Guide de pro­non­cia­tion française pour apprenants finnophones
13. L’assimilation de sonorité

Un phénomène banal mais pourtant rarement enseigné

L’assimilation est un phénomène tout à fait banal et fréquent dans les langues, et pourtant on en parle rarement dans l’enseignement de la pro­non­cia­tion. L’assimilation se trouve dans toutes les langues. Le français se pro­non­ce par blocs, et à l’intérieur de ces blocs l’assimlilation se fait sentir très fortement.

Plus on pro­non­ce vite, plus les phonèmes influencent les phonèmes voisins. Par exemple, quand deux ou plusieurs consonnes se rencontrent, elles communiquent des traits [piirteet] l’une à l’autre : en fin­nois, dans pojan pyörä pojanpyøræ, sous l’influence de la bilabiale /p/, la dentale /n/ devient une bilabiale /m/ : pojampyøræ. De même dans niin kiva niːnkiva, /n/ est influencé par /k/ et se pro­non­ce /ŋ/ : niːŋkiva. En français, dans donne-moi ça dɔnmwasa, le /n/ a tendance à être pro­non­cé /m/ : dɔmːwasa ou même à disparaitre domwasa. Autres exemples :

une grande ville yngʀɑ̃dvil, /d/ se nasalise en /n/yngʀɑ̃nvil
le quatorze juillet katɔʁzʒɥijᴇ, /z/ s’assimile avec /ʒ/ (et devient /ʒ/ long) → katɔʁʒːɥijᴇ

Le plus souvent, c’est la consonne précédente qui assimile des traits de la consonne suivante, parce qu’en parlant on anticipe [ennakoi] la pro­non­cia­tion de la consonne suivante.

L’assimilation de sonorité

Le cas d’assimilation le plus fréquent est celui où une consonne sonore sonorise la consonne sourde qui précède, et une sourde assourdit une sonore :

anecdote anɛkdɔtanɛk̬dɔt = anɛgdɔt (le signe v indique la sonorisation)
absurde absyʁdab̥syʁd = apsyʁd (le signe o indique l’assourdissement).

Elle se produit souvent à cause d’un e non pro­non­cé à l’intérieur d’un mot :

médecine medsinmed̥sin = metsin, projeter pʁoʒtepʁɔʒ̊te = pʁɔʃte
au-dessus odsyod̥sy = otsy, paquebot pakbopak̬bo  = pagbo
trente-deux tʁɑ̃tdøtʁɑ̃t̬dø = tʁɑ̃dːø (d long)

C’est un phénomène normal, fréquent, mais très rarement transcrit dans les dictionnaires ! L’as­si­mi­la­tion se produit aussi fréquemment au contact de deux mots. À cause de l’e final non pro­non­cé, des consonnes se trouvent en contact :

Ça change tout. saʃɑ̃ʒtusaʃɑ̃ʒ̊tu = saʃɑ̃ʃtu
Mange ça ! mɑ̃ʒsamɑ̃ʒ̊sa = mɑ̃ʃsa
Il achète des livres. ilaʃɛtdelivʁilaʃɛt̬delivʁ = ilaʃɛddelivʁ = ilaʃɛdːelivʁ
Passe d’abord ! pasdabɔʁpas̬dabɔʁ = pazdabɔʁ
Penses-y ! pɑ̃szipɑ̃s̬zi = pɑ̃zzi = pɑ̃zːi

Dans la langue parlée

L’assimilation est très présente dans la langue parlée : en général, on ne pro­non­ce pas le e de nom­breux mots où il pourrait se pro­non­cer (me, de, le, je, te, que etc.).

Je t’écoute. ʒtekutʒ̊tekut = ʃtekut
Je suis fatigué. ʒsɥifatigeʒ̊sɥifatige = ʃsɥifatige
Tu veux que je te dise ? tyvɶkʒtɶdiztyvɶkʒ̊tɶdiz = tyvɶkʃtɶdiz
Ça se justifie. sasʒystifisas̬ʒystifi = sazʒystifi
On se dit « tu » ? õsdityõs̬dity = õzdity

Des consonnes peuvent aussi être en contact à cause de ne négatif non utilisé (95% des cas) :

Je ne pense pas. ʒpɑ̃spaʒ̊pɑ̃spa = ʃpɑ̃spa
Je ne te dis rien. ʒtɶdiʁjɛ̃ ʒ̊tɶdiʁjɛ̃ = ʃtɶdiʁjɛ̃
Ça ne se dit pas ! sasdipasas̬dipa = sazdipa
Ça ne te dit rien ? satdiʁjɛ̃sat̬diʁjɛ̃ = sadːiʁjɛ̃ (d long)

ou à cause de il pro­non­cé /i/ (l final non pro­non­cé) devant consonne (90% des cas) :

il te demande it̬dɶmɑ̃dit̬dɶmɑ̃diddɶmɑ̃d = idːɶmɑ̃d (d long)
ce qu’ils te disent skit̬diz skit̬dizskiddiz = skidːiz (d long)
s’ils te disent ça sitdizsasit̬diz̥sasiddissa = sidːisːa (d long)

La disparition de certains mots et l’assimilation qui en est le résultat peuvent transfor­mer com­plè­te­ment la manière dont les mots sont pro­non­cés par rapport à leur forme écrite. C’est elle qui est responsable en partie du fait que « le français qu’on apprend dans les livres n’est pas celui que les Français parlent ». Et c’est pour cette raison qu’il est essentiel de la connaitre, de la comprendre et de s’y entrainer. casque-audio-avec-micro 1.4, 1.5, 1.9, 5.2, 9.6, 9.9, 9.10, 16.1, 17.4

ISBN 978-951-39-7388-9 © Jean-Michel Kalmbach 2018-2022 | Version 1.0