Guide de pro­non­cia­tion française pour apprenants finnophones
11. Phonèmes français sans correspondant en finnois

Certains des phonèmes du français n’existent pas en finnois. Malgré cela, les finnophones ap­pren­nent en général assez facilement à les pro­non­cer, à condition qu’ils ne soient pas trop nombreux dans une séquence :

Le ʁ français

/ʁ/ est le phonème le plus fréquent du français. Il est pro­non­cé avec un frottement ou ra­cle­ment [kaapiminen, rykiminen] du dos de la langue contre le palais (on trouve le même type de /ʁ/ en allemand). Il ne demande pas une grande coordination musculaire et l’expérience montre qu’il est facile à pro­non­cer pour la grande majorité des apprenants finnophones. Les franco­phones ont bien plus de problèmes pour apprendre le /r/ roulé du finnois ou de l’italien que les finnophones le /ʁ/ fran­çais. casque-audio-avec-micro7.1  à 7.5.

Les chuintantes ʃ et ʒ

Les consonnes /ʃ/ et /ʒ/ sont souvent décrites avec le terme auditif/descriptif (non phonétique) de « chuin­tantes » [suhuäänne]. Le phonème /ʃ/ est fréquent en anglais et il n’est donc pas inconnu pour les finnophones, qui ont tous appris l’anglais. La consonne /ʒ/ est simplement la version sonore de /ʃ/, pro­non­cée avec une vibration des plis vocaux. En général, la pro­non­cia­tion de ces phonèmes ne pose pas de grandes difficultés aux fin­no­pho­nes, quand il sont isolés.

Mais quand ils sont au contact de /ʁ/, ou répétés dans un même mot ou dans une phrase casque-audio-avec-micro 9.1, et surtout quand ils sont mélangés avec /s/ ou /z/, les finnophones ont souvent de très grands problèmes pour distinguer szʃʒ (c’est le cas aussi quand ils pro­non­cent l’anglais, le suédois, l’al­le­mand etc.), et produisent parfois des séquences phoniques incompréhensibles pour un fran­co­pho­ne. casque-audio-avec-micro 9.2

Pourtant, ces consonnes apparaissent très souvent ensemble : ça s’achète ou ?, sur les champs-Élysées, qu’est-ce ça change ? etc. Les groupes ou ʃs, ʒz, sont fréquents aussi : manges-en, le 14 juillet, dans 15 jours, je passe chez vous dimanche soir, c’est la seule chose que je sache, et tout à fait banals dans la langue parlée : je sais pas, je suppose, on va se changer etc. casque-audio-avec-micro 9.3 à 9.5.

La semi-consonne ɥ

Cette consonne est unique en son genre dans les langues européennes. Elle est assez proche de /y/, mais encore plus labialisée. On réalise /ɥ/ avec un mouvement des lèvres en avant. En finnois, la voyelle /y/ existe aussi, donc la semi-consonne /ɥ/ n’est pas très difficile pour les finnophones. Il faut simplement penser à ne pas la pro­non­cer de façon trop relâchée [höllä] dans la direction de /w/.  casque-audio-avec-micro 14.4 et suivants.

Remarques

1. On trouve également ce phonème dans la langue parlée au contact du pronom personnel tu avec des voyelles : Tu arrives ? tɥaʁiv, Où tu es ? utɥe.

2. Dans une pro­non­cia­tion enfantine, ou rapide, ou familière, ɥ peut disparaitre après labiale : puis se pro­non­ce pi.

3. Dans le français de Wallonie (en Belgique), on pro­non­ce fréquemment w en position initiale devant i : à huit heures awitœʁ, et puis epwi etc.

Les voyelles nasales ɛ̃ ɑ̃ õ

Ces voyelles sont également très caractéristiques du français. Quand on pro­non­ce une voyelle nasale, le voile du palais [kitapurje] s’abaisse légèrement, et l’air passe en même temps par la bouche et le nez. Les voyelles nasales sont donc des voyelles orales et nasales (oro-nasales) : l’air ne sort pas par le nez comme si on soufflait, il y a simplement une résonance ou une « coloration » nasales supplémen­taires. Mais en même temps, il y a une contraction [supistus] de la zone pharyngale [nieluon­telo]. On insiste rarement sur cette contraction, et pourtant elle est aussi importante que l’abais­se­ment du voile du palais. On la sent très bien sous forme d’une espèce de mou­vement vers l’arrière. Pour bien pro­non­cer les nasales, le débutant à intérêt à lever un peu le men­ton : ce déplacement musculaire vers le haut entraine un déplacement de la zone vélaire vers l’arrière.

L’autre point important à noter, c’est que les voyelles nasales sont des voyelles (comme leur nom l’indique), et qu’elles ne contiennent pas d’élément consonantique. On pro­non­ce donc entier ɑ̃tje, et non pas *ɑ̃ntje, impossible ɛ̃posibl et non pas *ɛ̃mposibl. Prononcer un /n/ ou un /m/ dans une voyelle nasale est une erreur fréquente chez les finnophones, due à une mauvaise coordination musculaire casque-audio-avec-micro10.6. Dans certains cas, cette erreur résulte simplement de mauvaises habitudes prises au début de l’apprentissage du français casque-audio-avec-micro10.7.

Malgré leur originalité et leur absence en finnois, les voyelles nasales ne posent pas de problè­mes et en général les finnophones apprennent assez facilement à distinguer les différentes voyelles nasales. Certains apprenants ont parfois des difficultés pour séparer nettement /ɑ̃/ et /õ/ casque-audio-avec-micro10.2. En général, les principales difficultés sont d’apprendre à ne pas pro­non­cer de /n/ ou de /m/ dans les voy­elles nasales et, surtout, d’apprendre à pro­non­cer les nasales avec une contraction du pharynx.

La longueur des voyelles nasales

Pour des raisons physiologiques, les nasales sont un tout petit peu plus longues que les voyelles orales (par rapport aux voyelles orales, il faut du temps supplémentaire pour abaisser le voile du palais). Les voyelles nasales ont en outre tendance à s’allonger un peu devant une consonne en finale absolue : elle est grande, une bière blonde, c’est mon oncle etc. Cet al­longement combinatoire peut être sensible [tuntuva] dans certains cas, surtout à l’oreille des finnophones, qui sont habitués à distinguer des voyelles longues et brèves, et qui, pour cette raison, ont tendance à croire que les voyelles nasales sont toujours des voyelles « longues ». Ce n’est pas le cas, et l’allongement éventuel n’a pas de valeur dis­tinc­tive. De plus, à l’intérieur d’une séquence, on ne le remarque pas : la Finlande a gagné le match. Il n’y a donc aucune de le transcrire, ni de prononcer les voyelles nasales systématiquement plus longues que les autres voyelles.

ISBN 978-951-39-7388-9 © Jean-Michel Kalmbach 2018-2022 | Version 1.0