Pendant plusieurs centaines d’années, le système graphématique du français s’est formé sans direction d’ensemble, en créant beaucoup de règles souvent contradictoires. Quand elles commencé à être règlementées (par l’Académie française au XVIIe siècle), ces règles contradictoires et souvent redondantes, au lieu d’être corrigées, rationalisées et harmonisées, sont devenues la norme de la graphie du français. Le résultat est un vaste ensemble de règles incohérentes, comme on peut le constater dans la liste des graphèmes.
Ce système graphématique est également très obsolète [vanhentunut]. En exagérant à peine, on peut dire que le français s’écrit comme il se prononçait il y a 600 ans. Durant tout ce temps, la langue a évolué énormément et elle évolue sans cesse, mais l’orthographe ne reflète pas ces changements. On continue d’écrire des lettres ou des syllabes entières qui ont disparu depuis longtemps dans la prononciation.
La conséquence, c’est que pour apprendre à prononcer le français, l’apprenant de français langue étrangère doit aussi avoir des capacités d’abstraction : quand on parle, il faut « oublier » de prononcer des lettres, des syllabes ou des mots entiers qui sont écrits, et quand on entend le français oral, il faut savoir restituer mentalement [palauttaa] les lettres ou syllabes non prononcées dans les phrases qu’on entend : lodʒur
l’autre jour, sidːisːa
s’ils te disent ça, ʃtlavᴇdi
je te l’avais dit.
À une époque, on a même rajouté dans la graphie des lettres qui ne s’étaient jamais prononcées (comme le d dans le mot poids), tout en conservant des lettres qui ne se prononçaient plus. Le système graphématique du français peut être comparé à un magasin d’antiquités, qui contient beaucoup d’objets, très jolis et décoratifs, mais qui ne peuvent pas être utilisés dans la vie réelle. Beaucoup de francophones eux-mêmes ne savent pas comment utiliser ces antiquités.
Étant donné que la graphie du français ne permet pas toujours de savoir comment un mot est prononcé, l’apprenant de français langue étrangère doit aussi apprendre les signes de la transcription phonétique, qui permettent de découvrir la prononciation réelle cachée par l’orthographe. C’est un effort supplémentaire, qui est pratiquement inutile quand on apprend par exemple le finnois ou l’espagnol.
Heureusement, on rencontre aussi la transcription phonétique dans la vie courante, dans les dictionnaires, dans les manuels de langue à l’école, dans les guides touristiques ou de conversation, sur des sites internet tels que Wikipedia, et parfois même dans des publicités dans les journaux ou au bord des routes. Ce n’est donc pas vraiment un système réservé aux spécialistes, et la plupart des signes de l’alphabet phonétique sont faciles à reconnaitre et à mémoriser.
Les défenseurs de l’orthographe française traditionnelle ne se rendent pas compte de la somme d’efforts supplémentaires que l’antiquité et l’inadéquation du système graphématique entrainent. Car pour apprendre à prononcer le français, il faut d’abord, comme on s’y attend :
mais aussi…