Certains des phonèmes du français n’existent pas en finnois. Malgré cela, les finnophones apprennent en général assez facilement à les prononcer, à condition qu’ils ne soient pas trop nombreux dans une séquence :
ʁ ʃ ʒ ɥ
ɛ̃ ɑ̃ õ
.ʁ
français/ʁ/
est le phonème le plus fréquent du français. Il est prononcé avec un frottement ou raclement [kaapiminen, rykiminen] du dos de la langue contre le palais (on trouve le même type de /ʁ/
en allemand). Il ne demande pas une grande coordination musculaire et l’expérience montre qu’il est facile à prononcer pour la grande majorité des apprenants finnophones. Les francophones ont bien plus de problèmes pour apprendre le /r/
roulé du finnois ou de l’italien que les finnophones le /ʁ/
français. 7.1 à 7.5.
ʃ
et ʒ
Les consonnes /ʃ/
et /ʒ/
sont souvent décrites avec le terme auditif/descriptif (non phonétique) de « chuintantes » [suhuäänne]. Le phonème /ʃ/
est fréquent en anglais et il n’est donc pas inconnu pour les finnophones, qui ont tous appris l’anglais. La consonne /ʒ/
est simplement la version sonore de /ʃ/
, prononcée avec une vibration des plis vocaux. En général, la prononciation de ces phonèmes ne pose pas de grandes difficultés aux finnophones, quand il sont isolés.
Mais quand ils sont au contact de /ʁ/
, ou répétés dans un même mot ou dans une phrase 9.1, et surtout quand ils sont mélangés avec /s/
ou /z/
, les finnophones ont souvent de très grands problèmes pour distinguer szʃʒ
(c’est le cas aussi quand ils prononcent l’anglais, le suédois, l’allemand etc.), et produisent parfois des séquences phoniques incompréhensibles pour un francophone. 9.2
Pourtant, ces consonnes apparaissent très souvent ensemble : ça s’achète ou ?, sur les champs-Élysées, qu’est-ce ça change ? etc. Les groupes sʃ
ou ʃs
, ʒz
, zʒ
sont fréquents aussi : manges-en, le 14 juillet, dans 15 jours, je passe chez vous dimanche soir, c’est la seule chose que je sache, et tout à fait banals dans la langue parlée : je sais pas, je suppose, on va se changer etc. 9.3 à 9.5.
ɥ
Cette consonne est unique en son genre dans les langues européennes. Elle est assez proche de /y/
, mais encore plus labialisée. On réalise /ɥ/
avec un mouvement des lèvres en avant. En finnois, la voyelle /y/
existe aussi, donc la semi-consonne /ɥ/
n’est pas très difficile pour les finnophones. Il faut simplement penser à ne pas la prononcer de façon trop relâchée [höllä] dans la direction de /w/
. 14.4 et suivants.
1. On trouve également ce phonème dans la langue parlée au contact du pronom personnel tu avec des voyelles : Tu arrives ? tɥaʁiv
, Où tu es ? utɥe
.
2. Dans une prononciation enfantine, ou rapide, ou familière, ɥ
peut disparaitre après labiale : puis se prononce pi
.
3. Dans le français de Wallonie (en Belgique), on prononce fréquemment w
en position initiale devant i
: à huit heures awitœʁ
, et puis epwi
etc.
ɛ̃ ɑ̃ õ
Ces voyelles sont également très caractéristiques du français. Quand on prononce une voyelle nasale, le voile du palais [kitapurje] s’abaisse légèrement, et l’air passe en même temps par la bouche et le nez. Les voyelles nasales sont donc des voyelles orales et nasales (oro-nasales) : l’air ne sort pas par le nez comme si on soufflait, il y a simplement une résonance ou une « coloration » nasales supplémentaires. Mais en même temps, il y a une contraction [supistus] de la zone pharyngale [nieluontelo]. On insiste rarement sur cette contraction, et pourtant elle est aussi importante que l’abaissement du voile du palais. On la sent très bien sous forme d’une espèce de mouvement vers l’arrière. Pour bien prononcer les nasales, le débutant à intérêt à lever un peu le menton : ce déplacement musculaire vers le haut entraine un déplacement de la zone vélaire vers l’arrière.
L’autre point important à noter, c’est que les voyelles nasales sont des voyelles (comme leur nom l’indique), et qu’elles ne contiennent pas d’élément consonantique. On prononce donc entier ɑ̃tje
, et non pas *ɑ̃ntje
, impossible ɛ̃posibl
et non pas *ɛ̃mposibl
. Prononcer un /n/
ou un /m/
dans une voyelle nasale est une erreur fréquente chez les finnophones, due à une mauvaise coordination musculaire 10.6. Dans certains cas, cette erreur résulte simplement de mauvaises habitudes prises au début de l’apprentissage du français 10.7.
Malgré leur originalité et leur absence en finnois, les voyelles nasales ne posent pas de problèmes et en général les finnophones apprennent assez facilement à distinguer les différentes voyelles nasales. Certains apprenants ont parfois des difficultés pour séparer nettement /ɑ̃/
et /õ/
10.2. En général, les principales difficultés sont d’apprendre à ne pas prononcer de /n/
ou de /m/
dans les voyelles nasales et, surtout, d’apprendre à prononcer les nasales avec une contraction du pharynx.
Pour des raisons physiologiques, les nasales sont un tout petit peu plus longues que les voyelles orales (par rapport aux voyelles orales, il faut du temps supplémentaire pour abaisser le voile du palais). Les voyelles nasales ont en outre tendance à s’allonger un peu devant une consonne en finale absolue : elle est grande, une bière blonde, c’est mon oncle etc. Cet allongement combinatoire peut être sensible [tuntuva] dans certains cas, surtout à l’oreille des finnophones, qui sont habitués à distinguer des voyelles longues et brèves, et qui, pour cette raison, ont tendance à croire que les voyelles nasales sont toujours des voyelles « longues ». Ce n’est pas le cas, et l’allongement éventuel n’a pas de valeur distinctive. De plus, à l’intérieur d’une séquence, on ne le remarque pas : la Finlande a gagné le match. Il n’y a donc aucune de le transcrire, ni de prononcer les voyelles nasales systématiquement plus longues que les autres voyelles.