On peut proposer aux apprenants différents niveaux de compétences phonatoires (qui concernent la manière de prononcer), auxquels chacun peut adapter ses objectifs, ses besoins et/ou sa motivation. On suggère ici quatre niveaux, qui ne sont pas des échelles précises, mais servent simplement à situer différentes compétences. Pour cette raison, les listes de critères ne contiennent pas le détail de tous les aspects possibles d’un niveau de compétences. Chaque apprenant peut évaluer ses compétences et moduler ses propres objectifs en s’aidant de ces indications.
Le locuteur ne sait pas reproduire entièrement ni parfaitement tous les traits du phonétisme du français, mais sa prononciation est suffisamment bonne pour garantir que, dans pratiquement tous les cas, le sens du message oral est compris sans ambigüité [tulkinnanvaraisuus] ni malentendu [väärinkäsitys]. Capacités minimales necéssaires :
b/d/g
pour les différencier de p/t/k
(pas/bas, ton/don, cadeau/gâteau…) ;bʁ/dʁ/gʁ
(différencier trois/droit, cri/gris, crasse/grasse) ;/z/
(marque de pluriel courante dans mes amis, les oiseaux…) ;s/ʃ/z/ʒ
pour éviter les confusions les chiens/les siens, percer/percher… ;/ɑ̃/õ/
banc/bon et les voyelles /o/õ/
beau/bon ;/e/
(pasaʒe
passager ≠ pasaʒɛʁ
passagère) ;Quand le locuteur parle, on remarque assez vite que sa prononciation n’est pas celle d’un natif, mais il n’y a pas de défauts marqués ou gênants, et la prononciation donne une impression favorable et efficace. Les phonèmes considérés isolément sont presque toujours produits de façon conforme. À ce niveau-là, la sonorité des consonnes sonores est un trait décisif pour la qualité de la prononciation et contribue pour près de 80% à donner une bonne impression d’ensemble, même s’il y a des défauts concernant d’autres phonèmes. Caractéristiques (en plus de celles du niveau précédent) :
b/d/g
, bʁ/dʁ/gʁ
, /z/
, /ʒ/
; ɛ/ɔ/œ
sont prononcées avec une aperture suffisante à la fin des mots ou des groupes de mots : elle est venue seule avec sa mère ᴇlᴇvɶnysœlavᴇksamɛʁ
;/ɑ̃õ/
et les voyelles /oõ/
sont prononcées de façon nettement différenciée (mais pas toujours avec la contraction du pharynx typique des voyelles nasales françaises) ;s/ʃ/z/ʒ
est acquise, malgré quelques erreurs occasionnelles ;õvauapʁᴇ
) ;/ʁ/
, de légers incidents liaison avec /z/
;/ʁ/
est un r uvulaire (pratiquement toujours produit correctement par les apprenants finnophones) ;On ne remarque pas, ou seulement après un certain temps, que le locuteur n’est pas un locuteur natif. Tous les phonèmes sont prononcés sans défaut, l’élocution est rapide et naturelle, le locuteur sait reproduire de façon naturelle des groupes de phonèmes.
/aie/
sont prononcées de façon tendue et écartée, magasin, du café, ministériel, et en particulier /e/
en finale beauté, réparer, janvier ;s/ʃ/z/ʒ
complexes, dans quinze jours, que je sache, est acquise (quelques erreurs occasionnelles sont possibles) ;On peut dire en quelque sorte qu’à ce niveau-là le locuteur sait prononcer pratiquement parfaitement le français écrit, et sait reproduire quelques caractéristiques du français oral, par exemple l’assimilation de sonorité dans des groupes simples : projeter pʁoʃte
, je sais pas ʃsᴇpa
, trop de travail tʁotːʁavaj
, ça te dit quelque chose ? sadːikᴇkʃoz
, je suis fatiguée ʃɥifatige
.
Ce qui différencie essentiellement ce niveau du précédent, c’est que le locuteur ne reproduit pas le français écrit, mais parle le français oral typique, qui est prononcé par « blocs » (des unités sonores), ce qui signifie que l’assimilation de sonorité et les enchainements sont produits naturellement. Par exemple la phrase il ne me l’a pas dit est prononcée en un seul élément imlapadi
, tout comme des groupes plus complexes comme ce qui fait que je ne lui ai rien dit skifᴇgʒɥiᴇʁjɛ̃di
. La prononciation spontanée de ces groupes implique aussi une maitrise « intuitive » (automatique/inconsciente) des structures grammaticales qui les sous-tendent.
De même, l’intonation expressive est maitrisée, elle est produite de façon naturelle et peut exprimer des sentiments très variés. Pour l’apprenant de français langue étrangère, ce niveau de compétences nécessite une immersion relativement longue dans un milieu francophone, qui dépend évidemment de circonstances pratiques et personnelles. Il nécessite aussi des capacités naturelles d’imitation (compétence mimétique) et de reproduction, qui sont des traits individuels variables en fonction de chaque apprenant, exactement comme par exemple l’oreille musicale.