On appelle enchainement [ketjutus, sitominen] la manière dont les phonèmes sont liés dans une séquence de phonèmes. Le français se prononce par blocs. À l’intérieur de ces blocs, on lie [sitoa] les phonèmes pour en faire un ensemble continu. Les phonèmes enchainés peuvent être des consonnes et des voyelles, ou des voyelles et des voyelles. Les différents blocs sont séparés par des pauses, où il n’y a pas d’enchainement.
L’enchainement consonantique est une des caractéristiques phonétiques du français à laquelle il est difficile (mais indispensable) de s’habituer et qui fonctionne selon le principe suivant : à l’intérieur d’un groupe rythmique (un « bloc »), par exemple dans un groupe nominal ou un groupe verbal, la consonne finale prononcée d’un mot forme une syllabe avec la voyelle initiale du mot suivant (si ce mot commence par une voyelle). Autrement dit, cette consonne est prononcée comme si elle faisait partie du mot suivant. Exemples :
avec eux a-vɛ-kø
et non pas *a-vɛk-ø
votre ami vɔ-tʁa-mi
et non pas * vɔtʁ-a-mi
tout étonnée tu-te-to-ne
et non pas *tut-e-to-ne
une histoire amusante y-nis-twa-ʁa-my-zɑ̃t
et non pas *yn-is-twaʁ-a-my-zɑ̃t
Cette règle s’applique dans tous les cas où une consonne finale est prononcée devant une voyelle dans un groupe où deux mots sont liés par une relation syntaxique forte, comme votre◡ami, une◡histoire◡amusante, toute◡étonnée. La liaison est un cas fréquent où se réalise l’enchainement : un◡homme, c’est◡étrange, des◡amis, sans◡argent etc.
L’enchainement consonantique en français, c’est comme si on prononçait la phrase finnoise hän on anonut ennenkin sitä apurahaa en disant « hä-No-Nanonu-Tennenkin… », ou bien hä-no-Nihana, hä-no-Nälykäs : cette manière de découper les syllabes est donc tout à fait différente de ce qu’on fait en finnois, et c’est pourquoi c’est quelque chose de particulièrement difficile à assimiler. C’est plutôt d’une barrière psychologique que véritablement mécanique : il faut s’entrainer à découper franchement, « sans crainte » pourrait-on dire, les syllabes sur le modèle français. 5.4 et suivants.
En français, les syllabes se terminent plus souvent par une voyelle que par une consonne. Le français préfère les syllabes libres, c’est-à-dire des syllabes qui se terminent par des voyelles. Sur ce point, il diffère par exemple de l’allemand, du russe ou du finnois. En français, la proportion de groupes CV (consonne + voyelle) est de 55 %, autrement dit plus de la moitié des syllabes. Le français donne à la voyelle une place prépondérante [hallitseva]. Quand on prononce une consonne, on lui donne déjà certains traits de la voyelle qui va suivre : on arrondit les lèvres pour faire /s/
quand on va prononcer sucre. La voyelle s’entend déjà un peu dans la consonne.
Pour montrer à quel point cet enchainement consonantique est enraciné dans la conscience linguistique du francophone, on mentionnera des exemples tirés de la langue des enfants : le mot nounours est constitué par la répétition d’une première syllabe nou- issue de l’enchainement du n de l’article et du mot ours : un◡ours. De même, le singulier « enfantin » (fréquemment utilisé par des adultes s’adressant à des enfants) le petit zoizeau (variante zozio) est dérivé chez l’enfant du pluriel des oiseaux avec une syllabation reconstituée sur le même principe. On a également entendu des enfants dire le navion déduit de la forme un avion, et, avec un processus inverse, on va ettoyer : dans ce cas, l’enfant a interprété on nettoie comme une liaison *on◡ettoie et a déduit logiquement que la forme de base du verbe est *ettoyer.
En français, à l’intérieur d’un bloc, entre la voyelle finale d’un mot et la la voyelle initiale du mot qui suit, il n’y a pas d’arrêt de la voix entre les deux voyelles : il faut les enchainer, les lier. Par exemple, tu as été étonné se prononce tyaeteetone
en une seule émision, et non pas *ty|a|ete|etone
. Il faut donc s’entrainer à enchainer les voyelles, pour obtenir une prononciation « liée ». Mais bien que liées, les deux voyelles ne doivent pas se fondre en une seule voyelle longue (erreur d’interprétation fréquente chez les apprenants finnophones), on doit entendre nettement chacune des voyelles, comme en finnois dans teini-ikäinen ou kala-ateria, qui ne sont pas prononcés comme *teiniikäinen ou *kalaateria avec une voyelle longue. 11.7.
La rencontre de deux ou plusieurs voyelles peut se produire à l’intérieur des mots, entre toute sorte de voyelles (orales et/ou nasales) :
ahuri, ébahi, brouhaha, désagréable, aération, vidéo
magnétoaérodynamique, antiaérien, se déhancher, s’enhardir, béant 11.9.
ou au contact de mots différents dans la phrase (le signe ◠ indique que les voyelles sont prononcées en une suite, sans pause) :
la◠haie, des◠haricots, en◠haut, un◠hibou, la◠hache, en◠Hongrie 11.10.
on va◠à◠Annecy, il a◠eu◠une attaque, un◠et◠un◠égale deux ɛ̃eɛ̃egaldø
11.11.
Dans la prononciation courante de la langue parlée, les cas de rencontres de voyelles, qu’elles soient orales ou nasales, sont extrêmement fréquents :
Y en a pas un en haut ? jɑ̃napaɛ̃ɑ̃o
Mais on va où au fait ? meõvauofɛt
C’est plus utile. seplyytil
12.7 et suivants, 12.12.