Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones
Il y a en français un assez grand nombre de conjonctions exprimant le but, auquel s’oppose en finnois un nombre assez réduit de mots correspondants. La position de la subordonnée (antéposée ou postposée) par rapport à proposition principale n’est pas aussi éclairante que dans le cas par exemple des adverbiales causales. Heureusement, la grande variété apparente de conjonctions recouvre seulement deux cas d’emploi, et les variantes sont essentiellement stylistiques.
pour que, afin que | jotta |
de sorte / de manière / de façon que, de façon à ce que | jotta |
de telle manière / de telle sorte / de telle façon que | siten että, se(llainen) että; jotta |
de peur que, de crainte que | jottei |
que | jotta après impératif ou question |
Dans les adverbiales finales introduites par une conjonction contenant le mot que (avec une forme verbale conjuguée), le mode est toujours le subjonctif.
Ces conjonctions ont toutes un sens équivalent et correspondent à jotta. Les différences sont les suivantes :
1. Pour que et afin que peuvent introduire une adverbiale antéposée ou postposée. Il n’y a aucune différence de sens. Pour que s’utilise dans la langue courante (oral et écrit), afin que est utilisé dans le code écrit :
Pour que vous puissiez suivre plus facilement, j’ai imprimé un résumé avec les exemples. ■ Nous sommes restés l’été en Finlande, pour que nos amis français puissent venir découvrir le pays. ■ Il faudra prévoir encore des fleurs sur la table, afin que tout soit parfait pour le banquet. ■ Afin que nous puissions nous faire une meilleure idée de la situation financière, des experts nous ont préparé un rapport sur la question.
2. De manière (à ce) que, de sorte que, de façon (à ce) que introduisent des adverbiales postposées et sont utilisés dans le code écrit, comme variantes purement stylistiques (il n’y a aucune différence de sens) d’afin que ou pour que. La variante de sorte que est légèrement plus fréquente que les deux autres. Les propositions introduites par ces conjonctions peuvent être explicatives ou essentielles. Les formes de manière à ce que et de façon à ce que sont plus fréquentes dans le français courant que les formes de manière que et de façon que :
Nous avions fait abattre un grand sapin dans la cour, de façon qu’il y ait plus de soleil. ■ Une sauvegarde complète de vos fichiers est conservée sur nos serveurs, de sorte qu’ils puissent toujours être consultés et restaurés. ■ Pour votre confort visuel, veillez également à disposer l’écran ou les objets autour de l’écran de façon qu’il y ait le moins possible de reflets. ■ On détermina les meilleures méthodes pour saboter un avion ou une automobile de manière qu’il fût impossible de découvrir la cause réelle de l’« accident ». ■ La prise en charge des bloqueurs de contenus est conçue de façon à ce que ces derniers ne puissent pas envoyer aux équipes de développement des informations sur ce que vous regardez. ■ Organise ton emploi du temps de manière à ce qu’au moins un weekend sur deux soit libre.
Quand elles sont essentielles, les conjonctions de sorte que, de manière que, de façon que ont le même sens que les conjonctions correspondantes formées avec tel (voir point suivant ci-dessous).
Les conjonctions de telle sorte que, de telle manière que ou de telle façon que introduisent des adverbiales postposées. Elles correspondent à des tournures finnoises où on emploie des adverbes ou adjectifs formés sur se(llainen) annonçant la conjonction että suivie du konditionaali, par exemple siten / sillä tavalla / sellaiseksi… että ou aussi jotta. Aucune des variantes n’est vraiment moins fréquente qu’une autre :
Comportez-vous de telle sorte que vos amis puissent prendre votre défense, mais sans jamais avoir à le faire. ■ Les commandes manœuvrées à la main devraient être conçues de telle manière que le mouvement de la main corresponde au mouvement de la machine. ■ Il y a lieu d’élaborer les mesures dans ce secteur de telle manière que les missions sociales de la Communauté visées à l’article 2 du traité, à savoir un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, soient également réalisées en tant qu’objectifs. ■ Ledit dispositif doit être conçu et réalisé de telle façon que cette mise hors service prenne automatiquement fin dès que le véhicule reprend sa marche.
Les conjonctions de telle sorte que, de telle manière que peuvent aussi avoir un sens consécutif. Le verbe de la subordonnée est alors à l’indicatif.
Ces deux conjonctions introduisent généralement une adverbiale postposée (l’utilisation en position antéposée est cependant possible aussi) et expriment un but qu’on veut éviter et correspondent pour le sens à pour que … ne pas (en finnois jottei), autrement dit « pour éviter que ». Dans le code écrit strict, le verbe de la subordonnée est précédé d’un ne explétif :
Les jumeaux mettaient toujours des vêtements différents, de peur qu’on ne les confonde. ■ L’acteur avait mis une fausse barbe, de peur qu’on ne le reconnaisse dans la foule. ■ Les pompiers ont évacué le voisinage, de crainte que l’incendie ne fasse encore plus de victimes.
Le ne explétif n’a pas en lui-même un sens négatif. C’est la conjonction qui exprime l’idée d’une chose qu’on ne veut pas voir se produire. Si on ajoute dans la proposition un adverbe négatif comme ne…pas, il y a une double négation et on « neutralise » l’idée négative :
L’employée parlait lentement avec le boursier étranger, de crainte qu’il ne comprenne pas ce qu’elle disait. [= pour éviter qu’il ne comprenne pas → pour qu’il comprenne.] ■ En arrivant au studio, l’acteur avait enlevé sa fausse barbe, de peur qu’on ne le reconnaisse pas. [= pour éviter qu’on ne le reconnaisse pas → pour qu’on le reconnaisse.]
Ces deux conjonctions s’utilisent essentiellement dans le code écrit. Dans la langue courante, on utilise tout simplement pour que … ne pas, et dans le français parlé, pour pas que, voir point suivant :
Les jumeaux mettaient toujours des vêtements différents, pour qu’on ne les confonde pas.
Dans le français parlé, au lieu de la forme pour que … ne pas, on utilise encore plus couramment la forme pour pas que (réalisée oralement sous la forme d’une conjonction en deux syllabes /puʁpak/
), suivie du subjonctif :
La solitude est ma petite sœur/Pour pas qu’elle crie, pour pas qu’elle pleure/Je l’amène souvent au cinéma. [Chanson de R. Charlebois] ■ Ça, c’est des salades qu’on raconte aux pauvres pour pas qu’ils se révoltent ! ■ Comment faire pour pas qu’on détecte mon adresse IP ? ■ Comment occuper vos dogos pour pas qu’ils aboient sur vos voisins ? ■ Faut que le prix soit raisonnable, pour pas qu’on ait l’impression de se faire avoir. ■ Les deux jumeaux mettaient toujours des vêtements différents, pour pas qu’on les confonde. ■ Comment crypter une image pour pas qu’on la copie ?
Dans le français parlé, on utilise fréquemment que avec une valeur de but après un impératif ou une phrase contenant une injonction (kehotus) clairement exprimée ou sous-entendue. Dans cet emploi, que introduit exclusivement une adverbiale postposée explicative :
Viens voir ici, que je te remette ton bonnet comme il faut. ■ Mets la radio plus fort, qu’on entende quelque chose ! ■ Alors, quand est-ce que tu fais une fête, qu’on s’amuse un peu ! ■ Donne-moi ça, que je jette un coup d’œil. ■ Déplacez votre voiture, que je puisse enfin sortir du garage !
Quand le sujet de la subordonnée est le même que celui de la principale (coréférence du sujet), la proposition finale se met ou peut se mettre à la forme infinitive. Comme dans le cas des subordonnées complétives, l’élément conjonctionnel que est remplacé par de ou à. Certaines conjonctions de but utilisées avec une infinitive n’ont pas d’équivalent formé avec que utilisable avec un verbe conjugué :
conjonction avec verbe conjugué | conjonction avec infinitif |
---|---|
pour que afin que de peur que de crainte que de façon (à ce) que de manière que de telle sorte que |
pour afin de de peur de de crainte de de façon à de manière à de sorte à |
en vue de dans le but de dans l’intention de |
Ces infinitives peuvent être antéposées ou postposées, comme les propositions introduites par une conjonction formée avec que :
Il est parti dans sa maison de campagne afin d’être plus tranquille pour terminer son livre. ■ La maman serrait la main de sa fille de peur de la perdre dans la foule. ■ J’ai emporté mon portable de façon à pouvoir être joint n’importe quand. ■ Elle mettait sans arrêt du baume sur les lèvres, pour ne pas avoir de gerçures. ■ Le Parlement s’est réuni en séance extraordinaire en vue d’examiner la proposition de référendum. ■ Il est parti à Rome dans l’intention de faire des recherches à la bibliothèque vaticane.
Après les verbes de mouvement, on peut utiliser l’infinitif directement, sans l’intermédiaire d’une préposition (voir ci-dessous).
Le but peut également être exprimé par une subordonnée relative avec un verbe au subjonctif :
Mes parents cherchent un appartement qui soit assez près du centre. ■ Il me faudrait un coffre de toit dans lequel je puisse mettre huit paires de skis.
Cet emploi correspond aux propositions relatives du finnois avec un verbe au konditionaali, voir les propositions relatives.
Comme en finnois dans les constructions du type tulla/mennä-mAAn, en français l’infinitif peut dépendre directement d’un verbe de mouvement sans l’intermédiaire d’une conjonction. La construction infinitive a alors une nuance de but, comme si une conjonction afin de ou pour était sous-entendue. Comme dans le cas des propositions adverbiales infinitives en général, le sujet logique de l’infinitif doit être le même que celui du verbe dont l’infinitif dépend (coréférence du sujet) :
Il est sorti balayer la cour. ■ Je descends chercher le courrier. ■ Je passerai vous voir ce soir. ■ Il est venu nous rendre visite. ■ Sortons écouter le bruit du vent. ■ Il a fallu retourner en ville chercher un cadeau que nous avions oublié.
La différence de sens avec une construction où on utilise pour n’est pas toujours facile à saisir, mais on peut donner comme règle générale que sans pour, l’infinitif exprime plutôt le mouvement (en finnois ‑mAAn), tandis que la construction avec pour exprime plus nettement le but (finnois ‑kse- + suffixe possessif) :
J’étais parti acheter de nouveaux pneus et je suis tombé en panne d’essence. ■ J’étais parti pour acheter de nouveaux pneus et … je suis revenu avec une nouvelle voiture ! ■ Il était parti en ville pour acheter des vêtements, mais il est revenu avec une télévision. ■ Elle est sortie pour vérifier la couleur du tissu à la lumière naturelle. ■ Je ne suis pas venu pour vous annoncer seulement de bonnes nouvelles.
Cette construction peut s’utiliser aux conditions suivantes :
Beaucoup de gens étaient venus de loin faire la queue pour acheter des billets pour le concert.
Monet ihmiset olivat tulleet kaukaa jonottamaan voidakseen ostaa lippuja konserttiin.
Cette construction est également possible dans le français courant après le verbe rester, bien qu’il ne soit pas considéré comme un verbe de mouvement, notamment dans :
Restez manger chez nous ! ■ Il ne veut pas que je reste dormir chez lui.
Introduit par à, l’infinitif après rester indique une action non achevée et signifie « continuer à faire » :
Je suis resté à regarder le film. ■ Nous sommes restées longtemps à bavarder autour du feu de camp.
Inversement, contrairement au finnois saapua, en français arriver n’est pas un verbe de mouvement et ne peut pas être suivi d’un infinitif directement (erreurs fréquentes chez les finnophones), il faut utiliser venir :
Tervetuloa esitelmöitsijällemme, joka on saapunut puhumaan meille informaatioteknologiasta Ranskassa. J’ai le plaisir de vous présenter notre conférencier, qui est venu nous parler des technologies de l’information et de la communication en France [et non pas qui *est arrivé nous parler…].
ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 58. Adverbiales finales. Dernière mise à jour : 31.7.2021
Mises à jour après le 15.8.2022