Guide de pro­non­cia­tion française pour apprenants finnophones
12. Phonèmes français fortement résistants

Les phonèmes fortement résistants sont des phonèmes qui demandent beaucoup d’effort et d’en­trai­nement aux finnophones avant que ceux-ci arrivent à les pro­non­cer systémati­que­ment de façon appropriée. Ce ne sont pas du tout des phonèmes difficiles à pro­non­cer quand ils sont isolés ou peu nombreux, mais il faut beaucoup de temps pour que leur pronon­ciation devienne « automatique ». Ces phonèmes, /bdSg/ et /z/ sont caractérisés par leur sonorité [soinnillisuus], autrement dit, quand on les pro­non­ce, les plis vocaux [äänihuulet] vibrent.

Les consonnes /bdg/ existent aussi en finnois, mais elles sont généra­le­ment pro­non­cées comme leurs équivalents non sonores /ptk/, qui sont des consonnes dou­ces (ni sonores, ni aspirées). Par rapport au finnois, la sonorité de /bdg/ en français est très forte, très caractéristique et, avec /z/ elle contribue pour une très grande part (80%) à donner l’impression d’une pro­non­cia­tion « fran­çai­se ». C’est donc sur les consonnes /bdgz// que les enseignants et les manuels de français devraient concentrer l’attention et les efforts au début et tout au long de l’apprentissage de la pro­non­cia­tion.

Un locuteur francophone natif remarque immédiatement…

si une de ces consonnes est pro­non­cée sans être suffisamment sonore, même si tout le reste est parfaitement pro­non­cé. Inversement, si on pro­non­ce une séquence en faisant quelques erreurs sur des voyelles, mais que les consonnes sonores sont pro­non­cées très sonores, le francophone ne remarque pas forcément d’erreur.

Occlusives sonores /b d g/

Les occlusives [klusiilit] sont des consonnes qu’on pro­non­ce en fermant la bouche (occlusion signifie « fermeture ») un petit moment ; quand on pro­non­ce une occlusive longue comme en finnois seppä ou en français une coupe parfaite, on garde la bouche fermée plus longtemps que pour une consonne brève, puis on ouvre la bouche. En français, quand on pro­non­ce un /b/, on ferme la bouche et en même temps on fait vibrer les plis vocaux. Cette vibration continue aussi après qu’on a ouvert la bouche. Il faut donc retenir deux points importants :

Dans le cas de /b/, on peut sentir facilement la bouche qui se remplit d’air et les joues qui se gon­flent [pullistua]. Cet air est libéré brus­que­ment quand on pro­non­ce le /b /. La consonne / d/ / se pro­non­ce selon le même mécanisme, mais il y a moins de place pour emmagasiner [kerätä, varastoida] l'air. Il faut donc réellement faire un effort volontaire pour « mettre en marche » la vibration des plis vocaux à temps, avant de prononcer le /d/.

D’une façon générale, il faut faire particulièrement attention à la sono­rité de /d/.

Le /d/  du finnois n’est pas une consonne sonore très forte et n’aide pas vraiment à prononcer le  /d/ français. La consonne /d/ est une occlusive sonore : cela signifie que pour la pro­non­cer

  1. on fait vibrer les plis vocaux [äänihuulet]
  2. on bloque le passage de l’air (= occlusion) en plaçant la langue derrière les dents et
  3. on laisse brusquement passer l’air en baissant la langue.

L’important pour pro­non­cer /d/, c’est de faire vibrer les plis vocaux. Toute autre manière d’essayer de pro­non­cer /d/, avec un petit souffle ou un petit /ʒ/ est inutile si on ne fait pas vibrer les plis vocaux.

Occlusives sonores+r /bʁ dʁ gʁ/

Le fait de commencer à faire vibrer les plis vocaux avant de pro­non­cer une occlusive sonore est très important aussi pour arriver à pro­non­cer correctement les groupes /bʁ dʁ gʁ/, comme dans grand, à droite, briser, drôle etc. Il faut aussi faire attention à ne pas pro­non­cer un /ʁ/ trop sourd (sans vibration des plis vocaux), sinon l’occlusive devient sourde aussi. Pour bien pro­non­cer ces groupes, il faut se concentrer avant tout sur la sonorité de /b/ (ou d, g) et pas sur le /ʁ/, qui peut être assez faible. De tels groupes sont fréquents en français dans de nombreux mots, qui changent de sens si on ne les pro­non­ce pas sonores : grain/crin, gris/cri, grotte/crotte, droit/trois, cran/grand etc.

S sonore /z/

Les finnophones n’ont en général aucune difficulté à pro­non­cer s sonore. Le problème est plutôt que, même quand ils savent le pro­non­cer, ils oublient souvent de pro­non­cer tous les /z/ dans une séquence où il y en a plusieurs. Et, malheureusement, même si le phonème /z/ n’est pas la con­son­ne la plus fréquente du français (seulement environ 1,5% de toutes consonnes), c’est l’une de celles dont la pro­non­cia­tion est la plus importante : un francophone remarque immédiatement un /z/ qui n’est pas pro­non­cé sonore (donc sous la forme /s/). C’est, peut-être encore plus que /bdg/, un véritable marqueur de sonorité du français, et le signe d’une bonne qualité de la pro­non­cia­tion. On le remarque particulièrement dans la liaison, où /z/ est l’expression du pluriel : ces amis, de petits enfants, vous êtes d’accord, ils ont raison. Il faut donc s’en­trainer suffisamment pour que la pro­non­cia­tion de /z/ devienne automatique, « inconsciente » presque. Pour certaines personnes, cela peut demander beaucoup d’effort et prendre beaucoup de temps.

ISBN 978-951-39-7388-9 © Jean-Michel Kalmbach 2018-2022 | Version 1.0