Guide de pro­non­cia­tion française pour apprenants finnophones
19. La transcription des semi-consonnes

La pro­non­cia­tion des semi-consonnes j/w/ɥ ne pose généralement pas de très grands problèmes aux apprenants finnophones, mais la manière de les transcrire est parfois illogique ou difficile à in­ter­pré­ter, surtout dans le cas de /j/, qui est transcrit par de nombreux graphèmes différents, et selon des principes différents du finnois.

Synérèse et diérèse

Les lettres simples i et u qui transcrivent les semi-consonnes /j/ et /ɥ/ peuvent être « lues » de deux façons différentes, ce qui signifie qu’elles transcrivent deux phonèmes différents :

a) quand la lettre i est suivie d’une voyelle pro­non­cée, elle transcrit /j/ et elle forme une seule syllabe avec la voyelle. On appelle cela la synérèse (« dire en un seul morceau ») : pied pje, panier panje, décision desizjõ. En finnois, dans ce cas, i forme une syllabe (c’est la diérèse, le fait de pro­non­cer en deux éléments), et des mots ientiques dans la graphie ont un nombre de syllabes différent dans les deux langues :

finnois : studio stud-i-o, piano pi-a-no
français : studio sty-djo, piano pja-no

Remarque sur la transcription de i+voyelle

Entre un i syllabique (qui forme une syllabe) et une autre voyelle, on pro­non­ce généralement un /j/ de passage. Ceci essentiellement quand on a (dans cet ordre) i+voyelle : oublier ublije, peuplier pøplije. Cependant, il serait exagéré de considérer ce /j/ comme un phonème à part entière : il s’agit d’un phénomène transitoire, dont la force est variable. Dans les transcriptions, certains manuels ou dictionnaires écrivent tablier tablije, d’autres tablije.

Dans ce guide, on a choisi de ne pas le transcrire, car en finnois la lettre i devant voyelle forme une syllabe (piano = pi-a-no) et les finnophones ont donc tendance naturellement à in­ter­pré­ter i comme une syllabe. Inversement, en finnois le groupe ij transcrit un /j/ long, Maija se lit majːa et la transcription plier plije pourrait ainsi induire les finnophones en erreur (pro­non­cia­tion erronée plijːe). Dans les trans­crip­tions ci-dessus et ailleurs dans ce guide, i syllabique devant voyelle est donc transcrit /i/, pour garantir une interprétation correcte de la trans­crip­tion par les finnophones. De toute façon, même si on ne le transcrit pas, ce /j/ se forme plus ou moins automatiquement.

Dans l’ordre voyelle+i, le /j/ de passage est moins fréquent, on peut dire pays pei ou peji (l’essentiel, dans ce mot, est de ne pas dire pɛj casque-audio-avec-micro 14.11.)

b) si la lettre i est précédée du groupe consonne+liquide (l, r), on fait la diérèse : plier pli-e, crier kʁi-e, ouvrier u-vʁi-e, propriétaire pʁo-pʁi-e-tɛʁ.

De la même façon, la lettre u peut correspondre à la semi-consonne /ɥ/ ou à la voyelle /y/ ; dans les cas habituels, on peut librement faire la synérèse, actualités aktɥalite (4 syllabes), ou la diérèse aktya­lite (5 syllabes). Après le groupe consonne+liquide (l, r), on fait la diérèse influence ɛ̃flyɑ̃s (3 syllabes), sauf devant la voyelle /i/, où la synérèse est obligatoire : bruit bʁɥi.

Règles complètes concerant la synérèse et la diérèse avec les semi-consonnes

j i + voyelle= /j/ : on fait la synérèse et non pas la diérèse comme en finnois. Piano, par exemple se pro­non­ce donc pjano (2 syllabes) et non pas *piano (3  syllabes). Cette règle est valable quelle que soit la voyelle qui suit i. Attention notamment aux terminaisons -ier, -ière, -iaire etc. : elles se pro­non­cent en une seule syllabe. Exemples de mots :

une syllabe     : pied, pion, lierre, bière, pierre, pioche, pieuvre, lièvre, fière, tiers, rien, lion, viable, vieux etc.
deux syllabes  : studio, pédiatre, panier, avion, envieux, amiante, tertiaire etc.
trois syllabes   : décision, asiatique, tanzanien, quotidien etc.

Il fait donc faire attention de ne pas pro­non­cer le i dans ce cas-là comme une syllabe : premier pʁɶmje et non pas pʁɶmije, entier ɑ̃tje et non pas ɑ̃tije, qui pourrait faire penser à antillais (voir Remarque sur la transcription de /i/ +voyelle, cette même page).

Synérèse fréquente dans il y a (à différents temps), qu’on pro­non­ce ilja (2 syllabes) et non pas ilia (3 syllabes) :

Il y a des oiseaux. iljadezwazo
Il y avait du verglas. iljavɛdyvɛʁgla
Il y aura des éclairs au dessert. iljoʁadezeklɛʁodesɛʁ
Il y a eu une annonce iljayyanɔ̃s etc.

Exceptions

a. quand i est précédé du groupe consonne + liquide, on fait la diérèse (sur la transcription, voir Ramarque générale 4.20.2.) :

plier plie, crier kʁie, trier tʁie, grief gʁiɛf, deux syllabes
tablier tablie, ouvrier uvʁie trois syllabes, comme février, sanglier
propriétaire pʁopʁietɛʁ, inoubliable inubliabl quatre syllabes

Avec d’autres voyelles :

embryon, plieuse, en criant etc.

b. dans les verbes monosyllabiques avec radical en -i et commençant par /ʁ/ ou /l/, on fait généralement la diérèse, mais cela dépend des locuteurs :

vous riez ʁie ou ʁje
vous liez lie ou lje

Les composés de ces mots suivent la règle normale (puisqu’ils ont au minimum deux syllabes) et on y fait la synérèse :

délier delje
relier ʁɶlje etc.

Le mot hier se pro­non­ce librement jɛʁ ou iɛʁ.

c. dans les composés avec anti-, péri-, on a tendance à conserver le nombre de syllabes du suffixe et on ne fait donc pas la synérèse :

anti-atomique ɑ̃tiatomik et non pas ɑ̃tjatomik
périarthrite peʁiaʁtʁit et non pas peʁjaʁtʁit

mais dans une pro­non­cia­tion rapide et un peu relâchée, le i tend à devenir /j/ ;

ɥ Avec /ɥ/, l’usage est un peu flottant, car par son articulation, il résiste davantage. Aujourd’hui, on fait généralement la synérèse, mais la diérèse est assez fréquente aussi :

Suède, nuage, puer (1 syllabe), puanteur (2 syllabes)

mais il y a des gens qui font la diérèse :

actualités aktyalite (5 syllabes) ou
actualités aktɥalite (4 syllabes).

Après le groupe consonne + liquide, il y a toujours diérèse, comme dans le cas de /j/ :

influence ɛ̃flyɑ̃s
congruent kɔ̃gʁyɑ̃ etc.

NB. Quand /ɥ/ est suivi de /i/, on fait toujours la synérèse :

bruit bʁɥi, fruit fʁɥi, pluie plɥi, pruine pʁɥin

w Dans le cas de /w/, on fait toujours la synérèse, quelle que soit la voyelle qui suit et même après le groupe consonne + liquide :

point pwɛ̃, groin gʁwɛ̃, croire kʁwaʁ, ployer plwaje etc.

Transcription de /j/

Pour transcrire le phonème /j, le français n’utilise pas un signe unique (comme en finnois j). De plus, la lettre j ne transcrit jamais /j/ ! Le phonème /j/ peut être transcrit par des lettres sim­ples, i et y, mais toujours en combinaison avec d’autres voyelles :

/j/ transcrit i ou y
i + voyellede nombreux mots ; à l’initiale, le groupe i + voyelle est assez rare (environ 30 mots) piano, fier, miauler etc. ;
ioniser, iode, iule, iambe
hi + voyelle-en position initiale, dans un nombre limité de mots hier, hiérarchie, hiatus, hiatal
y + voyelle-en position initiale, assez grand nombre de mots yeux, yoyo, yaourt etc.
y intervocaliquenombreux mots payer, tuyau, voyez etc.
y est comme deux lettres i à effet différent…

Dans le cas de y intervocalique, y transcrit le résultat de deux ii, dont le premier formerait un digramme avec la voyelle qui précède et affecte la pro­non­cia­tion de cette voyelle :

voyez = *voi-iez vwa+je, noyer nwaje, ployer plwaje, croyant kʁwajɑ̃, aboyer etc. abwaje
payer = *pai-ier pe+je, balayer baleje, essayer eseje, effrayant efʁejɑ̃, bégayer begeje, rayonner ʁejone, crayon kʁejɔ̃ etc.
tuyau = *tui-iau tɥi+jo, appuyer apɥije, essuyez esɥije, ennuyeux ɑ̃nɥijø etc.

Il y a cependant des exceptions à cette règle.

Le phonème /j/ peut aussi être transcrit par une combinaison des lettres il et ill :

/j/ transcrit il ou ill
jvoyelle+il pareil paʁɛj, bail baj, travail tʁavaj, fenouil fɶnuj, seuil sœj, écueil ekœj
jvoyelle+il+voyelle pareille paʁɛj, merveilleux mɛʁvejø, travaille tʁavaj, travaillons tʁavajɔ̃, mouille muj, mouillé muje, fillette fijɛt, gentillesse ʒɑ̃tijɛs
ijconsonne+ille (ça) brille bʁij, fille fij, gentille ʒɑ̃tij, morille moʁij, pupille pypij, (il) vacille vasij, grille gʁij

Exceptions

Les exceptions concernant la valeur des graphèmes représentant /j/ sont nombreuses et illustrent le manque de cohérence du système graphématique du français.

Graphèmes correspondant à /w/

oudans un nombre relativement limité de mots oui, inouï, ouate, ouistiti, ouaouaron, avouer, renouer, Ouagadougou etc.
w, whdans des mots d’emprunt, en général de l’anglais (plus de 150) watt, weekend, sandwich, tramway, whisky, wifi etc.
oiéquivaut toujours à wa, des centaines de mots croire, froid, trois, moi, voie etc.
oyvariante de oi devant voyelle et correspond dans ce cas à waj (des milliers de cas) croyable kʁwajabl, ployer plwaje, foyer fwaje etc.
oe, dans une série de mots limitée (voir 6.4.2.) poêle pwal, moelle mwal, moelleux mwalø, moellon mwalɔ̃
udans les graphèmes -qua- ou -gua-, dans certains mots d’origine savante ou étrangère. Ces groupes se pro­non­cent kwa et gwa, alors que la lecture normale est ka et ga. casque-audio-avec-micro 14.7. adéquat, aquatique, jaguar, guacamole etc.

Graphèmes correspondant à /ɥ/

Le phonème /ɥ/ est toujours transcrit par la lettre u suivie d’une voyelle : cuivre, bruine, tuyau, fuyant… Dans certains mots, le graphème qu transcrit et gu trans­crit :

aiguille egɥij, aiguillage egɥijaʒ, ambigüité, contigüité, exigüité
équidistant ekɥidistɑ̃, équilatéral, linguiste, linguistique, quidam, quiétisme, requiem, ubiquité etc. casque-audio-avec-micro 14.7.

Ambigüité graphématique…

Dans ambigüité, contigüité et exigüité, on met un tréma sur l’u (ü) pour indiquer qu’il ne faut pas lire le groupe gui comme gi (comme dans guide), mais comme gɥi. On rencontre encore fréquemment les graphies non rec­ti­fiées contiguïté, ambiguïté et exiguïté avec tréma sur l’i (et non pas sur u), qui ont au moins le mérite d’in­di­quer qu’on ne doit pas lire gi.  ( Dans les rectifications orthographiques de 1990, on a décidé qu’on mettrait le tréma sur l’u pour uniformiser le système avec les féminins rectifiés ambigüe, exigüe, contigüe.)

Logiquement, il faudrait donc aussi mettre un tréma dans aiguille, linguistique (comme on le fait en es­pa­gnol pour linguïstica) et tous les autres mots de la série, malheureusement, on ne l’a pas fait, et le seul moyen de savoir si qui correspond à kɥi et non à ki comme normalement, ou si gui correspond à gɥi et non à gi comme normalement, c’est d’apprendre ces mots par cœur ou de vérifier dans un dictionnaire.

ISBN 978-951-39-7388-9 © Jean-Michel Kalmbach 2018-2022 | Version 1.0