Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones

  Index alphabétique

Le futur

Double fonction des temps du futur

L’ex­pres­sion du futur par le présent de l’indicatif

Le futur simple

Le futur antérieur

 L’ex­pres­sion du futur par le futur périphrastique

Valeurs non temporelles du futur simple

Valeurs non temporelles du futur périphrastique

Valeurs modales du futur simple, antérieur et périphrastique

Résumé

Double fonc­tion des temps du futur

Futur et avenir

Le terme de « futur » a un double em­ploi en gram­mai­re (et dans la langue cou­rante) : il dé­signe le « futur mor­pho­lo­gique », c’est-à-dire une for­me ver­bale, un « temps » au sens fin­nois de aikamuoto, tempus (qui n’exis­te pas dans tou­tes les langues), et il dé­si­gne aus­si une pé­rio­de tem­po­rel­le opposée au présent ou au passé.

Dans ce Guide de gram­mai­re, le mot futur uti­li­sé seul ren­voie à l’idée d’« avenir » ; le mot futur proche à l’idée d’« avenir proche ». Les temps verbaux sont sys­té­ma­ti­que­ment dé­si­gnés par leur nom complet :

En fran­çais, le temps le plus utilisé pour ex­pri­mer que l’ac­tion se réalisera dans l’avenir est le présent de l’in­di­ca­tif (Je pars demain. / Qu’est-ce que tu fais ce soir ?), com­me en finnois. Parfois, quand le présent n’est pas assez clair, le futur simple est utile pour préciser l’idée d’avenir.

Futur pé­ri­phras­ti­que et futur proche

Le futur auquel les gram­mai­res donnent ha­bi­tu­el­le­ment le nom de « futur proche » for­mé avec le ver­be aller suivi d’un infinitif (elle va venir) est une des nom­breu­ses pé­ri­phra­ses ver­bales du fran­çais. Il est ce­pen­dant utilisé net­te­ment plus fré­quem­ment que la plupart de celles-ci et for­me une des modaliés cou­ran­tes d’ex­pres­sion de l’avenir. Contrairement à ce que suggère son nom tra­ditionnel dans les gram­maires, il ex­pri­me très sou­vent au­tre chose que la proximité d’un évè­ne­ment fu­tur et mérite assez peu son nom de « futur pro­che ». Dans ce Guide, il est nommé sys­té­ma­tiquement « futur pé­ri­phras­ti­que ».

Les temps du futur peuvent avoir une valeur proprement tem­po­rel­le, mais sou­vent ils ont plutôt une valeur prag­ma­tique ou modale. Dans la plupart des cas, ils ex­pri­ment les deux à la fois :

L’ex­pres­sion du futur et les valeurs des temps du futur
Temps valeur tem­po­rel­le valeur modale
Présent évènement futur im­mé­dia­teté
Futur simple évènement futur probabilité
engagement/promesse
Futur pé­ri­phras­ti­que évènement imminent certitude
intention/projet
injonction

L’ex­pres­sion du futur par le présent de l’in­di­ca­tif

Futur intrinsèque

Le temps ver­bal le plus uti­li­sé en fran­çais pour ex­pri­mer le futur est le présent de l’in­di­ca­tif, dans pra­ti­que­ment 90% des cas. Sur ce point, le fran­çais et le fin­nois se ressemblent. On n’a gé­né­ra­le­ment pas besoin d’un temps ver­bal par­ti­cu­lier pour ex­pri­mer le fait qu’une ac­tion se produit dans l’avenir si un élé­ment du contexte in­di­que l’aspect futur.

Il y a des ver­bes qui contiennent en eux-mê­mes une idée de futur, au­tre­ment dit ils ex­pri­ment une ac­tion dont la réalisa­tion se place forcément dans l’avenir : attendre, rester, con­tinuer etc. Dans ce cas, on n’a pas besoin d’uti­li­ser une au­tre mar­que de fu­tur :

Le boxeur est à genoux, mais il continue de se battre ! Ça ne vous dérange pas si je reste là ? Viens ce soir. Je t’attends. Le quartier où on habite change et il devient plus propre d’une cer­tai­ne ma­niè­re.

Futur indiqué par divers indices

Très sou­vent, le futur est indiqué par des ad­ver­bes, des conjonctions, le contexte de la phra­se etc. Si on uti­li­se ces mar­ques de futur avec des ver­bes qui décrivent un processus re­pré­senté com­me un processus fermé, avec un début et une fin, le présent de l’in­di­ca­tif suffit pour ex­pri­mer l’idée de futur. Dans les exem­ples sui­vants, le présent à valeur de futur est en italiques, l’indice de futur est en couleur :

Ce soir, on va au concert de Rammstein. Les travaux de rénova­tion dé­butent de­main. Essayez ce médicament, vous com­mencez par un quart de tablette au cou­cher, vous repassez me voir si ça ne va pas. On se voit dans une heure ? Bon, on s’explique une bonne fois pour tou­tes sur cette ques­tion, après je ne t’en parle plus, dit-elle. Nos voisins reviennent dans huit jours. Excusez-moi, pouvez-vous me prêter vos jumelles ? Je vous les rends tout de suite.

Dans l’exem­ple sui­vant, la con­jonc­tion et suffit à montrer que le ver­be est à com­pren­dre dans un sens de futur, car elle le relie à la condi­tion préalable (il faut rajouter une couche de peinture, après quoi l’ac­tion est réalisée) :

Tu ajoutes une couche de peinture, et c’est parfait.

Le futur simple

Un temps né­ces­sai­re pour clarifier le sens

Le futur simple est parfois né­ces­sai­re pour mar­quer net­te­ment la dif­fé­ren­ce tem­po­rel­le avec le présent et éviter une mau­vaise interpréta­tion du temps du ver­be. C’est le cas par exem­ple avec cer­tains ver­bes até­liques, no­tam­ment le ver­be être :

(1) Avec une ou deux lampes de plus, ce sera très bien. Vielä pari lamppua lisää ja sitten se näyttää oikein hienolta.
(2) Je suis avec un ami, pas loin de chez vous. On ne sera pas longs. Se ei kestä kauan.
(3) Et tu envisages d’accomplir seul tout ce périple, sans savoir où ça te conduira ? Ja aiot todellakin suorittaa sen pitkän matkan yksin tietämättä mihin joudut?
(4) Votre adjoint s’en tirera bien, ne vous inquiétez pas. Apulaisenne tulee pärjäämään ihan hyvin, olkaa huoleti.
(5) quel­que décision qu’il prenne, il sera critiqué. Minkä tahansa päätöksen hän tekee, häntä tullaan arvostelemaan. [Le futur signifie que il n’a pas en­co­re pris de décision, mais que cette décision sera cer­tai­nement critiquée.]

Si on mettait le présent, les phra­ses auraient un sens dif­fé­rent ou seraient étranges :

(1) Avec une ou deux lampes de plus, c’est très bien. Nyt kun on laitettu pari lamppua, se on oikein hienoa.
(2) ? On n’est pas longs. ?Se ei yleensä kestä kauan. (ou, plus bizarre : ?Me ei olla pitkiä).
(3) Et tu envisages d’accomplir seul tout ce périple, sans savoir où ça te conduit ? Ja aiot todellakin suorittaa sen pitkän matkan yksin tietämättä mihin tämä [suunnitelma] sinut vie? [Ici le ver­be conduit au présent renverrait à envisager ; le futur conduira ren­voie à l’issue du voyage.]
(4) Votre ad­joint s’en tire bien, ne vous inquiétez pas. Apulaisenne pärjää [yleensä] ihan hyvin, olkaa huoleti.
(5) Quel­que décision qu’il prenne, il est critiqué. Minkä tahansa päätöksen hän tekee, häntä arvostellaan. [Avec un présent [La phra­se signifie qu’on critique il chaque fois qu’il prend une décision.]

Dans des cas similaires, le fin­nois uti­li­se deux pro­cé­dés dif­fé­rents, le futur pé­ri­phras­ti­que tulla + infinitif en -mAAn ou, plus fré­quem­ment, des ad­ver­bes servant à ex­pri­mer le futur, com­me sitten ou joskus.

Le futur antérieur

Forme et valeur

Le futur simple sert aus­si à for­mer le futur antérieur (for­mé avec le futur simple d’avoir/être et le par­ti­ci­pe passé), qui ex­pri­me l’antériorité d’une ac­tion par rapport à une ac­tion future :

Quand tu rentreras du Québec, nous aurons déjà emménagé dans notre nouvelle maison.

Le futur antérieur s’uti­li­se es­sen­tiel­le­ment dans les pro­po­si­tions ad­ver­bia­les de temps après les con­jonctions quand/lorsque, dès que/une fois que, plus rarement après que. Il s’em­ploie quand le temps de la prin­ci­pa­le est au futur simple ou a une valeur future, qui peut être exprimée par exem­ple par un pré­sent et un ad­ver­be ou par un impératif (qui implique qu’on exécute une ac­tion qui n’est pas en­co­re ac­com­plie) :

Quand tu auras terminé le rapport, envoie-le à la secrétaire par courriel. Les amendements aux dispositions du présent arti­cle et aux dispositions des arti­cles ci-après ne prendront effet que lorsqu’ils auront été acceptés par tous.

En fin­nois, pour rendre l’idée du futur antérieur fran­çais, on uti­li­se le parfait (per­fek­ti), éven­tu­el­le­ment accompagné d’un ad­ver­be com­me sitten, qui ex­pri­me l’idée de futur :

(1) Yleiskaava, sitten kun se on hyväksytty, selkiinnyttää rantarakentamisen tilanteen. Le schéma di­rec­teur, une fois qu’il aura été adopté [futur antérieur du passif], clarifiera la situa­tion de l’aménagement des rives.

Le futur simple dans la prin­ci­pa­le est né­ces­sai­re ici pour ex­pri­mer l’idée de futur, le schéma di­rec­teur n’ayant pas en­co­re été adopté. Avec un présent, cette phra­se aurait une valeur générale :

(1) Une fois que le schéma di­rec­teur a été adopté, il clarifie la situa­tion de l’amé­na­ge­ment des rives. Yleiskaava, kun se on hyväksytty, selkiinnyttää yleensä ran­ta­ra­ken­ta­mi­sen tilanteen.

Dans l’exem­ple sui­vant (a), le futur simple dans la prin­ci­pa­le est né­ces­sai­re pour ex­pri­mer l’idée de futur  ; au présent (b), cette phra­se aurait une nuance de condi­tion ou de con­sé­quen­ce :

(a) Sitten kun olette jo vähän pidemmällä, voitte kokeilla hieman monimutkaisempia toimintoja. Une fois que vous aurez progressé un peu, vous pourrez essayer des fonc­tions un peu plus compliquées.
(b) Quand vous avez progressé un peu, vous pouvez essayer des fonctions un peu plus com­pli­quées. Kun olette jo vähän pidemmällä, pääsette kokeilemaan hieman mo­ni­mut­kai­sem­pia toimintoja

Équivalents en fin­nois

En général, il est assez facile de savoir, à partir du fin­nois, dans quel cas il faut uti­li­ser le futur antérieur en fran­çais. Le parfait fin­nois (perfekti) cor­res­pond à un futur antérieur en fran­çais :

Quand tu auras fini ton travail, on partira.Sitten kun olet saanut työsi valmiiksi, lähdemme. Quand vous rentrerez, nous serons déjà partis. Kun saavutte kotiin, olemme jo lähteneet.

Mais le perfekti peut aus­si se traduire par un passé com­po­sé si le futur de la prin­ci­pa­le est exprimé par un présent (sou­vent la pro­po­si­tion ad­ver­bia­le indique une condi­tion future et suffit à faire inter­préter le présent de la prin­ci­pa­le com­me un futur) :

Quand tu as fini, on part. Sitten kun olet valmis, lähdetään.

 L’ex­pres­sion du futur par le futur pé­ri­phras­ti­que

Idée de futur im­mé­diat

Le futur pé­ri­phras­ti­que ex­pri­me l’idée d’un avenir très proche, d’un évènement qui est sur le point de se produire :

Dépêche-toi, le train va partir. Ça va être l’heure, dit-elle, habille-toi. Quatre heures moins dix, il va falloir y aller. Le reporter ne cessait de crier, tout excité : « Attendez, attendez, je vais rendre l’antenne ! » Le régisseur dit à l’acteur : « Préparez-vous, ça va être à vous ». Attention, tu vas tomber !

Dans la majorité des cas, cette valeur de futur proche est exprimée en fin­nois par le ver­be à l’inessif ou avec un ad­ver­be tel que pian ou kohta, ou une ex­pres­sion de sens équi­va­lent :

Juna on lähdössä. Kohta on aika lähteä / kohta pitää lähteä. Takaisin studioon hetken päästä! Kohta on teidän vuoronne. Minäpäs selitän. etc.

Opposi­tion futur simple / futur pé­ri­phras­ti­que

Le futur simple indique que le moment envisagé est plus lointain. Ainsi, dans l’in­tro­duc­tion d’un travail écrit d’une cer­tai­ne longueur (arti­cle, conférence, thèse, ou n’im­por­te quel au­tre texte long), quand on annonce le plan, on uti­li­se le futur sim­ple, car on annonce des choses qui ne réalisent pas immé­dia­te­ment, com­me le montrent ces exem­ples tirés de travaux très divers :

Ce mémoire comprend trois par­ties. D’abord dans la première par­tie, nous exa­mi­ne­rons l’institu­tion actuelle de l’inter­com­mu­na­lité. Ensuite dans la deuxième par­tie, nous clarifierons la nécessité du contrôle par les électeurs de l’inter­com­mu­na­lité. Enfin dans la troisième par­tie, nous opterons pour des mesures concrètes dans le but de renforcer le contrôle démocratique de l’inter­com­mu­na­lité. Nous aborderons le pro­blè­me de l’astrophysique de laboratoire dans le domaine de l’hy­dro­dy­na­mi­que en présence de rayonnement. Nous présenterons ensuite un cer­tain nombre de résultats expérimentaux et théoriques récents que nous avons obtenus sur les jets astrophysiques (prin­ci­pa­lement les jets d’étoiles jeunes). Continuant notre cycle d’apprentissage, nous entamerons alors une étape de dé­con­tex­tu­ali­sa­tion, de modélisa­tion […] C’est ainsi que nous aborderons la ques­tion du « Pour quoi faire ? ». Ce chapitre se terminera par un regard com­plé­mentaire sur l’ac­com­pa­gne­ment des professeurs et l’innova­tion dans les institutions d’enseignement.

Mais quand on indique au lecteur (ou à l’auditeur) qu’on passe à une par­tie quel­con­que, on uti­li­se le futur pé­ri­phras­ti­que, qui ex­pri­me l’imminence (välitön läheisyys) de l’action, donc un véritable futur proche :

Nous allons maintenant passer au point 8a) de l’ordre du jour, « Défini­tion et dé­li­mi­ta­tion de l’espace ». Avant d’examiner au chapitre sui­vant les composants gra­phi­ques gérés par JAVA, nous allons maintenant examiner les dif­fé­rents gestionnaires de mise en page. Maintenant que nous avons classé les dif­fé­rents paramètres, nous allons, dans la par­tie sui­vante, tenter d’en évaluer l’importance respective.

Au passé

Le ver­be aller peut aus­si être conjugué à l’im­par­fait, qui est le « présent du passé », pour dire que l’ac­tion était sur le point de se produire dans le passé :

Au moment où j’allais sortir, j’ai constaté que j’avais oublié mon portefeuille. Nous allions prendre le mauvais chemin quand, heureusement, nous dé­cou­vrî­mes un pan­neau minuscule qui indiquait la bonne direction.

Valeurs non tem­po­rel­les du futur simple

Un em­ploi non redondant

En général, pour ex­pri­mer l’idée de futur, on uti­li­se le présent accompagné d’un ad­ver­be ou d’un au­tre in­di­ce exprimant le futur, com­me expliqué ci-dessus. Cepen­dant, il est pos­si­ble d’uti­li­ser aus­si le futur simple mê­me s’il y a dans la phra­se un indice qui ex­pri­me l’idée de futur. Dans ce cas, le futur simple n’est pas redondant : il prend une valeur spéciale exprimant en général un engagement (sitoumus) sur l’avenir, détaché du présent, et dont le lo­cu­teur n’assume pas entièrement la res­pon­sa­bi­li­té, car la réalisation de l’ac­tion peut être en par­tie incer­tai­ne :

Je te rends ton livre demain. Palautan kirjasi huomenna.
Je te rendrai ton livre demain. Saat kirjasi sitten huomenna.

Valeur pragmatique

Le plus sou­vent, le futur simple ex­pri­me moins le temps que l’aspect pragmatique de l’ac­tion envisagée, au­tre­ment dit la ma­niè­re dont le lo­cu­teur envisage ou présente ce qu’il dit. Le futur ne fait pas par­tie du système du présent, ni par son sens ni par sa mor­pho­lo­gie. Le futur est le temps de ce qui est supposé, hypothétique, pos­si­ble, au­tre­ment dit il décrit une réalité qui n’est pas palpable [kou­riin­tun­tu­va, kon­kreet­ti­nen] et sur laquelle le lo­cu­teur ne peut pas intervenir (du moins pas entièrement).

Le futur est moins cer­tain que le présent (dans un sens gram­ma­ti­cal com­me dans un sens concret). Si on com­pa­re les deux phra­ses il vient demain et il viendra demain, on constate que la phra­se au présent indique une certitude plus grande, un fait con­si­dé­ré com­me pra­ti­que­ment réel (« il suffit d’attendre, et demain il sera là »). Tandis que il viendra demain in­tro­duit une distance par rapport au présent ; la venue de il est une chose qui est re­pous­sée dans le futur et reste au moins légèrement hypo­thétique : « il viendra demain = du moins c’est prévu / du moins il l’a promis / s’il ne se produit rien d’imprévu etc. ». Le fait que le futur soit détaché du présent explique qu’il y a tou­jours une cer­taine distance entre l’énon­cé et l’énon­ciateur.

Probabilité proche de la certitude

Le futur peut ex­pri­mer une probabilité proche de la certitude, mais qui n’est pas une certitude. Dans ce cas, en fin­nois, on uti­li­se sou­vent le futur pé­ri­phras­ti­que tul­la -mAAn :

Voilà quarante-quatre clarinettes pour le test com­pa­ra­tif que nous vous pré­sen­tons, plus qu’au­cun magasin de musique ne pourra en déballer sur son comptoir. Allez enquêter sur cette affaire, je vous connais, vous vous débrouillerez bien. Où cela se passait-il ? Je n’en saurai jamais rien. L’été prochain flotteront aus­si les pédalos, glisseront les planches à voile et souffleront les pagayeurs. Évi­dem­ment ce n’est pas le très grand confort, ça ne pourra pas être vivable trop long­temps.

Futur historique

Cette valeur de certitude est en quel­que sorte surexploitée dans ce qu’on appelle le futur historique, qu’on uti­li­se dans un récit au passé. Com­me on sait très bien que l’ac­tion exprimée au futur s’est produite dans le passé, la probabilité est maximale. L’ac­tion décrite par le futur historique pourrait le plus sou­vent être décrite au passé simple (ou passé com­po­sé), mais le futur historique permet en quel­que sorte de changer temporairement de perspective, com­me une remar­que en aparté (sivu­huo­mau­tuk­se­na) du narrateur, qui reprend en­sui­te son récit au passé. L’em­ploi du futur historique n’est donc pas aus­si redondant que veulent le faire croire cer­tains pu­ris­tes, qui en critiquent l’em­ploi :

Louis XIV fut couronné roi en 1661. Son règne entamait une longue période de prospérité pour la France. Pendant plu­sieurs décennies, Louis XIV sera le mo­nar­que le plus puissant du monde en grande par­tie grâce à Colbert. Mais à la fin de son règne, il laissera une France ruinée et affaiblie.

Dans les exem­ples sui­vants, on trouve mêlés présent historique et futur historique :

Quand son frère Jo arrive une heure plus tard, Suzy tourne sans les regarder les pages jaunes d’un annuaire. C’est à Jo que reviendra la tâche d’appeler, tou­te la nuit, les hôpitaux et les commissariats en vain. En effet, la mort inopinée de Staline le 5 mars 1953 désamorce la machine infernale, et les inculpés seront relaxés, quoique jamais réhabilités.

Le futur historique s’em­ploie beau­coup dans les ouvrages historiques, il est très fré­quent dans la presse et il est assez fré­quent mê­me dans le fran­çais parlé. Le fin­nois connait aus­si un futur his­to­ri­que, il est ex­pri­mé par le futur pé­ri­phras­ti­que olla…vA ou tulla…mAAn ou, plus sim­ple­ment par un ad­ver­be com­me myö­hem­min:

Lenin ottaa vallan. Hän on luova Neuvostoliiton. Lénine prend le pouvoir. C’est lui qui créera l’Union soviétique.

Engagement

Le futur ex­pri­me aus­si une certitude moins grande, une probabilité plus limitée. La réalisa­tion de l’ac­tion envisagée dépend de ce que l’avenir apportera. Cette distance entre le réel et le pos­si­ble se retrouve typiquement quand le futur ex­pri­me un en­gagement [sitoumus] (sincère ou non). Cet engagement peut être une promesse, une me­nace, un ordre etc. :

Je te rapporterai tes livres demain. Annie lui dit : je t’expliquerai demain, tout ! Quand elle sera plus grande, je lui ferai graver des cartes de visite. Je te té­lé­pho­nerai début septembre pour qu’on décide com­ment Zoé et toi pourrez vous voir. Papa, si tu ne me rapportes pas ce soir le petit chat que tu m’as promis, je ne te par­lerai plus jamais de ma vie. Vous aurez tou­tes les ins­truc­tions dans quel­ques jours. On sortira tous les deux. Après le spectacle, on di­ne­ra au cham­pagne ! Je passerai au théâtre, je prendrai les deux meilleures places.

L’éventuel

Ces deux valeurs de probabilité et engagement, peuvent se retrouver dans une phra­se in­tro­duite par si ou son équi­va­lent  ; on appelle souvent cet aspect l’éventuel :

Si tu viens en été en Finlande, tu pourras voir le soleil de minuit.

On ne peut pas con­si­dé­rer à proprement parler qu’il s’agisse d’une conséquence iné­vi­ta­ble de la con­di­­tion posée par si, car on pourrait aus­si uti­li­ser le présent dans la prin­ci­pa­le (les valeurs dif­fè­rent donc selon les cas) :

Si tu viens en été en Finlande, tu peux voir le soleil de minuit.

Valeurs non tem­po­rel­les du futur pé­ri­phras­ti­que

Quand le présent suffirait à ex­pri­mer le futur, l’uti­li­sa­tion du futur pé­ri­phras­ti­que apporte des précisions sur la valeur pragmatique de l’é­non­cé (prédiction, en­ga­ge­ment etc.) ; com­me le futur simple, le futur pé­ri­phras­ti­que indique tou­jours une dis­tan­ce entre le lo­cu­teur et son énon­cé. Du point de vue de l’ap­pre­nant fin­no­pho­ne de FLE, on peut souligner les carac­té­ris­ti­ques sui­vantes :

Certitude

Alors que le futur simple indique une rupture tem­po­rel­le nette entre le présent et le temps de l’ac­tion en­vi­sa­gée, le futur pé­ri­phras­ti­que ex­pri­me le fait que l’ac­tion fu­ture reste liée au présent. Le lo­cu­teur a donc en quel­que sorte un plus grand pou­voir d’influence sur une ac­tion exprimée par le futur pé­ri­phras­ti­que que sur une ac­tion au futur simple. Le futur pé­ri­phras­ti­que peut ainsi ex­pri­mer une certi­tude :

Vous allez voir, elle va vous dire que c’est elle qui commande ici. Et puis le fil, imagina-t-il, il va falloir un fil sur cet interrupteur. Il va se voir, ce fil. Ça va être minable. Le colonel est sorti un moment, dit le soldat en dé­si­gnant le pavillon, il est là-dedans. Il ne va pas tarder. C’est l’œuvre d’un dessinateur finlandais que j’ai oublié, mais dont je vais retrouver le nom, c’est évident.

Intention, projet

Le futur pé­ri­phras­ti­que ex­pri­me aus­si une inten­tion liée au lo­cu­teur, un intérêt subjectif. Alors que le futur simple mar­que l’engagement (sitoumus), le futur pé­ri­phras­ti­que mar­que plutôt l’intention, le projet (aikomus). La valeur d’in­ten­tion du fu­tur péri­phras­ti­que est gé­né­ra­lement rendue en fin­nois par aikoa tehdä, olla tarkoitus :

Je te rassure, on ne va pas travailler tout le temps. Mais on ne va pas vous dé­ran­ger plus longtemps. Oui je pense que je vais faire en­co­re cette conférence en Grande-Bretagne et puis après, je vais changer de su­jet. Asseyez-vous, dit-il en­suite, vous allez bien prendre quel­que chose. Un petit verre de vin ? Je vais es­say­er de vous expliquer ça en allant lentement.

Par rapport au présent, qui peut mar­quer la réalisa­tion im­mé­dia­te (futur im­mé­diat), le futur pé­ri­phras­ti­que in­tro­duit une distance, un léger facteur d’incertitude. Com­pa­rer :

Alors, ce rapport, ça vient ?
(1) – Oui je le fais, je le fais.
(2) – Oui, je vais le faire.

Dans la ré­pon­se (1), le lo­cu­teur indique que la rédac­tion du rapport a pra­ti­que­ment déjà com­mencé (mê­me si ce n’est pas vrai dans la réalité) et que la rédac­tion est seu­le­ment une ques­tion de temps. Dans la ré­pon­se (2), la rédac­tion du rapport n’a pas en­co­re com­mencée, elle se trouve re­tar­dée par rapport au présent et reste au stade de l’intention.

Il y a donc une nette dif­fé­ren­ce entre les deux ques­tions sui­vantes, si on les pose par exem­ple le matin :

(1) Qu’est-ce que tu fais ce soir ? Mitä teet illalla? [valeur tem­po­rel­le]
(2) Qu’est-ce que tu vas faire ce soir ? Oletko nyt päättänyt, mitä teet illalla? Mitä meinaat tehdä illalla?

Cette phra­se est un cas typique dans lequel les ap­pre­nants de fran­çais lan­gue étran­gè­re fin­no­pho­nes ont ten­dan­ce à abuser du futur pé­ri­phras­ti­que. Com­me le soir est proche du moment de l’énonciation, influencés par le terme de futur proche/lähifutuuri uti­li­sé dans les gram­mai­res, les ap­pre­nants de fran­çais concluent qu’il faut uti­li­ser la for­me en aller + in­fi­ni­tif. Dans la réalité, si on pose par ex­em­ple le matin la ques­tion qu’est-ce que tu vas faire ce soir ?, cela implique que ce qu’on va faire le soir doit d’abord être décidé). Si on pose la ques­tion le soir, elle peut ren­voy­er à un véritable futur proche, à quel­que chose qui va se produire dans peu de temps (mais il peut aus­si y avior une nuance d’inten­tion).

Injonction

Le futur pé­ri­phras­ti­que peut éga­le­ment ex­pri­mer une injonc­tion (kehotus) plus ou moins forte ou plus ou moins polie. En fin­nois, on uti­li­se dans cecas le preesens (qui est dans ce cas plus « fort » que l’impératif) :

Maintenant vous allez prendre votre livre et vous allez lire les pages 23 et 24. En­sui­te, je vous poserai des ques­tions. Vous allez tous prendre vos affaires et vous allez sortir sans faire de bruit. Tu vas me faire le plaisir de ranger ta chambre ou ça va barder !  Vous allez arrêter vos histoires, oui !? Maintenant, monsieur Clair, dit-il en abaissant le canon de son arme, vous allez vous laisser faire par le docteur. Sinon je tire sur un de vos pieds et il faudrait ensuite vous laisser faire par le docteur, de tou­te façon. Maintenant tu vas arrêter de me casser les pieds, sinon je ne pars pas avec toi en voyage.

Valeurs modales du futur simple, antérieur et pé­ri­phras­ti­que

On em­ploie aus­si le futur simple et antérieur et le futur pé­ri­phras­ti­que pour ex­pri­mer des valeurs qui n’ex­pri­ment pas une idée de futur. C’est ce qu’on appelle en gé­né­ral les valeurs modales du futur.

Le futur d’atténuation

Le futur d’atténua­tion (va­rian­te du futur de politesse) a sou­vent com­me équi­va­lent en fin­nois le con­di­tion­nel :

Je vous ferai remar­quer que ces exem­ples sont tous originaux. Haluaisin huo­maut­taa, että kaikki esimerkit ovat uusia. À cela, je répondrai que vous n’avez pas tout à fait tort. Tähän vastaisin, että ette ole aivan väärässä.

Le futur conjectural

Le futur conjectural (de conjecture, oletus) ex­pri­me une hypothèse. Il équivaut pour la for­me et pour le sens au potentiaali fin­nois (for­mes en -nee, lienee, sanonee etc.). Mais dans la lan­gue cou­rante, la for­me simple (futur simple) est pra­ti­que­ment inusitée (tout com­me son équi­va­lent lie­nee, sanonee dans la langue cou­rante en fin­nois). À la place, on uti­li­se le ver­be devoir ou un ad­ver­be. Il vaut mieux donc éviter d’abuser du futur simple conjectural dans le fran­çais parlé. :

On tourne autour de la maison ? Ce sera quel­que rôdeur. J’entends du bruit dans le jardin. Ce sera le chien qui fouille dans les buissons.

Cou­ramment :
C’est peut-être / sans doute un rôdeur. Ça doit être le chien qui fouille dans les buissons. / C’est sans doute le chien qui fouille dans les buissons.

En revanche, le futur conjectural exprimé par le futur antérieur est re­la­ti­ve­ment fré­quent dans le code écrit mê­me cou­rant. Dans le fran­çais parlé, il reste ce­pen­dant d’un usage limité :

Pierre n’est pas en­co­re arrivé ; il aura eu un empêchement de dernière minute. [cou­ram­ment : il a dû avoir un empêchement de dernière minute.] Elle a de nouveau oublié de venir. Elle se sera trompée de jour, pour changer ! [cou­ramment : Elle a dû se tromper de jour…]

Le futur de politesse

Le futur de politesse sert à formuler un ordre de façon moins di­rec­te que l’im­pé­ra­tif :

Vous me montrerez la première version de votre mémoire demain, d’accord ? Tu me passeras tes notes, après, si tu veux bien. Quand tu gouteras la tarte, tu m’en laisseras un peu. Vous me rapporterez des souvenirs, hein ?

On trouve no­tam­ment cette valeur dans les recettes de cuisine :

Disposer en couronne sur la table de la farine tamisée, émietter au centre de la levure, dont la quan­ti­té sera sub­or­don­née à la température. […] Ces additions seront faites lentement.

Remar­que  : quand ils sont utilisés pour ex­pri­mer un ordre, le futur simple et le fu­tur pé­ri­phras­tique sont donc net­te­ment dif­fé­rents ; le fu­tur pé­ri­phras­ti­que indique un ordre strict, une injonction, tan­dis que le futur simple ex­pri­me une demande po­lie.

Résumé

Pour résumer les dif­fé­ren­tes valeurs du futur simple et pé­ri­phras­ti­que en fran­çais, on peut com­pa­rer les nuances qui exis­tent entre les trois énon­cés sui­vants :

(1) Je me marie l’an prochain.
(2) Je vais me marier l’an prochain.
(3) Je me marierai l’an prochain.

En fonc­tion du contexte, chaque énon­cé peut s’interpréter d’une ou de plu­sieurs ma­niè­res :

  1. (1) a une pure valeur tem­po­rel­le. Je annonce qu’il se marie et que ce sera l’an pro­chain, ou bien la nouvelle du mariage est déjà connue et je indique sim­ple­ment l’époque où cet évènement aura lieu ;
  2. (2) ex­pri­me une intention, un projet ;
  3. (3) indique un engagement, une promesse ; cet énon­cé pourrait faire penser que, pour diverses rai­sons, je n’a pas le temps de se marier cette année et qu’il remet son mariage à l’année sui­van­te.

Ces énon­cés sont caractérisés par le fait qu’ils comportent chacun un indice tem­po­rel qui précise l’époque dans l’avenir où l’évènement se produit (l’an prochain). Mal­gré cet indice tem­po­rel de futur, on voit que le futur simple et le futur pé­ri­phras­ti­que dans les énon­cés (2) et (3) ne sont pas redondants, car la fonc­tion de ces temps dans ces deux cas n’est pas avant tout d’ex­pri­mer le futur. En fin­nois, on pourrait suggérer les équi­va­lents sui­vants :

(1) Menen naimisiin ensi vuonna.
(2) Aion mennä naimisiin ensi vuonna / Minun on tarkoitus mennä naimisiin ensi vuonna.
(3) Menen sitten naimisiin ensi vuonna.

Verbes téliques et atéliques

Les ver­bes téliques (du grec télos « fin ») ex­pri­ment un processus qui a une fin (trouver, construire), tan­dis que les ver­bes atéliques ex­pri­ment un processus non fermé (demeurer, être, habiter, marcher, cher­cher). Les ver­bes téliques peuvent être suivis d’un com­plé­ment de temps in­tro­duit par en. Com­pa­rer :

Il a construit la maison en deux semaines. (ver­be télique) Hän rakensi talon kahdessa viikossa.
*Il a habité à Brest en deux semaines. (ver­be atélique) *Hän asui Brestissä kahdessa viikossa.

Les ver­bes atéliques peuvent être suivi d’un com­plé­ment de temps in­tro­duit par pen­dant. Com­pa­rer :

Il a marché pen­dant une heure. Hän käveli tunnin / tunnin ajan.
*Il a trouvé le livre pen­dant une heure. *Hän löysi kirjan tunnin ajan.

Dans la réalité, les choses sont plus compliquées. Exactement com­me pour la re­pré­senta­tion mas­sive et la re­pré­senta­tion comptable, c’est le mode de re­pré­senta­tion du ver­be qui est télique ou até­li­que, pas le ver­be en lui-mê­me, et la télicité varie aus­si en fonc­tion du contexte ou de la structure de la phra­se. Cet­te no­tion de télicité recoupe par­tiellement, au moins en fin­nois, l’idée de perfectif-résultatif (hän ra­ken­si talon/hän rakensi taloa).

ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 43. Le futur. Dernière mise à jour : 1.8.2021
Mises à jour après le 15.8.2022