L’assimilation est un phénomène tout à fait banal et fréquent dans les langues, et pourtant on en parle rarement dans l’enseignement de la prononciation. L’assimilation se trouve dans toutes les langues. Le français se prononce par blocs, et à l’intérieur de ces blocs l’assimlilation se fait sentir très fortement.
Plus on prononce vite, plus les phonèmes influencent les phonèmes voisins. Par exemple, quand deux ou plusieurs consonnes se rencontrent, elles communiquent des traits [piirteet] l’une à l’autre : en finnois, dans pojan pyörä pojanpyøræ
, sous l’influence de la bilabiale /p/
, la dentale /n/
devient une bilabiale /m/
: pojampyøræ
. De même dans niin kiva niːnkiva
, /n/
est influencé par /k/
et se prononce /ŋ/
: niːŋkiva
. En français, dans donne-moi ça dɔnmwasa
, le /n/
a tendance à être prononcé /m/
: dɔmːwasa
ou même à disparaitre domwasa
. Autres exemples :
une grande ville yngʀɑ̃dvil
, /d/
se nasalise en /n/
→ yngʀɑ̃nvil
le quatorze juillet katɔʁzʒɥijᴇ
, /z/
s’assimile avec /ʒ/
(et devient /ʒ/
long) → katɔʁʒːɥijᴇ
Le plus souvent, c’est la consonne précédente qui assimile des traits de la consonne suivante, parce qu’en parlant on anticipe [ennakoi] la prononciation de la consonne suivante.
Le cas d’assimilation le plus fréquent est celui où une consonne sonore sonorise la consonne sourde qui précède, et une sourde assourdit une sonore :
anecdote anɛkdɔt
→ anɛk̬dɔt
= anɛgdɔt
(le signe v
indique la sonorisation)
absurde absyʁd
→ ab̥syʁd
= apsyʁd
(le signe o
indique l’assourdissement).
Elle se produit souvent à cause d’un e non prononcé à l’intérieur d’un mot :
médecine medsin
→ med̥sin
= metsin
, projeter pʁoʒte
→ pʁɔʒ̊te
= pʁɔʃte
au-dessus odsy
→ od̥sy
= otsy
, paquebot pakbo
→ pak̬bo
= pagbo
trente-deux tʁɑ̃tdø
→ tʁɑ̃t̬dø
= tʁɑ̃dːø
(d
long)
C’est un phénomène normal, fréquent, mais très rarement transcrit dans les dictionnaires ! L’assimilation se produit aussi fréquemment au contact de deux mots. À cause de l’e final non prononcé, des consonnes se trouvent en contact :
Ça change tout. saʃɑ̃ʒtu
→ saʃɑ̃ʒ̊tu
= saʃɑ̃ʃtu
Mange ça ! mɑ̃ʒsa
→ mɑ̃ʒ̊sa
= mɑ̃ʃsa
Il achète des livres. ilaʃɛtdelivʁ
→ ilaʃɛt̬delivʁ
= ilaʃɛddelivʁ
= ilaʃɛdːelivʁ
Passe d’abord ! pasdabɔʁ
→ pas̬dabɔʁ
= pazdabɔʁ
Penses-y ! pɑ̃szi
→ pɑ̃s̬zi
= pɑ̃zzi = pɑ̃zːi
L’assimilation est très présente dans la langue parlée : en général, on ne prononce pas le e de nombreux mots où il pourrait se prononcer (me, de, le, je, te, que etc.).
Je t’écoute. ʒtekut
→ ʒ̊tekut
= ʃtekut
Je suis fatigué. ʒsɥifatige
→ ʒ̊sɥifatige
= ʃsɥifatige
Tu veux que je te dise ? tyvɶkʒtɶdiz
→ tyvɶkʒ̊tɶdiz
= tyvɶkʃtɶdiz
Ça se justifie. sasʒystifi
→ sas̬ʒystifi
= sazʒystifi
On se dit « tu » ? õsdity
→ õs̬dity
= õzdity
Des consonnes peuvent aussi être en contact à cause de ne négatif non utilisé (95% des cas) :
Je ne pense pas. ʒpɑ̃spa
→ ʒ̊pɑ̃spa
= ʃpɑ̃spa
Je ne te dis rien. ʒtɶdiʁjɛ̃
→ ʒ̊tɶdiʁjɛ̃
= ʃtɶdiʁjɛ̃
Ça ne se dit pas ! sasdipa
→ sas̬dipa
= sazdipa
Ça ne te dit rien ? satdiʁjɛ̃
→ sat̬diʁjɛ̃
= sadːiʁjɛ̃
(d
long)
ou à cause de il prononcé /i/
(l final non prononcé) devant consonne (90% des cas) :
il te demande it̬dɶmɑ̃d
→ it̬dɶmɑ̃d
→ iddɶmɑ̃d
= idːɶmɑ̃d
(d
long)
ce qu’ils te disent skit̬diz
→ skit̬diz
→ skiddiz
= skidːiz
(d
long)
s’ils te disent ça sitdizsa
→ sit̬diz̥sa
→ siddissa
= sidːisːa
(d
long)
La disparition de certains mots et l’assimilation qui en est le résultat peuvent transformer complètement la manière dont les mots sont prononcés par rapport à leur forme écrite. C’est elle qui est responsable en partie du fait que « le français qu’on apprend dans les livres n’est pas celui que les Français parlent ». Et c’est pour cette raison qu’il est essentiel de la connaitre, de la comprendre et de s’y entrainer. 1.4, 1.5, 1.9, 5.2, 9.6, 9.9, 9.10, 16.1, 17.4