Guide de pro­non­cia­tion française pour apprenants finnophones
2. Comment apprendre à bien pro­non­cer  ?

Le mot phonème est le terme technique qui sert à désigner les unités sonores du langage. Par ex­emple, dans le mot bar, il y a trois phonèmes, / b a ʁ /. En français, il y actuellement 33 pho­nè­mes productifs (dans certaines régions, on en utilise parfois encore d’autres).

Phone et phonème, phonétique et phonologie

On distingue habituellement la phonétique et la phonologie :

  • la phonétique décrit tout le « matériau de production sonore » : sons, intonation, perception, organes etc. Elle analyse les phones [äänne].
  • la phonologie analyse les caractéristiques « utiles » et la fonction des phones. Elle identifie et étudie les phonèmes, c'est-à-dire des unités phoniques qui permettent de distinguer deux mots différents (comme /ba/ bas et /pa/ pas).

Par exemple, en français, il existe plusieurs phones qui sont assez différents, mais qui sont tous interprétés comme un seul phonème /ʁ/ :

  • un /ʁ/ dit uvulaire, pro­non­cé avec un léger frottement de la langue contre la luette [kita­kie­le­ke], comme dans rarement ; c'est la forme la plus fréquente de /ʁ/ en français ;
  • une variante « dévibrée » de /ʁ/, sans vibration des plis vocaux, et très léger, transcrit /ʁ̥/, prononcé parfois par exemple à la fin des mots : pire pro­non­cé /piʁ/ ou /piʁ̥/ ;
  • au contact de consones sourdes, le r français devient très sourd, tartre, apportera. C’est le même son /χ/ que dans l’allemand Achtung, Koch ;
  • on trouve aussi des variantes régionales : un r dit « grasseyé » /ʀ/ (c'est le r utilisé dans le suédois de Scanie), et un r dental, dit « r roulé », celui qu’on utilise en finnois.

Tous ces phones différents du français standard, /ʁ/ (rarement, perdre), /χ/ (tartre), /ʁ/ (rire), et leurs variantes régionales /ʀ/ et /r/ sont interprétés de la même façon, comme le phonème /ʁ/. En japonais, /l/ et /r/ sont interprétés comme comme un seul et même phonème ; pour les finnophones, /p/ et /b/ sont généralement perçus comme un seul phonème. Mais en français ce sont deux phonèmes nettement différents : /du/ doux [pehmeä]/tu/ toux [yskä], /pa/ pas [askel]/ba/ bas [sukka].

Quand on parle de l’apprentissage de la pro­non­cia­tion d’une langue étrangère, on pense en gé­néral à l’ap­pren­tis­sage des différents phonèmes que contient cette langue et des carac­té­ris­ti­ques générales comme l’ac­cen­tua­tion, l’intonation etc. Pour bien pro­non­cer une langue, il suffit donc en principe d’apprendre à pro­non­cer les phonèmes de la langue et la manière de les en­chai­ner, le rythme etc. Pour parvenir à cet objectif, il faut cependant respecter certaines condi­tions :

Être motivé

L’apprentissage de la pro­non­cia­tion dépend en grande partie de la motivation person­nel­le. Cer­tai­nes per­son­nes trouvent amu­sant ou stimulant d’essayer de reproduire parfaite­ment la pro­non­cia­tion de la langue qu’elles apprennent et s’entrainent beaucoup pour pro­non­cer le mieux possible, afin d’imiter les locuteurs natifs. D’au­tres sont moins moti­vées ou intéressées par une pro­non­cia­tion parfaite ou perfectionniste.

Savoir écouter et interpréter

Il faut être capable de reconnaitre les phonèmes quand on les entend. Ce n’est pas si évident : certaines personnes ont parfois des difficultés à identifier ou différencier (« discriminer ») les phonèmes. Elles dé­clarent qu’elles « n’entendent pas de différence ». Les francophones ont souvent du mal à reconnaitre les voyelles ou les con­sonnes longues dans d’autres langues, ou par exemple en anglais la différence entre th et f/z. Les finnophones ont du mal à distinguer /p~b/, /k~g/ ou /s~ʃ/ etc. Mais en général, tout le mon­de arrive à acquérir petit à petit ces com­pé­tences auditives en appre­nant à pro­noncer les pho­nè­mes.

Savoir imiter

Apprendre une nouvelle langue étrangère, c'est adopter une nouvelle identité : il faut ap­pren­dre un peu à penser comme les locuteurs de cette langue, apprendre leur vocabulaire, leur vision du monde, leurs habi­tu­des. C'est valable aussi pour la pro­non­cia­tion. Pour apprendre à pro­non­cer une langue étrangère, il faut donc avoir des capacités mimétiques, c’est-à-dire être capable de reproduire les pho­nè­mes, d’imi­ter la manière dont ils sont pro­non­cés, la mélodie, la longueur etc. En quelque sorte, il faut avoir à la fois un peu l’oreille musicale [sävelkorva] et avoir des dons d’acteur [näyttelijä]. Ce sont des aptitudes [kyky] qui ne sont pas les mêmes chez tous les apprenants, et ceci peut in­flu­encer positivement ou négativement la motivation personnelle.

Faire du sport

Mais ces aptitudes ne suffisent pas : la pro­non­cia­tion est avant tout une activité motrice, un exercice physique. Pour pro­non­cer une langue étrangère, il faut exercer les organes de la phonation (langue, plis vocaux [ääni­huulet], lèvres etc.) à faire des mouvements différents de ceux qu’on fait sans y penser quand on parle sa propre langue. Exactement comme pour toute autre activité qui nécessite des mou­vements du corps : sport, danse, pratique d’un ins­tru­ment de musi­que, il faut s’entrainer régulièrement à pro­noncer « autre­ment », et égale­ment s’entrainer pour que cela devienne au­to­ma­ti­que ou inconscient.

Garder la forme

Comme dans le cas d’un sport ou d’un instrument de musique, si on ne s’entrai­ne pas ré­gu­liè­rement, on perd rapidement les habitudes et les automatismes acquis. Si on veut conserver une bonne pro­non­cia­tion, il fau­drait donc essayer de pra­ti­quer [harjoitella] le plus souvent possible, au laboratoire de langues mais aussi dans la vie courante, pendant et aussi après le cursus scolaire ou universitaire.

Des résultats garantis

Il faut donc faire attention à beaucoup d’aspects, mais grâce à cet entrainement, même les per­son­nes qui, au départ, n’entendent pas très bien les différences entre les phonèmes ou n’ar­rivent pas à imiter la pro­non­cia­tion du français peuvent petit à petit acquérir les aptitudes né­ces­sai­res (iden­ti­fier/imiter). L’expérience de plus de trente années d’enseignement de la pro­non­cia­tion au la­bo­ra­toi­re de langues le prouve : acquérir une bonne pro­non­cia­tion (c’est l’objectif de ce guide) est possible pour tout le monde.

ISBN 978-951-39-7388-9 © Jean-Michel Kalmbach 2018-2022 |  Version 1.0