Guide de pro­non­cia­tion française pour apprenants finnophones
4. La transcription des phonèmes

La transcription des phonèmes

Pour apprendre à pro­non­cer une langue, il faut aussi apprendre à compren­dre la signification des signes utilisés pour transcrire, c’est-à-dire reproduire les phonèmes de cette langue avec des signes visuels, ce qu’on appelle cou­ram­ment « la graphie » l’« écriture » (« l’écri­ture japonaise », ou l’écriture arabe), ou l’« ortho­graphe » (« l’ortho­graphe française »).

Toute transcription est un code arbitraire, une convention, qu’il faut connaitre pour pou­voir lire une langue. Même dans les nombreuses langues qui utilisent l’alphabet latin, les signes (= les lettres) n’ont pas toujours la même valeur : le signe j se lit /j/ en finnois ou en allemand, /ʒ/ en français, /ʤ/ en anglais ou en indonésien, /χ/ en espagnol…

De plus, la plupart du temps, le système de signes n’évolue pas à la même vitesse que la langue qu’il doit reproduire, et il y a un décalage parfois important entre la graphie (l’écriture) et la phonie (la pro­non­cia­tion). C’est le cas du français ou de l’anglais, par exemple. Dans ces langues (et dans beaucoup d’autres), on ne peut pas toujours savoir comment un mot écrit doit se pro­non­cer, ou comment un mot qu’on en­tend doit s’écrire, même quand on a étudié cette langue.

Pour toutes ces raisons, on utilise par exemple dans l’enseignement des langues étrangères ou dans les diction­naires, une transcription standardisée : l’alphabet de l’Association pho­né­tique internatio­na­le (API), qu’on appelle couramment « transcription phonétique ». Elle per­met de décrire chaque phonème de façon unique, in­dé­pen­dam­ment de la manière dont il est représenté (ou « dessiné ») dans telle ou telle langue.

Les graphèmes

Les différentes cultures ont inventé des systèmes de signes (des « écritures ») très variés pour transcrire les sons du language (les phonèmes de la langue que ces systèmes représentent). Le français, le finnois et de nombreuses autres langues utilisent les signes de l’alphabet latin. Cet alphabet comprend 26 signes. Pour­tant, dans de nombreuses langues, il y a plus que 26 phonèmes. Comment les transcrire avec le nombre de signes limités de l’alphabet latin ? On a inventé dif­fé­ren­tes so­lu­tions :

Digrammes, trigrammes, accents et autres signes diacritiques

De nombreuses langues utilisent des digrammes. En anglais sh /ʃ/, en suédois sj (= ɧ), en hongrois sz (= /s/), en italien ch (= k), en basque tx (= /ʧ/) sont tous des digrammes. Même en finnois, on utilise des digrammes : uu n’a pas la même valeur que u. Pour transcrire une voyelle longue, le finnois utilise donc lui aussi des digrammes (dans d’autres langues, on transcrit /u/ long par exemple ú, ū etc.).

Le hongrois est un bon exemple de langue qui utilise à la fois une grande quantité de digrammes et de signes diacritiques. Pour chaque phonème, on utilise soit une lettre simple, soit un digramme, soit un signe diacritique. Par exemple le mot zsír (« graisse ») : le groupe zs est un digramme (= /ʒ/), í utilise un signe dia­cri­ti­que (i + ´ = , i long), et r est une lettre simple. Le hongrois utilise une transcription pra­ti­que­ment 100 % univoque [yksiselitteinen].

Le finnois utilise aussi des signes diacritiques, les trémas [treema] sur a et o : ä n’est pas la même chose que a. Le finnois utilise également dans certains mots un signe (le «  háček ») sur le s : š. Le français utilise plusieurs signes diacritiques : les accents (´ aigu, ` grave, ^ circonflexe), la cédille (ç), le tréma (ï). D’autres langues en Europe utilisent des signes diacritiques : le tchèque (ý), le hongrois (ő), l’allemand (ä), le roumain (ţ), l’islandais (á) etc. L’espagnol en utilise peu (ñ, ï), l’anglais, le néerlandais, le basque n’en utilisent aucun. L’alphabet pho­né­ti­que lui-même utilise de nombreux signes diacritiques (  ʴ  ̬  ̥  ̡ ).

Comment lire à haute voix ou nommer les lettres accentuées ?

La manière de lire ou de nommer oralement les graphèmes par exemple dans des exercices de grammaire ou d’épeler un nom finlandais en français au téléphone ou à un guichet pose souvent des problèmes. Voici un bref rappel :

é « e accent aigu » [ɶaksɑ̃tegy] (on fait la liaison en /t/ entre accent et aigu)
à « a accent grave »
è « e accent grave »
ù « u accent grave »
â « a accent circonflexe »
ê « e accent circonflexe »
î « i accent circonflexe »
ô « o accent circonflexe »
û « u accent circonflexe »
ä « a tréma »
ö « o tréma »
ï « i tréma »
ü « u tréma »
ë « e tréma »
l’ « l apostrophe »
s’ « s apostrophe »
ç « c cédille »

Remarquer qu’on n’uti­li­se pas d’article (on ne dit pas par exemple *« a l’accent grave ») ! On peut cependant uti­li­ser un article quand on désigne la lettre elle-mê­me :

Le deuxième e d’évènement s’est longtemps écrit avec un accent aigu parce que l’imprimeur du dictionnaire de l’Académie en 1736 était tombé à court de lettres e avec un accent grave et qu’il avait temporairement remplacé ces lettres par des e avec un accent aigu, dont on a oublié de corriger un certain nombre dans les éditions ultérieures.

Exem­ples de mots épelés

Quand on épèle des lettres doubles, par exem­ple mm, kk, ll etc., on dit « deux m », « deux k », « deux ll » et non pas « double m/ double k / double ll  » comme en finnois :

Noël : n – o – e tréma – l
maçon : m – a – c cédille – o – n
Hämäläinen : a tréma – m – a tréma – l – a tréma – i – n – e (prononcé [ɶ] et non pas [e]) – n
Lönnrot : l majuscule – o tréma – deux n – r – o – t
Ylläs : i grec majuscule – deux l – a tréma – s
Jyväskylä :  j,   i grec,   v,   a tréma,   s,   k,   i grec,   l,   a tréma

Les lettres et les combinaisons de lettres ou de signes forment des unités graphiques, qu’on appelle des graphè­mes. Dans le mot oiseau, il y a six lettres, qui forment trois gra­phè­mes, oi wa, s /z/, eau /o/. La lettre û (avec le signe diacritique ^ appelé « accent cir­con­flexe »), ou bien la lettre c avec une cédille ç sont aussi des graphèmes. Certains graphèmes ne correspondent à aucun phonème, comme pt dans exempt ou prompt. D’au­tres ne sont pas pro­non­cés mais ont une fonction grammaticale, comme nt dans le verbe chantent (marque de pluriel). Les graphèmes et les règles selon lesquelles on les utilise forment le système graphé­mati­que.

Un système graphématique illogique en français…

Du fait de l’évolution de la langue et de l’orthographe, on trouve en français

  • des lettres qui représentent un seul phonème : p, t, d, ou, ph, an… ;
  • des lettres qui peuvent représenter plusieurs phonèmes différents : g, s, e, o, y… ;
  • des lettres qui ne représentent aucun phonème pro­non­cé : e, s, g, p, t, d

Certains graphèmes formés de plusieurs lettres peuvent aussi représenter des sons dif­fé­rents : dans figue, le graphème gu transcrit /g/, mais dans figure, il transcrit gy.

Les homonymes

À cause de l’évolution phonétique de la langue, il y a en français une assez grande quan­ti­té de mots qui se pro­non­cent de la même façon, mais qui ont un sens différent. On appelle ces mots des homonymes (« noms identiques »). En finnois, des homonymes comme kuusi « sapin » et kuusi « six » s’écrivent de la même manière, alors qu’en français, les homonymes sont le plus souvent écrits différemment:

sɑ̃ sans ilman, sang veri, cent sata, sent tuntee, sens tunnen, s’en se + en, c’en ce + en
sɛ̃ ceint ympäröity, sain terve, sein rinta, seing allekirjoitus, saint pyhä cinq viisi (dans cinq minutes)
fwa foi usko, foie maksa, fois kerta, Foix (nom d’une ville)

Homonymes, homophones et homographes

Les homonymes se pro­non­cent de la même manière (on dit qu’ils sont homophones) mais la plupart du temps ils s’écrivent différemment : fwa foi, fois, foie, Foix. Certains homonymes se pro­non­cent et s’écrivent de la même manière, on dit alors que ce sont des homonymes homographes (bac lautta et bac ylioppilastutkinto). En finnois, les homonymes/ homo­pho­nes sont toujours homographes. Enfin, en français, il y a aussi des ho­mo­gra­phes qui ne se pro­non­cent pas de la même manière (ils ne sont donc pas homophones ou homo­ny­mes), ce qui est impossible en finnois :

homonymes (homophones) non homographes : poids pwa paino, pois pwa herne, poix pwa piki ;
homonymes (homophones) homographes : amer amɛʁ katkera, amer amɛʁ merimerkki ;
homonymes (homographes) non homophones :
portions pɔʁtjõ (me) kannoimme / portions pɔʁsjõ annokset
couvent kuvɑ̃ luostari / couvent kuv [he] hautovat
cassis kasi painauma / cassis kasis mustaherukka

ISBN 978-951-39-7388-9 © Jean-Michel Kalmbach 2018-2022 | Version 1.0 | Mod. 23.5.2022