Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones
En finnois il y a nettement moins de conjonctions de subordination exprimant la cause qu’en français. Plusieurs critères peuvent aider à trouver la conjonction appropriée :
Le premier tableau ci-dessous présente une liste des conjonctions causales en français et de leurs équivalents en finnois. Le deuxième tableau résume les critères permettant de choisir à partir du finnois la conjonction française adéquate selon les critères mentionnés ci-dessus.
parce que koska, siksi että, sen takia että | du fait que johtuen siitä, että |
comme kun | d’autant plus que varsinkin kun |
puisque kun, -han/hän | d’autant que varsinkin kun |
vu que kun (kerran) | surtout que varsinkin kun |
étant donné que kun (kerran) | du moment que kun |
attendu que kun | dès l’instant que kun |
sous prétexte que / de sillä verukkeella että |
Type | essentielle | explicative | ||
---|---|---|---|---|
Position | antéposée | postposée | antéposée | postposée |
koska | parce que | comme étant donné que | parce que (car) étant donné que vu que | |
siksi, että | - | parce que | - | parce que |
sen takia, että | - | parce que | parce que | |
kun | - | étant donné que puisque vu que | comme | puisque |
kun kerran | puisque | - | du moment que | puisque, vu que |
varsinkin kun | - | - | - | d’autant plus que surtout que |
johtuen siitä, että | du fait que, étant donné que | |||
sillä verukkeella, että | sous prétexte que / de | |||
ei sen puoleen, että | ce n’est pas que (non que) | - | ce n’est pas que (non que) | non que |
La conjonction parce que est l’une des conjonctions à sens causal les plus fréquentes et elle présente certaines caractéristiques particulières parmi les autres conjonctions causales. En général, parce que introduit une adverbiale postposée, qui peut être essentielle ou explicative. La différence entre les deux est marquée par l’intonation ou la ponctuation. La conjonction parce que est caractérisée par le fait que c’est la seule qui réponde directement à la question pourquoi ?
Nous avons pris un taxi parce que nous n’avions plus beaucoup de temps. ■ Ils n’ont pas pu visiter le musée, parce qu’il était fermé pour travaux. ■ Je ne rentrerai pas avant cinq heures, parce que j’ai une réunion. ■ Pourquoi tu n’aimes pas prendre l’avion ? – Parce que les aéroports sont si déprimants.
Dans le style familier, on peut utiliser parce que comme mot-phrase : Pourquoi tu ne veux pas venir ? – Parce que ! C’est la seule conjonction en français avec laquelle c’est possible, alors qu’en finnois on peut répondre à miksi? par le seul mot siksi ! mais aussi (bien que moins fréquemment) par koska ! En finnois, parce que a donc plusieurs équivalents : 1) sen takia että/ siksi että, 2) koska/kun, 3) siksi/koska (utilisé seul comme mot-phrase).
Le fait que la conjonction parce que soit la seule qui réponde directement à la question pourquoi ? se manifeste également dans le fait qu’on peut transformer l’ensemble principale + causale en phrase clivée pour focaliser la cause.
La conjonction comme introduit sans exception une adverbiale antéposée (qui est antéposée par rapport à la principale, elle n’est pas forcément en début de phrase). Dans cette position, la proposition introduite par comme pose un « cadre causal », mais qui n’est pas strictement nécessaire. Il s’agit donc d’une subordonnée explicative :
Comme nous n’avions pas beaucoup de temps, nous avons dû prendre un taxi. ■ Comme le courrier de la fac est bombardé de pourriel, j’utilise une autre messagerie pour mon courrier « sérieux ».
On peut retenir comme règle que quand en finnois kun / koska introduit une adverbiale antéposée, on le traduit presque toujours par comme. Mais parfois on peut aussi utiliser parce que pour introduire une adverbiale antéposée. Dans le français parlé, à la place de comme, on utilise aussi assez fréquemment vu que.
La conjonction puisque ressemble à comme ou parce que, mais a une nuance supplémentaire et elle s’utilise dans deux types de cas.
a) puisque + adverbiale postposée. Les adverbiales introduites par puisque sont le plus souvent postposées et de valeur explicative : elles apportent une explication, un commentaire supposé connu. Dans cette position, elles correspondent en finnois à koska + adverbiale postposée, ou, plus fréquemment dans le finnois parlé, à la particule -hAn :
Il ne viendra sans doute pas, puisque la RATP est en grève. ■ Je ne peux pas venir, puisque j’ai mon cours de conduite. En pääse tulemaan, minullahan on ajotunti. ■ Nous ne commentons pas cet exemple, puisqu’il a déjà été analysé.
b) puisque + adverbiale antéposée. En position antéposée, la proposition introduite par puisque expose un état de fait assez souvent considéré comme négatif (reproche, regret etc.). Dans ce cas, il correspond au finnois kun kerran :
Puisque vous montrez tant de mauvaise volonté, nous nous retirons du projet. ■ Puisque tu ne veux pas venir, j’irai tout seul. ■ Puisque c’est comme ça, je refuse de jouer.
Puisque c’est comme ça forme une sorte d’expression toute faite assez courante dans le français parlé, équivalente en finnois à no sitten ou no siinä tapauksessa.
La conjonction étant donné que s’utilise en général plutôt dans le code écrit et préférentiellement en position antéposée (mais on peut aussi l’utiliser après la principale). Pour le sens, elle équivaut à puisque mais est plus neutre : on pose la condition comme connue (étant donné que signifie « kun tiedetään se, että »), mais sans la valeur argumentative de puisque ; on ne peut pas la rendre par ‑hAn. Cette conjonction correspond plutôt à koska en finnois :
Étant donné que je n’ai pas d’argent, je ne peux pas m’acheter une nouvelle voiture. ■ Étant donné qu’un aller simple coute plus cher, j’ai pris un vol aller-retour.
Vu que est une variante légèrement plus familière de étant donné que, qui peut s’utiliser avec une adverbiale antéposée ou (plus souvent) avec une adverbiale postposée. Elle est très fréquente dans le français parlé à la place de puisque ou de comme, mais à éviter dans un texte de type écrit scientifique, où on lui préfèrera étant donné que :
Ce n’était pas la peine d’essayer de la convaincre, vu qu’elle avait de toute façon décidé de démissionner. ■ Pour continuer sur ce sujet, vu que ça vous intéresse : la plupart des concerts seront annulés. ■ Cette solution ne m’intéresse pas vraiment, vu qu’elle est 50% plus chère. ■ Vu qu’on avait plus beaucoup de temps, on a pas pu prendre le bus et on a dû venir en taxi.
La conjonction étant donné que a une variante, attendu que, en finnois koska, ottaen huomioon. Elle a le même sens, mais est utilisée essentiellement dans le style juridique, dans des contrats ou des traités (sopimus) etc, et elle sert souvent à énumérer des clauses juridiques. On appelle justement ces clauses « les attendus » (par exemple d’un jugement ou d’une décision administrative) :
Attendu que la crise sanitaire de la COVID-19 s’étend au-delà de l’année 2020 et que l’année 2021 commence avec des mesures de confinement plus restrictives encore qu’au plus fort de la
première vague;
Attendu que la région administrative de Montréal était encore, au début janvier, l’épicentre de la
crise au Québec et qu’elle fut l’une des premières à être en « zone rouge » etc. [il y a 17 attendus dans ce texte].
On trouve parfois attendu que utilisé aussi en dehors du style juridique :
Qu’envisage-t-on à cet égard du côté de la Commission, attendu que nous savons aussi qu’il y a de grandes différences entre une annonce de fermeture et la fermeture effective ?
La conjonction du fait que est couramment utilisée dans le code écrit et dans le français parlé pour indiquer une cause sans indication particulière, un vrai « fait ». Elle correspond pour le sens et l’emploi au finnois johtuen siitä, että. Étant donné que suppose que la chose est connue, alors que du fait que n’a pas cette nuance :
Du fait que l’été a été si pluvieux, les légumes n’ont pas bien poussé dans mon potager. ■ Est-ce que le sens du vers est plus important du fait qu’il se termine par une rime riche ? ■ Le symbole chimique du mercure, Hg, vient du mot latin hydrargyrum qui signifie « argent liquide », du fait qu’il s’agit du métal liquide à température ambiante le plus courant.
La conjonction du moment que se trouve à la limite entre la cause et la condition. Dans la plupart des cas, la différence de sens correspond à une différence de position.
a. Du moment que + adverbiale antéposée exprime une cause connue, à la façon de puisque ou étant donné que, et est assez proche du finnois kun kerran dans le sens de « kun tilanne on mikä se on » :
Du moment que c’est un spécialiste qui s’en occupe (= puisque c’est …), nous sommes tranquilles. ■ Du moment que (= puisque) tu n’es pas contre, nous irons en vacances en aout. ■ Bref, du moment que vous créez, ce forum est pour vous.
b. Du moment que + adverbiale postposée. Exactement comme le finnois kunhan, formé sur la conjonction causale kun, la conjonction causale du moment que est fréquemment employée en position postposée avec une valeur où se mélangent le souhait (valeur optative) et la condition. Le sens de la conjonction varie ou oscille (heiluu) entre celui de pourvu que et de à condition que :
Je te prête ma voiture, du moment que tu me la rends intacte. ■ Il peut faire comme il veut, du moment qu’il fait son travail comme il faut, c’est tout ce qui m’intéresse. ■ À l’instar des autres réserves, Giam Siak Kecil contient une zone centrale protégée, une zone tampon (dans laquelle les activités humaines sont permises du moment qu’elles sont compatibles avec les principes écologiques).
Cette conjonction présente une assertion (väittämä) que le locuteur estime plus ou moins véritable ou crédible, en finnois sillä verukkeella että, väittäen että. Elle est d’usage courant dans le code écrit et le français parlé.
On peut l’utiliser avec un verbe conjugué (sous prétexte que) ou un infinitif (sous prétexte de) en cas de coréférence du sujet :
La professeure avait inopinément annulé le cours sous prétexte qu’il y avait une grève des trains et qu’elle était bloquée en banlieue. ■ Sous prétexte de protéger les mineurs, on a laissé se développer une culture de l’impunité. ■ Les infrastructures routières ne doivent pas mettre en danger certaines catégories d’usagers sous prétexte d’améliorer la protection des autres.
Ces conjonctions sont faciles à interpréter, car elles correspondent au finnois varsinkin kun. La forme d’autant moins que est le contraire de d’autant plus que et se traduit en finnois varsinkaan kun + verbe négatif. Ces conjonctions introduisent systématiquement des adverbiales postposées. Il y a une légère différence de style entre les trois :
On n’aurait plus eu le temps d’acheter des billets pour le concert, d’autant plus que j’avais oublié mon téléphone ! ■ Nous aurions pu rentrer plus tard, d’autant que le temps s’était mis au beau. ■ Tu devrais te coucher plus tôt, surtout que demain tu as un devoir sur table. ■ Tous les chercheurs n’ont pas autant de patience, d’autant moins que, même après deux ans, les résultats ne sont que fragmentaires.
On peut aussi utiliser d’autant plus (ou moins) que comme adverbe ou déterminant combiné à une proposition adverbiale (essentielle) introduite par que :
La musique, c’est ma passion, et j’ai d’autant moins de scrupules que je fais des fichiers un usage strictement privé. ■ Les contribuables se font d’autant plus de soucis que le programme gouvernemental est très flou à ce sujet.
Ces propositions ressemblent à des consécutives, mais le sens est nettement causal, puisqu’on peut remplacer ces constructions par parce que :
La musique, c’est ma passion, et je n’ai vraiment pas scrupules, surtout parce que je fais des fichiers un usage strictement privé. ■ Les contribuables se font énormément de soucis, surtout parce que le programme gouvernemental est très flou à ce sujet.
Le groupe c’est que forme une sorte de locution adverbiale figée, qui s’utilise couramment aussi bien dans le français parlé que dans le code écrit. Elle a deux valeurs différentes.
En début de phrase, c’est que introduit une explication à ce qui vient d’être dit, dans le français parlé ou dans un style non soutenu. On peut dire que cette locution est pratiquement le synonyme dans la langue courante de l’adverbe en effet, qui est plutôt utilisée dans le code écrit. En finnois, elle a plusieurs équivalents possibles : näet, nimittäin, asia on niin että…, ou même la particule -hAn, si l’explication introduite par c’est que est considérée comme connue :
Ces derniers temps, je n’ai pas beaucoup écrit dans ce blog. C’est que j’avais un tas d’examens à la fac. ■ Finalement je n’ai pas participé au concours de violon. Et ne vais plus aux répétitions de l’orchestre. C’est que j’ai de moins en moins de temps et je n’ai pas eu le temps de me préparer. ■ Il faudra pas mal de temps pour faire la liste des invités. C’est que notre famille est grande. ■ Quoi ! C’est trop facile ? M’enfin ! C’est que ce n’est pas si facile que ça en réalité.
Dans le dernier exemple, c’est que est amené par m’enfin !, qui signifie « pas du tout ». On peut paraphraser le tout de la façon suivante :
C’est trop facile ? Ce n’est pas vrai. En effet, ce n’est pas si facile que ça en fait.
La locution c’est que sert aussi à introduire la réponse à une question portant sur la cause :
Pourquoi tant de mouvements des cœurs autour d’une simple mort ? C’est que, dans ce coin d’Afrique, on l’aimait tellement, la petite institutrice du village. ■ Rien de plus commun que ces premières impressions d’étudiant, pourquoi alors parler sans arrêt de ça ? C’est que la pandémie les a souvent réduites à zéro.
C’est que s’utilise aussi à la forme négative ce n’est pas que, qui est suivi du subjonctif (voir ci-dessous). Dans la production orale, cette locution est réalisée sous la forme /sepak/
, qui est une locution très utilisée dans le français parlé.
Combiné à une conditionnelle, c’est que est une variante de parce que dans une construction pseudo-clivée. Il ne faut pas confondre cet emploi de c’est que avec la construction pseudo-clivée ce que je sais, c’est que …, qui n’a pas de valeur explicative, et où le groupe c’est que est postposé à l’élément détaché. L’utilisation de c’est que apporte parfois une petite nuance de sens par rapport à parce que et le groupe c’est que introduit davantage une explication, qui équivaudrait en finnois à se johtuu siitä, että, mais cette valeur n’est pas toujours très nettement marquée. Comparer :
Si je ne t’ai pas répondu au téléphone, c’est parce que j’étais en train de tondre le gazon. [simple cause]. ■ Si je ne t’ai pas répondu au téléphone, c’est que j’étais en train de tondre le gazon. [explication]
Cette valeur peut se trouver renforcée en fonction du contexte. La phrase précédente :
Si je ne t’ai pas répondu au téléphone, c’est que j’étais dehors en train de tondre le gazon.
peut signifier aussi : « [Je n’ai pas répondu ?] La seule explication possible est que j’étais en train de tondre le gazon ». En finnois, elle peut se traduire de deux manières différentes :
Sen takia en vastannut puhelimeen, koska olin ulkona ajamassa nurmikkoa. ■ Enkö vastannut puhelimeen? Se johtuu varmaan siitä, että olin ulkona ajamassa nurmikkoa.
Autres exemples :
En fait si vous n’arrivez pas à vous expliquer, c’est que vous n’avez pas les idées très claires. ■ Si les employés de l’usine font grève, c’est qu’ils ont de bonnes raisons. ■ Si les Lausannois ont refusé la construction de ce pont, c’est qu’ils ont compris que c’était une fausse solution. ■ Si vous avez le sentiment de ne rien avoir à dire, c’est que vous n’avez pas assez lu. ■ Si vous ne disposez pas de la rubrique sécurité c’est que vous n’avez pas l’autorisation pour utiliser cette application. ■ S’il y a des jeunes qui dérapent, c’est qu’ils ont été mis de côté, marginalisés. ■ Si des enseignants ont besoin d’un diagnostic pour accepter quelqu’un qui est différent, c’est qu’ils n’ont pas la vocation.
L’élément thématisé sur lequel porte l’explication n’est pas forcément exprimé par une proposition introduite par si; il peut ressortir du contexte :
Mais les gens qui restent là sans rien dire, c’est qu’ils ont la conscience pas bien propre. ■ Tu choisis délibérément de ne pas répondre pour ne pas y accorder crédit, et c’est que tu n’as pas d’arguments.
Rem. Précédé de la conjonction mais, la locution c’est que peut aussi avoir une valeur exclamative.
La conjonction non que suivie du subjonctif nie une cause, en finnois ei se puoleen, että ou ei sen takia, että. Elle introduit toujours une adverbiale postposée à valeur explicative :
Cet élève a de très bons résultats, non qu’il soit particulièrement doué, mais il est très travailleur. ■ À cette époque, sa réputation d’économiste politique grandit, non qu’il ait acquis un grand renom comme professeur à Liège, mais en raison de son statut intellectuel. Tämä oppilas menestyy erittäin hyvin koulussa, ei niinkään koska hän on erityisen lahjakas vaan sen takia, että hän on hyvin ahkera.
On trouve assez fréquemment non que en tête de phrase (même en tête d’une proposition indépendante), mais la conjonction introduit bien une adverbiale postposée, qui est le commentaire d’une phrase précédente et est lié à celle-ci :
Cet examen a été pour lui l’occasion de se remettre au travail. Non qu’il puisse maintenant encore obtenir son diplôme, mais ça lui a remonté le moral.
Cette locution est la forme négative de la locution c’est que (ci-dessus) et l’équivalent dans la langue courante de non que :
Cet élève a de très bons résultats ; ce n’est pas qu’il soit particulièrement doué, mais il est très travailleur.
Dans le français parlé, on utilise fréquemment le groupe ce n’est pas que, réalisé oralement sous la forme /sepak/
, introduisant une adverbiale antéposée :
C[e n’]est pas que je m’ennuie, mais il faut absolument que je rentre. Ei sen puoleen että aika kävisi pitkäksi, mutta minun täytyy ehdottomasti mennä kotiin. ■ C’est pas que ce soit cher, mais je l’achète quand même pas. Ei se nyt kallista ole, mutta en silti osta sitä.
La conjonction répétée soit que … soit que … introduit deux causes possibles et se trouve le plus souvent en position d’adverbiale antéposée :
Soit qu’il ait eu un empêchement, soit qu’il ait oublié, Georges n’est pas venu à la réunion.
Bien que d’après les grammaires le mode exigé dans la subordonnée introduite par soit que soit le subjonctif, on trouve fréquemment l’indicatif, et la proposition est dans ce cas en position postposée :
Nous nous réservons le droit de refuser toute série envoyée : soit que ce ne sont visiblement pas des photos amateur, soit que nous savons très bien qu’elles proviennent d’autres sites, soit que le nombre de photos jointes est inférieur à 20. ■ Les conférences de presse organisées dans la précipitation laissent, dans l’opinion publique, un sentiment amer : soit que le ministre se reproche quelque chose, au fond de lui-même ; soit qu’il veut protéger certains de ses collaborateurs ; soit que son service de communication – s’il existe – est défaillant.
Il existe plusieurs prépositions qui, suivies d’un infinitif, peuvent exprimer la cause. Comme toujours dans le cas des infinitives, le sujet logique de l’infinitif doit être le même que celui du verbe de la principale (coréférence du sujet).
Cette utilisation de pour est relativement fréquente. Il faut savoir interpréter le sens correctement, puisque, suivi de l’infinitif passé, pour exprime la cause, alors que suivi de l’infinitif présent, il exprime le but :
Pour avoir attendu trop longtemps, nous n’avons plus pu réserver de maison pour les vacances. ■ Il a eu une amende pour ne pas avoir bouclé sa ceinture de sécurité. ■ Pour ne pas avoir été vidées [infinitif passé passif négatif] depuis deux mois, les poubelles commençaient à sentir terriblement mauvais. ■ Pour être arrivés en retard à la cérémonie, nous n’avons pas pu entendre le nom des lauréats.
L’équivalent en finnois de ces infinitifs serait (à la forme affirmative) une construction participiale: odotettuamme liian pitkään ou (affirmatif ou négatif) une proposition introduite par koska, kun etc.
La conjonction faute de suivie d’un infinitif introduit une cause négative : faute d’obéir = parce qu’il n’obéit pas, et faute d’avoir obéi = parce qu’il n’ a pas obéi.
Faute d’avoir déposé son dossier de bourse à temps, il n’a pas pu aller étudier en France. ■ Faute d’avoir essayé toi-même, tu ne peux pas savoir quelles sensations procure le saut à l’élastique. ■ De nombreux jeunes adultes affirment rester à la maison faute de trouver du travail et un logement.
Bon à savoir pour les étunants de français langue étrangère : l’expression contient donc toujours une négation non exprimée : faute d’avoir déposé son dossier de bourse à temps équivaut à pour ne pas avoir déposé son dossier de bourse à temps ou parce qu’il n’a pas déposé son dossier de bourse à temps.. Cette nuance n’est pas toujours bien perçue par les usagers de la langue. Il faut en effet éviter d’utiliser un infinitif à la forme négative, qui « annulerait » l’effet de la négation : *faute de ne pas avoir déposé de dossier signifierait « parce qu’il a déposé un dossier » (alors qu’il n’aurait pas dû le faire). Le sens exact de la construction faute de + infinitif échappe ainsi à de nombreux francophones. Exemples d’occurrences de la suite *faute de ne pas avoir relevés sur internet :
Un jeune adolescent est mort la semaine dernière *faute de ne pas avoir reçu l’organe qui aurait pu lui sauver la vie. [forme correcte : faute d’avoir reçu] ■ Il s’agit de biens qui, pour une partie n’apparaissaient pas dans les bilans précédents, *faute de ne pas avoir tenu compte dans l’évaluation de l’actif de la dépréciation de la monnaie. [Extrait d’un traité de droit commercial. Forme correcte : faute d’avoir tenu compte. De plus, cette formulation ne respecte pas la règle de la coréférence du sujet : le sujet logique serait biens, qui ne peut pas être le sujet de ne pas avoir tenu compte.]
On a également relevé (le Figaro 3.4.2021) l’exemple suivant, où la préposition faute de est interprétée à contresens :
Faute de Covid-19, des spectateurs assistent au Chemin de Croix derrière les barrières de la place Saint-Pierre.
qui signifierait « Covid-19:n puuttuessa »... La forme correcte serait Par la faute du Covid 19... (Covid-19:n takia).
L’expression à force de indique une cause qui se répète, et introduit préférentiellement une adverbiale antéposée:
À force de skier tous les jours sur le lac, elle était très bronzée. ■ À force de réviser les verbes, tu finiras bien par les apprendre. ■ À force de lui expliquer, nous avons réussi à le convaincre.
La conjonction à force de implique une idée de répétition, d’exagération, d’insistance. Elle signifie en général qu’on a fait quelque chose très ou trop souvent, très ou trop fort, très ou trop longtemps etc. :
À force de crier à cause du bruit ambiant, il ne pouvait presque plus parler. ■ À force de frotter la table, tu as fini par la rayer. ■ À force d’appuyer, il a cassé la vitre. ■ À force de regarder l’écran, j’ai les yeux qui me brulent.
Toutes ces phrases expriment un résultat dû à une action répétée :
à force de crier à cause du bruit ambiant = parce qu’il avait crié fort ■ à force de frotter la table = parce que tu as frotté trop fort ■ à force d’appuyer = parce qu’il a appuyé trop fort ■ à force de regarder l’écran = parce que j’ai regardé l’écran (très/ trop) longtemps.
Pour cette raison, on n’utilise en général pas d’adverbe intensif du type trop / très, car une telle manière de dire serait tautologique: *à force de crier trop longtemps, *à force d’appuyer trop fort etc. En revanche, on pourrait dire à force d’appuyer si fort…
Le fait que la conjonction parce que soit la seule qui réponde directement à la question pourquoi ? se manifeste également dans le fait qu’on peut transformer l’ensemble principale + causale en phrase clivée pour focaliser la cause. On focalise la subordonnée causale en la détachant en tête de phrase avec c’est parce que, et la principale est alors introduite par la conjonction que (sur le modèle de c’est à cause de ça que je suis parti) :
C’est parce que vous n’avez pas lu les instructions comme il faut que vous avez donné tant de réponses fausses. ■ C’est parce que tu appuies trop fort que la peinture s’étale irrégulièrement. ■ C’est justement parce que c’est un sujet d’une grande importance qu’il devait être traité en conséquence. ■ C’est parce que nous voulons une France sociale et solidaire que nous voulons une Europe puissante, démocratique, sociale et solidaire. ■ C’est parce que la propriété existe qu’il y a des guerres, des émeutes et des injustices. ■ C’est parce que la vitesse de la lumière est plus rapide que celle du son que tant de gens paraissent brillants tant qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’ouvrir la bouche.
La cause introduite par parce que se prête aussi à la transformation pseudo-clivée. Cette transformation se fait par un procédé particulier. On conserve l’ordre habituel principale + causale, mais la principale est thématisée sous forme de proposition conditionnelle introduite par si, et la causale est focalisée par c’est, sur le modèle suivant :
A (principale) parce que B (subordonnée causale) →
Si A (principale), c’est parce que B (subordonnée causale)
Il ne faut donc pas interpréter la conjonction si avec une valeur véritablement conditionnelle, elle sert simplement à poser une condition préalable, un état de fait qui amène l’explication donnée. On pourrait la paraphraser par « si c’est un fait que » (en finnois joskin). Ces constructions sont fréquentes dans le code écrit comme dans le français parlé. Le verbe c’est peut être modifié par des adverbes comme justement, précisément etc., qui renforcent la focalisation :
Si vous ne pouvez pas visionner la vidéo, c’est parce que Javascript n’est pas activé sur votre navigateur. ■ S’il y a une bulle spéculative, c’est parce que nous avons complaisamment soufflé dedans. ■ Si nous n’avons pas pu livrer votre commande, c’est précisément parce que l’adresse était incomplète. ■ Si je suis à Pampelune en ce moment, c’est justement parce que j’ai reçu une bourse du ministère français des Affaires étrangères pour suivre la San Fermin de cette année. ■ Si je travaille autant c’est parce que j’éprouve plus de plaisir à terminer une tâche qu’à m’en débarrasser, parce qu’il me faudrait déployer davantage d’efforts pour refuser certaines collaborations que pour les assurer.
Cette construction pseudo-clivée a une variante construite avec c’est que.
En finnois, on utilise rarement ce genre de construction, car jos s’interprète prioritairement avec une valeur conditionnelle. La phrase suivante :
Si je ne suis pas venu, c’est parce que j’avais vraiment trop de travail.
se traduira nettement plus naturellement ainsi :
Sen takia en tullut, koska minulla oli todella liikaa töitä. Et non pas : (?) Jos en tullut, se on sen takia, että minulla oli todella liikaa töitä.
Comme il est expliqué ci-dessus, on peut retenir comme règle que quand en finnois kun / koska introduit une adverbiale antéposée, il correspond en français presque toujours à comme. Mais on peut aussi utiliser parce que pour introduire une adverbiale antéposée. Comparer :
1. Parce qu’il y avait beaucoup de neige, nous avons pu faire du ski jusqu’en mai.
Koska oli paljon lunta, saatoimme lasketella toukokuuhun asti. ou :
Syy minkä takia saatoimme hiihtää toukokuulle asti, on se, että oli paljon lunta.
2. Comme il y avait beaucoup de neige, nous avons pu faire du ski jusqu’en mai.
Kun oli paljon lunta, saatoimme lasketella toukokuuhun asti.
Avec parce que, on donne l’explication unique : qu’est-ce qui nous a permis de faire du ski en mai ? Le fait qu’il y ait eu tellement de neige. Avec comme, on pose une situation : « il y avait beaucoup de neige » et on en indique la conséquence : nous avons pu faire du ski jusqu’en mai. On peut donc dire que comme introduit une consécutive « à l’envers » (en quelque sorte « l’inverse » de donc), ce qu’on peut schématiser de la façon suivante en comparant parce que et comme :
A < B A nous avons skié parce que B il y avait de la neige.
B > A B il y avait de la neige, donc A nous avons pu skier. → comme il y avait de la neige, nous avons pu skier.
Cette différence ressort aussi en finnois ([parce que + adverbiale antéposée] = koska, [comme + adverbiale antéposée] = kun), mais elle n’est pas aussi nette qu’en français.
La cause peut aussi très fréquemment s’exprimer à l’aide d’une subordonnée adverbiale participiale. Le principe général est le même en français et en finnois, sauf qu’en français, le participe peut également se mettre à la forme négative, ce qui n’est pas possible en finnois. En général, une participiale à valeur essentielle est antéposée, la participiale à valeur explicative est postposée :
Ayant obtenu d’excellentes notes au bac, elle a été admise sans problème à l’université. ■ Le temps étant trop mauvais, le match de football a été reporté. ■ Les pistes étaient en excellent état, la neige étant tombée en abondance. ■ Étant trop paresseux pour t’écrire, je te téléphone. ■ N’ayant pas supporté d’être critiqué devant tous ses collègues, l’employé a fait une dépression nerveuse. ■ Nous avons dû rebrousser chemin, le sentier ayant été rendu impraticable par des éboulements de rochers. ■ Elle retira sa candidature, ayant considéré qu’elle n’avait aucune chance face aux autres postulants.
La ponctuation est souvent un moyen simple et élégant d’exprimer la cause, notamment avec le deux-points. Ce deux-points est la transcription à l’écrit d’une intonation explicative à l’oral : on fait une pause et on poursuit la phrase un ton plus bas :
Je n’ai pas pu faire de ski : j’ai oublié mes chaussures. ■ Le voyage a été annulé : il n’y avait pas assez de participants. ■ Elle était très bronzée : elle skiait tous les jours sur le lac.
Les prépositions exprimant la cause sont relativement nombreuses : à cause de exprime en général une cause considérée comme négative (paresse, accident, retard etc.). À l’oral, c’est cependant la préposition la plus fréquente, sans valeur forcément négative. À l’écrit, quand on veut exprimer une cause positive, on utilise grâce à. Les conjonctions du fait de / en raison de sont de nuance « neutre » et s’utilisent essentiellement à l’écrit. En cas de grève des trains, le voyageur resté bloqué à la gare dira ainsi à cause de la grève, tandis que la SNCF écrira sur un avis en raison de la grève :
À cause de la grève, je suis arrivé en retard. ■ En raison de la grève, les trains ne circuleront pas entre 20 h et 23 h. ■ Du fait de ses antécédents judiciaires, il n’a pas bénéficié du sursis. ■ Philippe à remporté ce rallye sans grand suspense du fait de l’abandon de Simon Jean-Joseph dans l’ES12.
Les prépositions pour, sous prétexte de, pour cause de ont ceci de particulier qu’elles sont suivies de l’article zéro :
Le restaurant est fermé pour rénovation. ■ Il a été condamné pour usage de faux. ■ Sous prétexte de maladie, il n’a pas encore terminé son livre. ■ L’usine est fermée pour cause d’incendie. ■ Le bus passe par un autre chemin pour cause de travaux.
à cause de | takia (valeur négative) |
en raison de, du fait de | johdosta (valeur neutre) |
grâce à | ansiosta (valeur positive) |
pour (+ article zéro) | johdosta, tähden |
pour cause de (+ article zéro) | johdosta, tähden |
ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 57. Adverbiales causales. Dernière mise à jour : 1.6.2022
Mises à jour après le 15.8.2022