Guide de pro­non­cia­tion française pour apprenants finnophones
3. Facilité et difficulté du français pour les finnophones

Les finnophones ont de (grands) avantages…

Il y a beaucoup de points communs dans le phonétisme du finnois et du français. Tous les pho­nè­mes du finnois se trouvent aussi en français, avec certaines différences, bien sûr. Le français compte 33 pho­nè­mes, le finnois 25 (si on inclut /b/, /g/ et /ʃ/). Chacun des pho­nè­mes du finnois a un équi­valent identique ou assez proche en français. Donc, plus de deux tiers (2/3) des phonèmes du français sont pratiquement « prêts à l’emploi » pour les fin­no­pho­nes.

C’est un avantage que toutes les langues n’ont pas…

De nombreuses langues n’ont que 5 voyelles (l’espagnol, par exemple). Le finnois en a 8 et il fait partie des langues (pas si nombreuses en Europe) qui ont des voyelles antérieures labialisées, /y/ et /ø/. Ces voyelles n’existent pas en anglais ni dans les langues slaves, et les locuteurs de ces langues ont souvent de très grandes difficultés à les pro­non­cer. De même, pour des Espagnols, il peut être parfois difficile de distinguer /ɛ/ (finnois ä) et /a/, un problème que les francophones ou finnophones n’ont pas. Les voyelles de l’anglais sont beaucoup plus difficiles à maitriser pour un francophone que celles du finnois. Pour les francophones, il est relativement facile d’apprendre à pro­non­cer le finnois, mais les voyelles longues, le phonème /h/ et le /r/ roulé du finnois peuvent être difficiles à maitriser. En finnois, il ne manque que les phonèmes /z/ et /ʒ/ pour que la liste des consonnes soit pratiquement identique en finnois et en français (les semi-consonnes /w/ et /ɥ/ jouent un rôle marginal).

On peut ainsi distinguer quatre catégories de phonèmes français :

  1. phonèmes faciles identiques p/t/k/m/n/ŋ/f/v/j ou quasiment identiques /s/l/w/ ;
  2. phonèmes avec des correspondants proches en finnois  : les voyelles i/a/e/y/ø/o/u/ɛ (et /œ/ɔ/) ;
  3. phonèmes sans correspondant en finnois, mais généralement faci­le­ment reproduits par les finno­pho­nes : ʁ/ʃ/ʒ/ɥ et les voyelles nasales  /ɛ̃/ɑ̃/õ/ ;
  4. phonèmes fortement résistants : /b/d/g/ et /z/, et en particulier les groupes bʁ/dʁ/gʁ. Ces pho­nèmes sont, malencontreusement, justement ceux qui contribuent le plus à donner une ima­ge po­si­ti­ve de la pro­non­cia­tion du français, qui, par rapport au finnois, est dominée par la so­no­rité.

Un autre avantage pour les finnophones, c’est qu’en français l’accentuation ne joue pas de rôle gram­ma­tical, contrai­rement à d’autres langues. De plus, le français moderne a ten­dan­ce à placer un ac­cent d’in­sitance sur le début des groupes de mots, comme en finnois. Même si l’intonation expres­sive du français est très variée (celle du finnois aussi), une phrase pro­non­cée en français de façon entièrement monotone est parfaitement com­pré­hen­si­ble.

... mais il y a aussi des difficultés.

Les finnophones disposent donc d’un « capital phonétique » qui peut (et qui devrait) être exploité pour l’ap­pren­tis­sa­ge du français. On peut dire, sur la base de l’expérience, qu’il n’y a pas de phonème fran­çais isolé « impossible à pro­non­cer » pour les finnophones. Mais certains phonèmes comme b/d/g sont difficiles pour eux quand ils sont répétés dans une même séquence ou quand ils sont au contact de certains autres, en particulier devant /ʁ/. Cela concerne aussi s/ʃ/z/ʒ, que tous les finnophones sont capables de produire isolément, mais qui sont beaucoup plus difficiles quand ils sont mêlés dans une même séquence, par exemple qu’est-ce que ça change ?

Ce « capital phonétique » peut aussi être un désavantage : même si une grande partie des pho­nè­mes fran­çais existent aussi en finnois, ils ne sont pas tous exactement identiques. Certains, par exemple i/e/a ou o/ø, ne sont pas « suffisamment diffé­rents » en français par rapport au finnois, et souvent, les finnophones ne pensent pas à faire l’effort né­ces­sai­re pour les pro­non­cer comme il le faudrait. Et les enseignants de français ne pensent pas forcément à insister sur ces diffé­ren­ces.

Enfin, il y a une difficulté supplémentaire : comme on le sait, le français ne se pro­non­ce pas comme il s’écrit. Autrement dit, la graphie [kirjoitustapa] ne correspond pas à la phonie [ääntötapa]. C'est une difficulté qui concerne tous les apprenants de français (et même les francophones !), mais qui est par­ticulièrement déroutante ou frustrante pour les finnophones, qui sont habi­tués à utiliser dans leur langue un système de graphie qui représen­te assez fidèlement la pro­non­ciation. Pour l’ap­pre­nant de français comme langue étrangère, apprendre à pro­non­cer le français, c’est aussi forcément apprendre à le lire et à l’é­cri­re.

Une autre conséquence du fait que le français ne se pro­non­ce pas comme il s’écrit, c’est que l’ap­pre­nant a besoin d’un minimum (assez important) de connaissances de grammaire pour sa­voir com­ment pro­non­cer des mots qu’il voit écrit en fran­çais. Il faut savoir par exemple que dans ils parlent, le mot parlent est un verbe et que les lettres ent sont la marque du pluriel et ne se pro­non­cent pas, alors que dans c’est évident, le mot évident est un adjectif, et dans ce cas les lettres ent se pro­non­cent /ɑ̃/.

D’autres connaissances grammaticales, plus étendues, peuvent être nécessaires…

pour savoir par ex­em­ple dans quel cas on peut ou on doit faire la liaison : dans la phrase mes amis arrivent, il faut savoir qu’on fait la liaison après le déterminant mes, parce qu’on fait la liaison entre un déterminant et le nom qu’il détermine (il faut donc savoir que amis est un nom), mais que la liaison est interdite entre amis et attendent, parce qu’on ne fait pas la liaison entre un nom pluriel et le verbe dont ce nom est le sujet. Et pourtant, dans ils attendent, on fait la liaison entre le pronom sujet ils et le verbe attendent.

ISBN 978-951-39-7388-9 © Jean-Michel Kalmbach 2018-2022 | Version 1.0 | Mod. 27.5.2022