La prononciation des semi-consonnes j/w/ɥ
ne pose généralement pas de très grands problèmes aux apprenants finnophones, mais la manière de les transcrire est parfois illogique ou difficile à interpréter, surtout dans le cas de /j/
, qui est transcrit par de nombreux graphèmes différents, et selon des principes différents du finnois.
Les lettres simples i et u qui transcrivent les semi-consonnes /j/
et /ɥ/
peuvent être « lues » de deux façons différentes, ce qui signifie qu’elles transcrivent deux phonèmes différents :
a) quand la lettre i est suivie d’une voyelle prononcée, elle transcrit /j/
et elle forme une seule syllabe avec la voyelle. On appelle cela la synérèse (« dire en un seul morceau ») : pied pje
, panier panje
, décision desizjõ
. En finnois, dans ce cas, i forme une syllabe (c’est la diérèse, le fait de prononcer en deux éléments), et des mots ientiques dans la graphie ont un nombre de syllabes différent dans les deux langues :
finnois : studio stud-i-o
, piano pi-a-no
français : studio sty-djo
, piano pja-no
Entre un i syllabique (qui forme une syllabe) et une autre voyelle, on prononce généralement un /j/
de passage. Ceci essentiellement quand on a (dans cet ordre) i+voyelle : oublier ublije
, peuplier pøplije
. Cependant, il serait exagéré de considérer ce /j/
comme un phonème à part entière : il s’agit d’un phénomène transitoire, dont la force est variable. Dans les transcriptions, certains manuels ou dictionnaires écrivent tablier tablije
, d’autres tablije
.
Dans ce guide, on a choisi de ne pas le transcrire, car en finnois la lettre i devant voyelle forme une syllabe (piano = pi-a-no
) et les finnophones ont donc tendance naturellement à interpréter i comme une syllabe. Inversement, en finnois le groupe ij transcrit un /j/
long, Maija se lit majːa
et la transcription plier plije
pourrait ainsi induire les finnophones en erreur (prononciation erronée plijːe
). Dans les transcriptions ci-dessus et ailleurs dans ce guide, i syllabique devant voyelle est donc transcrit /i/
, pour garantir une interprétation correcte de la transcription par les finnophones. De toute façon, même si on ne le transcrit pas, ce /j/
se forme plus ou moins automatiquement.
Dans l’ordre voyelle+i, le /j/
de passage est moins fréquent, on peut dire pays pei
ou peji
(l’essentiel, dans ce mot, est de ne pas dire pɛj
14.11.)
b) si la lettre i est précédée du groupe consonne+liquide (l, r), on fait la diérèse : plier pli-e
, crier kʁi-e
, ouvrier u-vʁi-e
, propriétaire pʁo-pʁi-e-tɛʁ
.
De la même façon, la lettre u peut correspondre à la semi-consonne /ɥ/
ou à la voyelle /y/
; dans les cas habituels, on peut librement faire la synérèse, actualités aktɥalite
(4 syllabes), ou la diérèse aktyalite
(5 syllabes). Après le groupe consonne+liquide (l, r), on fait la diérèse influence ɛ̃flyɑ̃s
(3 syllabes), sauf devant la voyelle /i/
, où la synérèse est obligatoire : bruit bʁɥi
.
j i + voyelle= /j/
: on fait la synérèse et non pas la diérèse comme en finnois. Piano, par exemple se prononce donc pjano
(2 syllabes) et non pas *piano
(3 syllabes). Cette règle est valable quelle que soit la voyelle qui suit i. Attention notamment aux terminaisons -ier, -ière, -iaire etc. : elles se prononcent en une seule syllabe. Exemples de mots :
une syllabe : pied, pion, lierre, bière, pierre, pioche, pieuvre, lièvre, fière, tiers, rien, lion, viable, vieux etc.
deux syllabes : studio, pédiatre, panier, avion, envieux, amiante, tertiaire etc.
trois syllabes : décision, asiatique, tanzanien, quotidien etc.
Il fait donc faire attention de ne pas prononcer le i dans ce cas-là comme une syllabe : premier pʁɶmje
et non pas pʁɶmije
, entier ɑ̃tje
et non pas ɑ̃tije
, qui pourrait faire penser à antillais (voir Remarque sur la transcription de /i/
+voyelle, cette même page).
Synérèse fréquente dans il y a (à différents temps), qu’on prononce ilja
(2 syllabes) et non pas ilia
(3 syllabes) :
Il y a des oiseaux. iljadezwazo
Il y avait du verglas. iljavɛdyvɛʁgla
Il y aura des éclairs au dessert. iljoʁadezeklɛʁodesɛʁ
Il y a eu une annonce iljayyanɔ̃s
etc.
Exceptions
a. quand i est précédé du groupe consonne + liquide, on fait la diérèse (sur la transcription, voir Ramarque générale 4.20.2.) :
plier plie
, crier kʁie
, trier tʁie
, grief gʁiɛf
, deux syllabes
tablier tablie
, ouvrier uvʁie
trois syllabes, comme février, sanglier
propriétaire pʁopʁietɛʁ
, inoubliable inubliabl
quatre syllabes
Avec d’autres voyelles :
embryon, plieuse, en criant etc.
b. dans les verbes monosyllabiques avec radical en -i et commençant par /ʁ/
ou /l/
, on fait généralement la diérèse, mais cela dépend des locuteurs :
vous riez ʁie
ou ʁje
vous liez lie
ou lje
Les composés de ces mots suivent la règle normale (puisqu’ils ont au minimum deux syllabes) et on y fait la synérèse :
délier delje
relier ʁɶlje
etc.
Le mot hier se prononce librement jɛʁ
ou iɛʁ
.
c. dans les composés avec anti-, péri-, on a tendance à conserver le nombre de syllabes du suffixe et on ne fait donc pas la synérèse :
anti-atomique ɑ̃tiatomik
et non pas ɑ̃tjatomik
périarthrite peʁiaʁtʁit
et non pas peʁjaʁtʁit
mais dans une prononciation rapide et un peu relâchée, le i tend à devenir /j/
;
ɥ Avec /ɥ/
, l’usage est un peu flottant, car par son articulation, il résiste davantage. Aujourd’hui, on fait généralement la synérèse, mais la diérèse est assez fréquente aussi :
Suède, nuage, puer (1 syllabe), puanteur (2 syllabes)
mais il y a des gens qui font la diérèse :
actualités aktyalite
(5 syllabes) ou
actualités aktɥalite
(4 syllabes).
Après le groupe consonne + liquide, il y a toujours diérèse, comme dans le cas de /j/
:
influence ɛ̃flyɑ̃s
congruent kɔ̃gʁyɑ̃
etc.
NB. Quand /ɥ/
est suivi de /i/
, on fait toujours la synérèse :
bruit bʁɥi
, fruit fʁɥi
, pluie plɥi
, pruine pʁɥin
w Dans le cas de /w/
, on fait toujours la synérèse, quelle que soit la voyelle qui suit et même après le groupe consonne + liquide :
point pwɛ̃
, groin gʁwɛ̃
, croire kʁwaʁ
, ployer plwaje
etc.
/j/
Pour transcrire le phonème /j
, le français n’utilise pas un signe unique (comme en finnois j). De plus, la lettre j ne transcrit jamais /j/
! Le phonème /j/
peut être transcrit par des lettres simples, i et y, mais toujours en combinaison avec d’autres voyelles :
i + voyelle | de nombreux mots ; à l’initiale, le groupe i + voyelle est assez rare (environ 30 mots) | piano, fier, miauler etc. ; ioniser, iode, iule, iambe |
hi + voyelle- | en position initiale, dans un nombre limité de mots | hier, hiérarchie, hiatus, hiatal |
y + voyelle- | en position initiale, assez grand nombre de mots | yeux, yoyo, yaourt etc. |
y intervocalique | nombreux mots | payer, tuyau, voyez etc. |
Dans le cas de y intervocalique, y transcrit le résultat de deux ii, dont le premier formerait un digramme avec la voyelle qui précède et affecte la prononciation de cette voyelle :
voyez = *voi-iez vwa+je
, noyer nwaje
, ployer plwaje
, croyant kʁwajɑ̃
, aboyer etc. abwaje
payer = *pai-ier pe+je
, balayer baleje
, essayer eseje
, effrayant efʁejɑ̃
, bégayer begeje
, rayonner ʁejone
, crayon kʁejɔ̃
etc.
tuyau = *tui-iau tɥi+jo
, appuyer apɥije
, essuyez esɥije
, ennuyeux ɑ̃nɥijø
etc.
Il y a cependant des exceptions à cette règle.
Le phonème /j/
peut aussi être transcrit par une combinaison des lettres il et ill :
j | voyelle+il | pareil paʁɛj , bail baj , travail tʁavaj , fenouil fɶnuj , seuil sœj , écueil ekœj |
j | voyelle+il+voyelle | pareille paʁɛj , merveilleux mɛʁvejø , travaille tʁavaj , travaillons tʁavajɔ̃ , mouille muj , mouillé muje , fillette fijɛt , gentillesse ʒɑ̃tijɛs |
ij | consonne+ille | (ça) brille bʁij , fille fij , gentille ʒɑ̃tij , morille moʁij , pupille pypij , (il) vacille vasij , grille gʁij |
Les exceptions concernant la valeur des graphèmes représentant /j/
sont nombreuses et illustrent le manque de cohérence du système graphématique du français.
ᴇj
, ce qui est le cas dans plus de 300 mots : balayer, pagayer, crayon. Il y a pourtant un nombre d’exceptions courantes, où il correspond à soit à ei
(i syllabique) ou aj
14.11.waj
(voyons, royal), sauf dans quelques mots d’emprunt, où il se lit ɔj/oj
: coyote kojɔt
, cow-boy kobɔj
, goyave gojav
(et quelques mots régionaux).il
: fil fil
, avril avʁil
, grésil gʁezil
, le Nil nil
. Mais dans certains mots courants, cet l final ne se prononce pas : outil uti
, fusil fyzi
, gentil ʒɑ̃ti
etc. 14.9
il
et non pas ij
: ville vil
, mille mil
, tranquille tʁɑ̃kil
et leurs dérivés. 17.9./w/
ou | dans un nombre relativement limité de mots | oui, inouï, ouate, ouistiti, ouaouaron, avouer, renouer, Ouagadougou etc. |
w, wh | dans des mots d’emprunt, en général de l’anglais (plus de 150) | watt, weekend, sandwich, tramway, whisky, wifi etc. |
oi | équivaut toujours à wa , des centaines de mots |
croire, froid, trois, moi, voie etc. |
oy | variante de oi devant voyelle et correspond dans ce cas à waj (des milliers de cas) |
croyable kʁwajabl , ployer plwaje , foyer fwaje etc. |
oe, oê | dans une série de mots limitée (voir 6.4.2.) | poêle pwal , moelle mwal , moelleux mwalø , moellon mwalɔ̃ |
u | dans les graphèmes -qua- ou -gua-, dans certains mots d’origine savante ou étrangère. Ces groupes se prononcent kwa et gwa , alors que la lecture normale est ka et ga . 14.7. |
adéquat, aquatique, jaguar, guacamole etc. |
/ɥ/
Le phonème /ɥ/
est toujours transcrit par la lettre u suivie d’une voyelle : cuivre, bruine, tuyau, fuyant… Dans certains mots, le graphème qu transcrit kɥ
et gu transcrit gɥ
:
aiguille egɥij
, aiguillage egɥijaʒ
, ambigüité, contigüité, exigüité
équidistant ekɥidistɑ̃
, équilatéral, linguiste, linguistique, quidam, quiétisme, requiem, ubiquité etc. 14.7.
Dans ambigüité, contigüité et exigüité, on met un tréma sur l’u (ü) pour indiquer qu’il ne faut pas lire le groupe gui comme gi
(comme dans guide), mais comme gɥi
. On rencontre encore fréquemment les graphies non rectifiées contiguïté, ambiguïté et exiguïté avec tréma sur l’i (et non pas sur u), qui ont au moins le mérite d’indiquer qu’on ne doit pas lire gi
. ( Dans les rectifications orthographiques de 1990, on a décidé qu’on mettrait le tréma sur l’u pour uniformiser le système avec les féminins rectifiés ambigüe, exigüe, contigüe.)
Logiquement, il faudrait donc aussi mettre un tréma dans aiguille, linguistique (comme on le fait en espagnol pour linguïstica) et tous les autres mots de la série, malheureusement, on ne l’a pas fait, et le seul moyen de savoir si qui correspond à kɥi
et non à ki
comme normalement, ou si gui correspond à gɥi
et non à gi
comme normalement, c’est d’apprendre ces mots par cœur ou de vérifier dans un dictionnaire.