En français, les voyelles /ᴇ/ɶ/
🞅/
ont une aperture variable, elles peuvent être plus ou moins ouvertes. Par exemple, l’aperture de /ᴇ/
peut varier entre /ɛ̜/
très ouvert, /ɛ/
ouvert, /e̜/
moyen, /e/
fermé et /ẹ/
très fermé. De la même manière, /ɶ/
peut varier entre /œ/
et /ø/
, et /🞅/
entre /ɔ/
et /o/
.
La variation d’aperture dépend de la position de la voyelle dans le mot. L’opposition entre ouvert/ fermé est nette et importante seulement à la fin des mots. Dans les autres positions, elle est variable et, en français moderne, elle ne joue aucun rôle distinctif. On peut prononcer par exemple l’au de aurore sur tous les degrés de variation possibles entre /o/
et /ɔ/
sans que le sens change de quelque manière (mais on ne peut prononcer avec un /o/ final fermé */
).🞅
ʁoʁ/
Même à la fin des mots, l’aperture peut être variable régionalement. C’est pour cette raison que dans ce guide, quand une variation est possible, on transcrit ces voyelles avec des signes en capitale /ᴇ/ɶ/
, qui représentent des archiphonèmes, c’est-à-dire des signes uniques qui décrivent plusieurs variantes possibles. Mais dans les dictionnaires, on ne le fait pas, et les transcriptions des dictionnaires sont parfois illogiques ou contraires à la réalité.🞅
/
Dans le système graphématique du français, les variations d’aperture sont parfois indiquées par un accent aigu, grave ou circonflexe, par exemple côte avec /o/
fermé vs cote avec/ɔ/
. Mais ce n’est pas systématique : des mots terminés par -ome peuvent se prononcer avec /o/
fermé (atome) ou /ɔ/
ouvert (astronome), mais cette différence n’est pas indiquée dans l’écriture. Les procédés de transcription des voyelles /ᴇ/ᴏ/ɶ/
sont souvent incohérents, redondants et contradictoires, et ils ne facilitent pas la tâche de l’apprenant de FLE.
/ᴇ/
(Cliquer pour ouvrir le contenu)À cause des différents essais qui ont été faits par les imprimeurs et les grammairiens depuis la Renaissance pour suivre l’évolution phonétique de la langue, on a obtenu en français un système redondant.
On avait imaginé par exemple de redoubler [kahdentaa] les consonnes après e pour indiquer un /ɛ/
: /ʒɛt/
se transcrit jette (je jette [heitän]) avec deux t, alors que dans nous jetons, e suivi d’une seule consonne correspond à /ɶ/
. C’est un procédé qui fonctionne toujours en français (pelle/peler, messe/mesure etc.).
Puis, à l’époque de la Renaissance, on a commencé à utiliser parallèlement [rinnkkain] un système de signes diacritiques [tarke] : ce sont les accents, qu’on utilise encore de nos jours. Le résultat est qu’ils font souvent double emploi [olla tarpeeton, turha] avec la pratique ancienne : pour transcrire /ɛt/
, on utilise ett dans mette ou jette, mais ète dans comète, achète. Certains adjectifs en et forment leur féminin en ‑ète, d’autres en ‑ette (voir Grammaire). On utilise soit l’un, soit l’autre procédé.
L’usage de la lettre e est très variée et a connu de nombreuses formes durant les siècles, qui coexistent [elävät rinnakkain] aujourd’hui et provoquent une certaine confusion. Il y a pourtant quelques principes fondamentaux qui fonctionnent pratiquement toujours. Rappel :
/ɶ/
: mesure, regarder, debout, fenêtre etc. ;/ᴇ/
, autrement dit soit /e/
, soit /ɛ/
, selon les cas ;/ᴇ/
. Dans ce cas, il est donc inutile (et interdit) d’ajouter un accent : jette, peste, respecte, espace, exiger (x = 2 consonnes)./ɶ/
: reprendre /ʁɶpʁɑ̃dʁ/
, reflet /ʁɶflɛ/
, recherche /ʁɶʃɛʁʃ/
. Pour transcrire un /ᴇ/
, il faut dans ce cas ajouter un accent : réfléchir, réprouver, réchapper .Pour transcrire /ᴇ/
, on utilise soit le redoublement de la consonne, soit les signes diacritiques, mais jamais les deux ensemble. Conséquence : quand e est suivi de 2 (ou 3) consonnes, il se prononce en général /ᴇ/
: il n’y a donc jamais d’accent sur la lettre e quand elle est suivie de 2 (ou 3) consonnes, sauf quand la deuxième lettre est un l, un r ou un h (réfléchir, être, cèdre etc.)
Comparer :
désert /dezɛʁ/
: il faut un accent pour marquer /e/
dessert /desɛʁ/
: pas besoin d’accent pour marquer /e/
, car il y a déjà 2 consonnes.
mère /mɛʁ/
: il faut un accent pour marquer /ɛ/
terre /tɛʁ/
: pas besoin d’accent pour marquer /ɛ/
, car il y a déjà 2 consonnes.
a. Dans les groupes où la deuxième consonne est un h, il y a pratiquement toujours un accent : méthane, méchant etc., sauf en finale : aneth /anɛt/
, varech /vaʁɛk/
etc.
b. Dans certains mots, le redoublement de ss après e ne sert pas à transcrire un /ᴇ/
, mais à empêcher qu’on lise /z/
: dessus (composé des adverbes de et sus), car *desus se lirait /dɶzy/
, resserrer, dessous, ressortir, ressembler etc., tous avec /dɶ-/
ou /ʁɶ-/
; il s’agit donc en partie d’une graphie illogique, car dans d’autres mots ess- se lit /ᴇs/
: essence, presse, pressentiment etc.
c. Dans des mots composés récents, on peut avoir des e avec accents, parce qu’on veut maintenir l’orthographe des préfixes : on écrit télescope (qui obéit à la règle normale, mot datant de 1611), mais téléscripteur. Tous les deux utilisent le préfixe grec tele-, mais téléscripteur a été formé plus récemment (fin XIXe siècle) avec un préfixe télé- qu’on trouve dans de nombreux mots (téléphone, télépathie etc.). C’est également le cas de prescrire ~ préscolaire ; tous les deux sont formés avec le préfixe latin præ-, mais préscolaire est de formation récente et le suffixe pré- est utilisé dans le sens du finnois esi- dans de nombreux autres composés : prédestiné, prédigéré, préalpin etc.).
/ᴇ/
quand la lettre e n’est pas pourvue [varustettu] d’un accent et n’est suivie que d’une seule consonne. Il ne faut pas lire mesure /*mezyʁ/
(prononciation correcte : /mɶzyʁ/
), regarder /*ʁegaʁde/
(prononciation correcte : /rɶgaʁde/
) etc. 2.6 ;
Les voyelles /ᴇ/ɶ/ᴏ/
sont généralement fermées (/e/ø/o/
) quand, dans la syllabe qu’elles forment, elles ne sont pas suivies d’une consonne prononcée. On dit que la syllabe est ouverte :
fin. a-vo-ta-vu : 4 syllabes ouvertes
fr. re-pos /ʁɶ-po/
: 2 ouvertes ; heu-reux : /ø-ʁø/
2 ouvertes
Inversement, les voyelles /ᴇ/ɶ/ᴏ/
sont généralement ouvertes (/ɛ/œ/ɔ/
) quand, dans la syllabe où elles se trouvent, elles sont suivies d’une consonne prononcée. On dit alors que la syllabe est fermée (parce que la consonne la « ferme ») :
hôtel /o-tɛl/
:1 syllabe ouverte, 1 fermée
porteur /pɔʁ-tœʁ/
: 2 syllabes fermées
Dans la forme écrite, de nombreux mots sont terminés par des consonnes qui ne se prononcent pas. La syllabe semble donc fermée par une consonne, mais en réalité elle est ouverte : il faut savoir interpréter les graphèmes et faire abstraction [jättää huomioimatta] des lettres « inutiles » :
champs /ʃɑ̃/
= 1 syllabe ouverte
poids /pwa/
= 1 syllabe ouverte
morille /mᴏ-ʁij/
= 1 syllabe ouverte, 1 syllabe fermée
pêle-mêle /pɛl-mɛl/
= 2 syllabes fermées
acheter /aʃ-te/
= 1 syllabe fermée, une syllabe ouverte
promenade /pʁᴏm-nad/
= 2 syllabes fermées
évènement /ᴇ-vᴇn-mɑ̃/
= 1 syllabe ouverte, 1 syllabe fermée, 1 syllabe ouverte
extrêmement /ᴇks-tʁᴇm-mɑ̃/
= 2 syllabes fermées, 1 syllabe ouverte
netteté /nᴇt-te/
= 1 syllabe fermée, 1 syllabe ouverte
Cette alternance se manifeste couramment dans la conjugaison des verbes ou la formation des noms ou adjectifs féminins :
donner /done/
~ il donne /dɔn/
, léguer /lege/
~ il lègue /lɛg/
, il peut /ilpø/
~ ils peuvent /ilpœv/
idiot /idjo/
~ idiote /idjɔt/
, léger /leʒe/
~ légère /leʒɛʁ/
,
balayer /baleje/
~ il balaye /balɛj/
En général, à l’intérieur d’un mot, cette opposition n’a pas beaucoup d’importance et la voyelle peut varier : respecter /ʁɛspɛktẹ ↔ ʁespektẹ/
. Mais dans une syllabe fermée (donc avant une une consonne prononcée) une voyelle a tendance à être assez ouverte devant /l/
et nettement ouverte devant /ʁ/
(voir ci-dessous Exceptions 1.). De plus, certaines voyelles avoisinantes (ouvertes/fermées) peuvent influencer l’aperture, par harmonisation vocalique :
automne /otɔn/
peut être prononcé /ɔtɔn/
(le premier /o/
s’ouvre sous l’influence du suivant) ;
désespérer /dezᴇspere/
peut être prononcé /dezespere/
(tous les /ᴇ/
prononcés fermés).
À l’intérieur d’un mot, l’opposition ouvert/fermé n’a pas beaucoup d’importance, mais à la fin du mot, les caractéristiques des voyelles sont toujours très nettes, et elles sont renforcées par d’autres traits :
e fermé final est très fermé et très écarté : Cet été, on a réparé l’escalier. 11.3 à 11.6.
o fermé final est très fermé et très arrondi (labialisé) : Il a gagné le gros lot au loto. 6.6 à 6.9.
ø fermé final est très fermé et très arrondi (labialisé) : C’est très dangereux. 6.3.
De même, les /ɛ/œ/ɔ/
finaux ouverts devant consonne (notamment devant /ʁ/
) sont très ouverts : Arrive à l’heure au concert ! Ne parles pas si fort ! 8.6 et suivants.
1. Ailleurs qu’en syllabe finale du mot ou du groupe de mots, l’aperture des voyelles /ᴇ/ɶ/
○/
est variable, mais devant /ʁ/
ou /l/
, ces voyelles sont généralement assez nettement ouvertes aussi ailleurs qu’en finale :
poster/porter /pᴏste/pɔʁte/
, neuvième/seulement /nɶvjɛm/sœlmɑ̃/
festif/fermer /fᴇstif/fɛʁme/
, respecter/perspective /ʁᴇspᴇkte/pɛʁspᴇktiv/
2. Devant z (s sonore), /ɶ/
et /o/
restent fermés même en finale :
bosse /bɔs/
/dose /doz/
, malheur /malœʁ/
/malheureuse /malɶʁøz/
Mais cette exception ne concerne pas /ɛ/
: frère /fʁɛʁ/
, fraise /fʁɛz/
(et dans le français du sud, cette exception n’existe pas : une chose malheureuse [nord] /ynʃozmalɶʁøz/
/ [sud] /ynɶʃɔzɶmalɶʁœz/
).
Ces diverses exceptions ont mentionnées dans la description des graphèmes, mais il peut être utile d’avoir un aperçu rapide des principales et des plus courantes d’entre elles :
■ Le graphème eu peut correspondre à /ø/
fermé en syllabe finale fermée (devant consonne prononcée) :
/øʁøz/
, fameuse /famøz/
/emøt/
, thérapeute /teʁapøt/
/møl/
, (veule ; veulerie)/bøgl/
, meuglent /møgl/
, et dans le mot jeûne [paasto] /ʒøn/
■ Le phonème /o/
est nettement fermé (o) en syllabe fermée finale :
/epol/
, auxiliaire /oksiljɛʁ/
, fausse /fos/
, chaude /ʃod/
/kot/
, nôtre /notʁ/
, rôle /ʁol/
, arôme /aʁom/
/ʁoz/
, chose /ʃoz/
, pose /poz/
, morose /moʁoz/
/gʁos/
et fosse [kuoppa] /fos/
(mais règle normale dans bosse, cosse, gosse, rosse, cabosse avec /ɔ/
)/tost/
, hall /ol/
, crawl /kʁol/
/albatʁos/
, craignos /kʁᴇnjos/
, nullos /nylos/
etc.■ La pronononciation du graphème -ome et -one (dans des mots d’origine grecque), n’est pas cohérente :
/ɔm/
est minoritaire : agronome, astronome, cardamome, économe, gastronome, major dome, Rome ≈ 7 mots ;/om/
est majoritaire : chrome, glaucome, génome, tome etc. ≈ 250 mots ;/ɔn/
est majoritaire : acétone, téléphone, testostérone etc. ≈ 250 mots ;/on/
est minoritaire : amazone, autochtone, clone, drone, hexagone, icone, neurone, ozone, silicone, synchrone, zone ≈ 12 mots.
À la fin d’un mot ou d’un grroupe de mots, une voyelle non suivie d’une consonne est habituellement fermée. Mais dans le français du nord, on maintient encore partiellement une opposition entre /e/ɛ/
à la fin des mots et on peut entendre un /ɛ/
en syllabe ouverte (normalement syllabe ouverte finale = voyelle fermée) : il y était /iljetɛ/
, dans la forêt /dɑ̃lafoʁɛ/
. Mais ce n’est pas systématique et il y a beaucoup de variation :
/e/ɛ/
se fait essentiellement dans langue soutenue [huoliteltu kirjakieli], lecture d’un texte à la télévision, discours etc. ;/e/ɛ/
finaux, qui tendent à être tous sont prononcés /e/
: né/nez/nait /ne/
, ça me plait /sample/
;/ᴇ/
finaux non suivis d’une consonne sont prononcés fermés /e/
;/ᴇ/
ouvert, il n’est jamais très ouvert (contrairement au /ɛ/
dans une syllabe finale fermée comme dans tête, claire), on prononce plutôt /ę/
que /ɛ/
:
forêt /foʁę/
nettement moins ouvert que mer /mɛ̜ʁ/
./ᴇ/
quand le mot est terminé par une syllabe fermée « graphiquement ».En finale, on peut entendre un /ɛ/
ouvert en syllabe ouverte en général dans des cas où dans la graphie le mot se termine par une consonne ; la syllabe est donc en quelque sorte fermée graphiquement ; dans ces finales fermées graphiquement mais ouvertes phonétiquement, /ᴇ/
correspond aux graphies suivantes :
/aspɛ/
, respect, suspect etc. ; /ᴇkspʁᴇ]/
, après, progrès (ces cas ne sont pas très fréquents, car dans les mots terminés en -ès, l’s se prononce assez souvent, par exemple aloès, cacatoès) ;/ɛ/
n’est pas rare ou du moins semble revenir à la mode, par un mélange d’analogie et d’hypercorrectisme (reproduction ou imitation du français écrit) ;/ke/
.
L’alternance entre /e/ɛ/
est tellement variable qu’elle est impossible à décrire avec des règles simples. Heureusement, les finnophones peuvent profiter d’un avantage que leur donne leur langue maternelle et, pour une fois, faire exprès de « mal prononcer », ce qui simplifie nettement les règles à retenir.
Le /e/
finnois est moins fermé et moins tendu que /e/
en français : Tampere / tampe̜re̜/
/ tempéré /tɑ̃pẹʁẹ/
. Pour cette raison, les finnophones ont tendance à prononcer les /e/
fermés finaux de façon semi-ouverte et n’ont pas besoin de faire un effort particulier pour prononcer un /ᴇ/
final en syllabe ouverte. En fait, ils ont plus de difficultés pour prononcer des /e/
bien fermés là où ils sont nécessaires. Donc, au lieu de mémoriser toute sorte de graphies qui peuvent être prononcées /ᴇ/
, la seule chose à laquelle il faut penser, c’est de prononcer un /e/
bien fermé dans trois cas, quand le mot est terminé par :
Ces /e/
nettement fermés sont bien plus importants pour la qualité de la prononciation que les variations possibles /e/ɛ/
dans les autres cas (-et, -ect, -ès, -êt, -ais, -ait, -aid, -aie, -ai, voir ci-dessus) ; dans ces cas, on peut prononcer « paresseusement » un /e̜/
finnois (légèrement ouvert), on aura toujours raison !