants   composés

Les groupes dé­ter­minants

Le dé­ter­mi­nant dans un GN détaché

Groupe no­mi­nal et grou­pe pré­po­si­tionnel

Le grou­pe no­mi­nal (en finnois no­mi­naalilauseke), abrégé GN, est considéré généralement comme un des éléments de la phrase de base. Il est composé d’un ou de plusieurs élé­ments. Il com­por­te au minimum un nom, généralement précédé d’un dé­ter­minant, et il peut être ac­com­pa­gné par exemple par un ou plusieurs ad­jec­tifs (antéposés ou postposés) :

Le groupe nominal
  Dé­ter­minant (ad­jec­tif)nom(ad­jec­tif)
  Hector
  cette chèreSophie
  un chat blanc
  du bon beurre breton
  ces petits enfants finlandais blonds et souriants

Quand le grou­pe no­mi­nal est précédé d’une pré­po­si­tion ou d’une locu­tion pré­po­si­tionnelle, il for­me avec celle-ci un grou­pe pré­po­si­tionnel :

Le groupe prépositionnel
Préposition dé­ter­minant (ad­jec­tif)nom(ad­jec­tif)
chez Hector
pour cette chèreSophie
à côté d’ un chat blanc
avec du bon beurre breton
parmi ces petits enfants finlandais blonds et souriants

Le dé­ter­minant

Le dé­ter­minant est l’élément du grou­pe no­mi­nal qui se place avant le nom ou le grou­pe formé par un nom et un (ou plusieurs) ad­jec­tif(s) : dé­ter­minant (ad­jec­tif) nom (ad­jec­tif). Le dé­ter­minant permet de donner des informations sur le gen­re, le nombre ou le sens du nom et ses rapports sé­man­ti­ques avec le contexte.

Le dé­ter­minant permet de transfor­mer tout constituant de phrase (ver­be, ad­jec­tif, adver­be etc.) en un nom qui fait partie d’un grou­pe no­mi­nal :

jaune (ad­jec­tif) → un jaune éclatant — peu (adver­be) → le peu que je sais — pourquoi (adver­be in­ter­ro­ga­tif)  → Il faut trouver le pourquoi de cette attitude. Plus d’exemples…

manger (ver­be) → son manger — quatre (dé­ter­minant numéral)  → un quatre nelonen — pourquoi / com­ment (adver­bes ou conjonctions)  → le pourquoi et le com­ment de cette tragédie — Je ne sais quoi (proposition) → un je-ne-sais-quoi sitä jotakin.

Remarque : cette propriété se résume très bien dans le prover­be « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », en finnois est Parempi pyy pivossa kuin kymmenen oksalla. Ce prover­be si­gni­fie mot à mot en finnois « yksi ”ota” on varmempi kuin kaksi ”saat joskus” » : les for­mes verbales tiens et tu l’auras sont de­ve­nues des noms grâce aux dé­ter­minants.

En français tous les noms (avec ou sans ad­jec­tif) sont en général précédés d’un dé­ter­minant (il y a des ex­cep­tions). Ce n’est pas le cas en finnois : L’enfant lit un livre, en finnois : Lapsi lukee kirjaa sans aucun dé­ter­minant.

Il y a plusieurs types de dé­ter­minants : les dé­ter­minants dé­mons­tra­tifs, possessifs, in­ter­ro­gatifs, etc. (voir tableau). L’arti­cle (indéfini ou défini) ne porte pas le nom de « dé­ter­minant », mais il fait aussi partie de la catégorie des dé­ter­minants.

Les dé­ter­minants peuvent être un mot simple ou bien être composés de plusieurs mots :

un chat blanc, mon frère Jean-Jacques, certains amis, cette manière, très peu de gens, la France, beaucoup de touristes, quan­ti­té de pro­blè­mes etc.

Remarque : en français, le dé­ter­minant était autrefois ap­pe­lé « ad­jec­tif ».

On utilisait les termes suivants : ad­jec­tif dé­mons­tra­tif (= dé­ter­minant dé­mons­tra­tif), ad­jec­tif possessif (= dé­ter­minant possessif), ad­jec­tif indéfini (= dé­ter­minant indéfini) etc. Les instructions officielles préconisent l’utilisa­tion du terme dé­ter­minant dans les manuels scolaires depuis 1997, mais le terme d’« ad­jec­tif » se rencontre encore dans des manuels de gram­mai­re plus anciens (et parfois même récents) réalisés en France et ailleurs.

Le dé­ter­minant en finnois

Dans la terminologie gram­ma­ti­cale finlandaise traditionnelle, on ne connait pas la no­tion de dé­ter­minant. En finnois, il n’y pas d’arti­cle ni de dé­ter­minants possessifs, et les autres dé­ter­minants du français (dé­mons­tra­tifs, indéfinis, relatifs, in­ter­ro­ga­tifs, exclamatifs) sont désignés du terme de pro­nomini. En finnois, dans la phrase

Mikset ostaisit tätä vihreää kaulahuivia siskollesi? Se näyttää niin pehmeältä! – Hän ei oikein pidä vihreästä, ostan hänelle tämän, punainen on hänen lempivärinsä.

les deux mots tätä et tämä sont considérés com­me des « pro­noms dé­mons­tra­tifs » (demons­tra­tii­vi­pro­no­mi­ni). En français, le terme de pro­nom est réservé à un mot qui « remplace » un grou­pe no­mi­nal (ou un autre élément de la phrase). Dans la phrase française

Pourquoi tu n’offrirais pas cette écharpe à ta sœur ? Elle a l’air si douce ! – Elle n’aime pas le vert, je vais prendre celle-là, le rouge est sa couleur préférée.

Le mot cette est en français considéré un dé­ter­minant dé­mons­tra­tif, tandis que celle-là est un pro­nom dé­mons­tra­tif. En finnois, on ne fait pas de distinc­tion entre tämä dé­ter­mi­nant et tämä pro­nom. En français, cette distinc­tion est nette :: les dé­ter­minants et les pro­noms cor­res­pon­dants ont souvent des for­mes différentes :

finnoisfrançais
pro­nominidé­ter­minantpro­nom
tämä
nämä
ce
ces
celui-là, celle-là
ceux-là, celles-là
muutamaquel­quesquel­ques-uns
jokainenchaquechacun(e)

La gram­mai­re du finnois Iso Suomen kielioppi continue d’utiliser pour les mots com­me tämä (« ce ») le terme unique de pro­nomini, dont elle précise qu’il peut s’employer com­me un GN « indépendant » ou com­me un ad­jec­tif, mais elle présente et utilise assez souvent éga­le­ment le terme de tarkenne (VISK §569 et suivants), qui équivaut exactement à « dé­ter­minant ». On trou­ve ainsi les termes :

demonstratiiviset tarkenteet dé­ter­minants dé­mons­tra­tifs : tätä suurta tapahtumaa (= ce grand évè­ne­ment), se kevät (= ce printemps) ; in­ter­ro­ga­tiiviset tarkenteet dé­ter­minants in­ter­ro­ga­tifs : Kuka it­seään kunnioittava kirjailija... (= Quel écrivain qui se respecte…) ; kvantifioivat tarkenteet dé­ter­mi­nants de quan­ti­té : muutamat kuvat (= quel­ques images) ; indefiniittiset tarkenteet dé­ter­minants in­dé­fi­nis : jokaiselle työryhmälle(= à chaque grou­pe de travail).

On pourrait donc facilement utiliser ce terme de« tarkenne » en finnois pour faire comprendre le sens et la fonc­tion du dé­ter­minant en français.


Dé­ter­minants définis et indéfinis

On classe habituellement les dé­ter­minants dans deux catégories, les dé­ter­minants définis et les dé­ter­mi­nants indéfinis.

Les dé­ter­minants définis indiquent que le référent (tarkoite) du nom qu’ils dé­ter­minent est identifiable de façon univoque (yksiselitteisesti) grâce au contexte ou au savoir commun partagé par le locuteur et la personne à qui il s’adresse. Les dé­ter­minants définis sont :

  • l’arti­cle défini le la les ;
  • le dé­ter­minant dé­mons­tra­tif ce cet cette ces ;
  • le dé­ter­minant possessif mon ma mes ton ta tes etc.

Révise les con­jugaisons, et ton français s’améliorera. — Le professeur a emmené ses élèves en excursion. — Notre nouvelle maison a un garage. — Ces enfants sont des élèves de l’école primaire. — Cette histoire est invraisemblable.

Les dé­ter­minants indéfinis for­ment une classe de dé­ter­minants fourretout (sekalainen) dans la­quel­le on regrou­pe tout les dé­ter­minants qui ne sont pas un arti­cle défini ou un dé­ter­minant possessif ou dé­mons­tratif. On peut distinguer plu­sieurs sous-catégories, qui ne sont que des manières parmi d’autres de regrou­per certains dé­ter­minants in­dé­finis sur des critères séman­tiques ou for­mels :

  • l’arti­cle indéfini un, une, des, du, de la, de. Les for­mes un et des expriment à la fois une nature et une quan­ti­té indéfinies ;
  • les autres dé­ter­minants dits « indéfinis », qui expriment aussi souvent à la fois l’indéfini­tion (certains) et une quan­ti­té non précise (quel­ques, divers). Ce sont parfois des mots simples (plusieurs), mais ils sont souvent formés avec des adver­bes ou des noms combinés à la pré­po­si­tion de, com­me les dé­ter­­minants composés beaucoup de, nombre de etc. ;
  • les dé­ter­minants numéraux deux, treize, mille etc. qui indiquent une quan­ti­té précise ;
  • les dé­ter­minants in­ter­ro­ga­tifs et exclamatifs quel(les) qui précèdent le nom dans les ques­tions ou les ex­clamations ;
  • le dé­ter­minant relatif lequel (laquelle, lesquelles, duquel, etc.) utilisé dans le style ad­mi­nis­tratif et juridique.
Tableau-résumé et exemples. Cliquer pour ouvrir/fermer
Dé­ter­minants définis
Article définile/la/les
dé­ter­minants dé­mons­tra­tifsce/cet/cette/ces
dé­ter­minants possessifsmon/ma/mes, ton/ta/tes, son/sa/ses, notre/nos, votre/vos, leur/leurs
Dé­ter­minants indéfinis
nature indéfinieun, des, certains, différents, certains, chaque…
quan­ti­té indéfiniedes, quel­ques, plusieurs, maints, beaucoup de, peu de, assez de, trop de, un grand nombre de…
in­ter­ro­ga­tifs et exclamatifsquel/quelle/quels/quelles
numérauxun, trois, vingt-et-un, cent-deux, mille…
relatifslequel/laquelle/lesquels/lesquelles

Dé­ter­minants indéfinis : Je vous ai donné différents exemples pour illustrer certains aspects carac­té­ris­tiques. — La pluie a duré plusieurs jours. — Presque chaque matin, je vais à la piscine. — Il a mangé tous les chocolats. — Il ne sera fait aucune ex­cep­tion. — Marc n’a pas beaucoup de disques. — Il y avait peu de touristes sur la place.
Dé­ter­minants exclamatifs ou in­ter­ro­ga­tifs :  Quel livre veux-tu ? — Quelle émission préfèrez-vous ? — Quelle aventure nous avons vécue !
Dé­ter­minant relatif : Vous serez peut-être absent, auquel cas vous me préviendrez.
Dé­ter­minants numéraux : Je reviens dans deux heures — Le kilo coute trente euros. — L’année dure 365,25 jours. 

Les dé­ter­minants définis dans les expressions partitives

Malgré ce qu’on affirme par tradition dans les manuels de grammaire français et fin­lan­dais, il n’y a pas en français d’article partitif, et encore moins de cas (sijamuoto) « partitif » cor­res­pon­dant au partitiivi finnois. L’article indéfini du/de la n’exprime pas une partie, il ex­pri­me le fait que le référent du nom est présenté comme une masse non comptable (lire...).

Malgré cela, le partitif existe et, en français moderne, il est toujours exprimé par la préposition de précédant un GN introduit par un déterminant défini (le, ces, mon etc.). Cet ensemble de + déterminant défini + nom forme une expression partitive.

Une expression partitive a trois caractéristiquess :

  1. elle est introduite par la préposition de, qui indique qu’on extrait une partie d’un tout, sur le modèle N de N ;
  2. le tout dont on extrait une partie est toujours exprimé ou facilement resti­tuable (tunnistettavissa, palautettavissa), et il est complété par un adjectif, un groupe préposi­tionnel... ;
  3. l’expression partitive N de N est introduite par un déterminant défini (démonstratif, possessif, plus rarement article défini).

(1) Ressers-moi de cet excellent café.
(2) Donne-moi de tes bonbons, je n’en ai plus.
(3) Il reste dans cette villa de la beauté d’autrefois. entisajan kauneutta
(4) Au fait, tu as encore du cognac de l’autre jour ?

Dans les exemples (3) à (4), de la et du ne sont pas des articles indéfinis exprimant le massif, mais la préposition de suivie de (ou contractée avec) l’article défini la, les, le, et complétés par d’autrefois, de l’autre jour.

Les expressions partitives sont quantifiables (voir point suivant) :

Les enfants n’ont pas laissé beaucoup de la tarte que j’ai faite ce matin. — Plusieurs des personnes interrogées ont déclaré avoir connu la même situation.

Les dé­ter­minants   composés

Les dé­ter­minants composés, qu’on appelle aussi dé­ter­minants complexes, sont des dé­ter­mi­nants formés de plusieurs mots. Les dé­ter­minants composés les plus fréquents sont les dé­ter­minants indéfinis formés d’un ad­ver­be (beaucoup, peu, tellement) ou d’un nom ou grou­pe no­mi­nal auquel on ajoute le mot de, mais il y en a aussi d’autres, par exemple n’importe quel :

adver­be + de : beaucoup de, tant de, trop de, peu de, énormément de, plus de, moins de, guère de, infiniment plus de, pas mal de…
nom / grou­pe no­mi­nal + de : quan­ti­té de, nombre de, un certain nombre de, une espèce de, une sorte de, toute sorte de, un tas de, un kilo de, une foule de, un paquet de, une dose de…

Quand un dé­ter­minant indéfini composé avec de se combine avec l’arti­cle défini, il peut se contracter avec l’article :

mes amis : beaucoup de + mes amis → beaucoup de mes amis monet ystävistäni — ces exemples : nombre de + ces exemples → nombre de ces exemples monet niistä esimerkeistä — la fin : beaucoup de + la fin → Je n’ai pas vu beaucoup de la fin du film. En nähnyt paljoakaan elokuvan lopusta. [pas de contrac­tion avec la]. — les amis : beaucoup de + les amis → Beaucoup des amis que j’ai vus étaient bronzés. Monet tapaamani ystävät olivat ruskettuneita. [de + les donne la for­me contracte des]

Il est donc tout à fait possible de dire beaucoup du, beaucoup des malgré ce que divers ma­nuels finlandais enseignent et de nombreux ap­pre­nants s’imaginent :

Beaucoup du temps qu’on perd à faire la queue dans une banque pourrait être évité avec une meilleure ges­tion de l’espace.. Plus d’exemples…

Beaucoup des amies de la princesse de Parme et avec qui la duchesse de Guermantes se contentait depuis des années du même bonjour convenable […] s’en plaignaient discrètement à l’Altesse.  — L’opinion ne perçoit pas l’utilité de beaucoup des réfor­mes entreprises, qui sont couteuses et engendrent la pagaille

Dans les tournures exclamatives, le dé­ter­minant composé dont le dernier élément est de peut être séparé en deux parties. Le mot de reste à sa place normal devant le nom, mais le pre­mier élément du dé­ter­minant se place au début de la proposition :

On n’a pas réussi à avoir de billets, tant il y avait de monde ! (< Il y avait tant de monde.) Plus d’exemples…

L’inventivité des annonceurs pour drainer les foules vers leurs services parait illimitée, tant la technologie offre de possibilités nouvelles (< offre tant de possibilités). — Cette rencontre avec mes anciens amis m’a déçu, si peu on a eu de temps pour se voir (< on a eu si peu de temps).

Les groupes dé­ter­minants

On peut utiliser deux dé­ter­minants devant le nom. Ils for­ment alors un grou­pe dé­ter­minant. L’un des dé­ter­minants doit être un dé­ter­minant défini, l’autre, un dé­ter­minant indéfini :

ces deux voitures, les quel­ques personnes qui étaient présentes, leurs quatre enfants, ces divers exemples

L’ad­jec­tif indéfini tout utilisé avec un dé­ter­minant défini ou indéfini for­me aussi un grou­pe dé­ter­minant :

toutes les deux voitures, toute la journée, tout mon équipement, toute cette histoire

Il y a une différence entre le dé­ter­minant composé et le grou­pe dé­ter­minant. Les éléments d’un grou­pe dé­ter­minant peuvent aussi s’utiliser seuls com­me dé­ter­minants :

leurs deux voitures → leurs voitures/deux voitures, les quel­ques personnes qui étaient présentes → les personnes/quel­ques personnes qui étaient présentes etc.

En revanche, les éléments qui for­ment un dé­ter­minant composé ne peuvent généralement pas s’utiliser seuls com­me dé­ter­minants (mais ils peuvent s’utiliser seuls dans d’autres fonctions) :

On m’a offert beaucoup de fleurs → On m’a offert *beaucoup fleurs / On m’a offert *de fleurs.

Incompatibilité entre différents dé­ter­minants

Pour des raisons sé­man­ti­ques, on ne peut pas combiner deux dé­ter­minants définis ou deux dé­ter­minants indéfinis, parce qu’on ne marque pas deux fois le caractère défini ou indéfini. On ne peut pas non plus combiner n’importe quel dé­ter­minant avec n’importe quel autre. En finnois, on ne peut pas dire *ne nuo lelut ou *jotkut eräät ihmiset etc. Les constructions suivantes sont donc agram­mati­cales :

*Il discutait avec les ses amis. — *Tu as vu ce mon livre. — *J’ai lu de différents livres. [de est un arti­cle indéfini pluriel, différent est un dé­ter­minant indéfini] — *De certaines gens prétendent le contraire. — dans *trois différents cas (lire...)

C’est pour cette raison qu’on ne peut pas utiliser l’arti­cle indéfini des/du après un autre dé­ter­mi­nant indéfini : *beaucoup de + des, *beaucoup de + du. On utilise seulement un seul dé­ter­­mi­nant :

beaucoup de *des livres → beaucoup de livres ; plus de *du beurre → plus de beurre ; peu de *du vin → peu de vin ; trop de *du sel → trop de sel

Contrairement à ce qu’on enseigne généralement dans la tradi­tion didactique finlandaise du fran­çais langue étrangère, après beaucoup de ce n’est donc pas l’arti­cle défini qui disparait, mais l’arti­cle indéfini.

Le dé­ter­mi­nant dans un GN détaché

Quand un grou­pe no­mi­nal est posi­tion détachée dans les constructions disloquées du français langue parlé, c’est-à-dire en prolepse (disloca­tion à gauche) ou en rappel (disloca­tion à droite), la for­me du dé­ter­mi­nant peut varier. Le lien sé­man­ti­que entre le GN détaché et le dé­ter­minant d’origine est marqué par un pro­nom : le grou­pe no­mi­nal en prolepse ou en rappel avec un dé­ter­mi­nant défini est relayé par le pro­nom le, la, les, tandis que le grou­pe no­mi­nal indéfini est relayé par le pro­nom en, conformément aux règles d’em­ploi du pro­nom com­plé­ment de ver­be direct :

Je n’ai pas encore vu la nouvelle version. → La nouvelle version, je ne l’ai pas encore vue. / Je ne l’ai pas encore vue, la nouvelle version. — Il faut classer ces photos par année. → Ces photos, il faut les classer par année. / Il faut les classer par année, ces photos. — Aurélie a acheté des robes. → Des robes, Aurélie en a acheté. / Aurélie en acheté, des robes. — Il restait encore du vin. → Du vin, il en restait encore. / Il en restait encore, du vin.

Si le dé­ter­mi­nant est un dé­ter­mi­nant indéfini de for­me simple (un seul mot), le nom en prolepse ou en rappel est précédé de l’arti­cle indéfini, et le dé­ter­mi­nant est repris sous for­me de pro­nom après le ver­be (quel­que devient alors quel­ques-un(e)s :

Cette année, on m’a offert carrément trois cravates. → Cette année, des cravates, on m’en a carrément offert trois. / Cette année, on m’en a carrément offert trois, des cravates. — Ils ont fait quel­ques propositions, mais je ne sais pas si ça vous satisfera. → Des propositions, ils en ont fait quel­ques-unes, mais je ne sais pas si ça vous satisfera. / Ils en ont fait quel­ques-unes, Des propositions, mais je ne sais pas si ça vous satisfera. — Deux seulement, qu’il en a mangé, des portions. (lire...) — Il t’en reste encore plusieurs, des cartes, ou il faut aller en acheter d’autres ? — Pourtant, j’avais des photos toutes prêtes. → Pourtant j’en avais des toutes prêtes, de photos ! ← [Relevé sur un forum de discussion. La for­me attendue serait des photos. Attrac­tion probable (et croisée ?) des for­mes j’en ai pas, de photos et/ou c’est des drôles de photos.]

Si le dé­ter­mi­nant est un dé­ter­mi­nant indéfini composé (for­me avec de), le nom en prolepse ou en rappel est précédé de l’arti­cle indéfini, et le dé­ter­mi­nant est repris après le ver­be sans l’élément de :

On a beaucoup de temps. → Du temps, on en a beaucoup. / On en a beaucoup, du temps. — Il restait encore beaucoup, de vin. → Du vin, il en restait encore beaucoup. → Il en restait encore beaucoup, du vin. / — Mais il reste très peu de tarte. → Mais de la tarte, il en reste très peu. / Mais il en reste très peu, de la tarte. — Ça fait beaucoup de questions, ça ! → Ça en fait beaucoup, des questions. / Des questions, ça en fait beaucoup ! — Il faudrait beaucoup de bonnes idées pour sauver la situation. → De [arti­cle indéfini pluriel devant ad­jec­tif antéposé] bonnes idées, il en faudrait beaucoup, pour sauver la situation. — Vous avez encore beaucoup de tartes com­me ça ? → Vous en avez encore beaucoup, des com­me ça ?

Dans une phrase négative, l’arti­cle indéfini qui dé­ter­mi­ne le nom détaché peut passer à la for­me de, mais ce n’est pas systématique, parce que le rapport entre le ver­be est le CVD est moins net que dans la phase normale et l’influenc ede la néga­tion moins forte :

Je n’ai pas constaté énormément d’erreurs. → Des erreurs / D’erreurs, je n’en pas ai constaté énormément.  / J’en ai pas constaté énormément, des erreurs. / d’erreurs. — On n’a plus beaucoup de temps. → Du temps, / de temps, on n’en a plus beaucoup. / On n’en a plus beaucoup, de temps. Il n’en restait plus beaucoup, du vin. Ou : — Il n’en restait plus beaucoup, de vin.

Le maintien de la for­me normale du / de la est ce­pen­dant majoritaire :

De l’argent, il n’y en a plus énormément. — Malheureusement, on n’en a pas beaucoup, des idées, ni du temps d’ailleurs. — De la soupe, il en a pas mangé des masses, vu qu’il aime pas ça du tout.

De toute façon, com­me dans le cas de toutes les constructions typiques du français parlé, l’ap­pre­nant (fin­no­pho­ne ou autre) de FLE n’a pas besoin de savoir reproduire ces structures, dont la maitrise nécessite une longue pratique du français. Mais il importe de savoir les identifier, pour savoir interpréter correctement le sens de de devant un GN isolé en fin de phrase et rétablir le rapport entre le pro­nom en, le dé­ter­mi­nant et le GN:

D’argent, on n’en a plus énormément. — Malheureusement, d’idées, on n’en a pas beaucoup, ni du temps d’ailleurs. — De solution, je n’en ai pas trouvé.


Contenu de la pageISBN 978-951-39-8092-4 | V. 1.0 2020 © Jean-Michel Kalmbach 2020Contenu général