Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones
Il y a de nombreux cas en français où on n’utilise pas d’article devant le nom. On désigne alors cet article absent du nom d’« article zéro ». Cette absence d’article est aussi une forme d’article, exactement comme en finnois l’absence de désinence (sijapääte) est la marque du cas nominatiivi (nominatif). L’article zéro peut être commandé par le sens du nom, la structure de la phrase etc.
Les formes de l’article indéfini commençant par d‑ (du, de la, des, de) et qui « disparaissent » à cause de la règle d’effacement ne sont pas des articles zéro : ils sont à la forme « latente », et réapparaissentt dès qu’on met le nom au singulier ou si on utilise une autre préposition :
Elle cherche des livres. [verbe avec CVD pluriel, article indéfini pluriel des]
Elle cherche un livre. [verbe avec CVD singulier, article indéfini singulier un]
Elle a besoin de livres. [verbe avec CVP, de préposition, article pluriel des effacé]
Elle a besoin d’un livre. [verbe avec CVP singulier, article indéfini un non effacé]
Dans un tel cas, quand il y un article zéro, donc pas d’article, cet article ne peut évidemment pas réapparaitre :
Elle aime Mozart. [Mozart est un nom propre sans article, avec « article zéro »]
Elle étudie Mozart. [Mozart est un nom propre sans article, avec « article zéro »]
l’étude de Mozart [de préposition, pas d’effacement, car il n’y a pas d’article qui peut être « effacé »]
Du point de vue de l’étudiant de français langue étrangère, on peut classer les cas d’emploi de l’article zéro en deux catégories :
Une grande partie des noms propres est sans article (il y a cependant d’assez nombreuses exceptions). Rappel : les noms propres sont invariables et ne prennent donc pas d’s au pluriel.
En général, les noms de famille et les prénoms sont sans article :
Pierre, Isabelle, Antoine, Sylvain, Mozart, Aalto, Yourcenar etc.
L’article est cependant couramment utilisé quand le nom propre est modifié par un adjectif :
Si tu avais vu la tête du [de+le] pauvre Thomas, tu aurais eu pitié de lui.
On utilise aussi l’article quand le nom propre est au pluriel. Le nom propre lui-même reste cependant invariable :
les Riegel, les Robert, les Strauss père et fils ■ Bonne fête à toutes les Séverine !
On utilise également un article défini devant les noms propres dans les cas suivants :
a) dans un usage populaire un peu vieilli :
Je vais me promener avec la Babette.
b) dans la langue courante, souvent avec une valeur affective ou ironique, qu’on exprime également en finnois avec le déterminant se :
La Judith, elle a rien compris à cette histoire. ■ Eh ben dis donc, le Dupont il était pas content.
c) certains noms d’artistes italiens ont un article : Le Titien, Le Tintoret, Le Caravage etc. Anciennement, on disait aussi Le Dante, la forme moderne est cependant Dante, sans article.
La plupart des noms de ville sont sans article : Paris, Florence, Londres, Copenhague etc. Certains ont un article défini, qui se contracte avec la préposition à et de :
La Baule, La Rochelle, Le Conquet ■ Le Cap (Kapkaupunki), Le Caire (Kairo), La Nouvelle-Orléans ■ Ils habitent au Havre depuis vingt ans, avant ils habitaient au Touquet. ■ L’équipe de rugby devrait rentrer du Cap ce weekend.
Les noms de pays et de régions prennent un article (le Pérou, la Finlande, Le Limousin, la Carélie etc.). La plupart des noms d’iles sont sans article :
Cuba, Hawaii, Antigua, Jersey, Madagascar, Porto Rico, Sainte-Hélène, Majorque (Mallorca), Minorque (Menorca), Bali
Beaucoup ont cependant un article. Il n’y a pas vraiment de règle permettant de décider de façon certaine si un nom d’ile prend un article ou non, le plus simple est d’apprendre les noms les plus fréquents par cœur, c’est une question de vocabulaire plus que de grammaire :
la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, Le Cap-Vert , le Spitzberg (Huippuvuoret), la Barbade, la Jamaïque, Le Groenland
Parmi les noms de pays, sont sans article : Andorre, Djibouti, Israël, Monaco, Oman.
Québec et Luxembourg : ces deux noms géographiques peuvent désigner à la fois le pays, le Luxembourg ou la province, le Québec, et leur capitale. Mais le nom de la capitale est sans article, Luxembourg et Québec :
Nous passerons nos vacances au Québec en juin-juillet. Nous irons d’abord à Québec, puis nous resterons dans les environs de Tadoussac. ■ J’ai passé un an au Luxembourg, mais je n’ai pas habité à Luxembourg même, j’étais à Esch.
Certains noms de fêtes (notamment Noël et Pâques) sont généralement sans article, mais peuvent prendre un article dans certains cas :
Noël, Pâques : à Pâques, avant Noël ■ Je vous souhaite un joyeux Noël.
L’article est supprimé après certaines prépositions. L’absence d’article correspond souvent à un sens particulier de la préposition, qui résulte de la survivance de constructions anciennes :
à (certaines significations) :
à pied, à cheval, à moto, à skis (voir aussi les prépositions)
avec (valeur d’adverbe) :
avec lenteur, avec dégout, avec attention, avec facilité. ■ avec confiance, avec joie, avec plaisir, avec grand plaisir
en :
en été, en hiver, en automne ; en verre, en or ■ Le petit village s’est transformé en centre touristique.
en début de, en fin de etc. :
en début de matinée, en fin de journée, en milieu de semaine, en fin d’année
entre (kesken, keskuudessa) :
entre amis, entre voisins, entre gens du même âge
par, avec également une valeur causale ou temporelle :
par jalousie, par imprudence, par inadvertance epähuomiossa ■ par hasard ; par défaut oletuksena ; par tribord tyyrpuurissa, par babord paapuurissa, par ordre alphabétique, par tranche d’âge ikäluokittain ■ par temps de pluie, par vent fort, par grand vent kovalla tuulella ■ par beau temps [adjectif et nom forment un ensemble figé], par temps de neige ; voir aussi les prépositions
sans (l’article indéfini comptable tombe en général, le massif tombe toujours) :
sans argent, sans preuve sérieuse, sans raison, sans défaut ■ le chevalier sans peur et sans reproche ritari peloton ja nuhteeton
sur, avec une valeur causale ou conditionnelle :
sur ordonnance lääkärin määräyksestä, sur demande pyynnöstä, sur commande tilauksesta, sur rendez-vous sopimuksesta ■ sur ordre du colonel everstin käskystä, sur requête du juge tuomarin pyynnöstä
On utilise l’article zéro après des prépositions exprimant la cause ou la condition ; ces prépositions introduisent généralement des noms à valeur verbale (mais d’autres noms sont possibles également) :
sous prétexte de :
Sous prétexte de maladie [= il prétend qu’il était malade], il n’est pas venu à la fête.
pour, pour cause de :
Le restaurant est fermé pour rénovation. ■ Il a été condamné pour usage de faux. ■ L’usine est fermée pour cause d’incendie [= parce qu’il y a eu un incendie]. ■ Le bus passe par un autre chemin pour cause de travaux [= parce qu’il y a des travaux].
en cas de :
en cas de pluie [= s’il pleut], en cas de maladie [= si on est malade / si vous êtes malade]
sauf :
sauf évènement imprévu [= sauf s’il arrive quelque chose d’imprévu] ellei tapahdu jotakin odottamatonta ■ sauf avis contraire ellei toisin ilmoiteta ■ sauf erreur de calcul [= sauf si on s’est trompé dans les calculs] ■ sauf contrindication [= sauf si le médicament est contrindiqué] ellei toisin määrätä ■ Sauf chute lors de la dernière descente, le maillot jaune ne peut plus lui échapper. ■ sauf annulation
sous réserve de :
sous réserve de changements muutokset mahdollisia [”muutoksien varauksella”] ■ sous réserve d’annulation peruutukset mahdollisia
L’utilisation d’un article reste cependant toujours possible dans beaucoup des cas mentionnés ci-dessus. Exemples (comparer avec les exemples sans articles dans le même paragraphe) :
sans une preuve vraiment sérieuse ilman todella pätevää todistetta, sans la preuve que c’est lui qui l’a fait ■ avec une grande attention suurella mielenkiinnolla, avec toute l’attention nécessaire kaikella tarvittavalla huomiolla ■ par un hasard extraordinaire, par le plus grand des hasards ■ par un temps absolument exécrable aivan surkean sään vallitessa ■ par une belle journée de printemps ■ Le village s’est transformé en un centre touristique très fréquenté.
Certaines expressions mentionnées ci-dessus forment un groupe figé avec l’adjectif, et leur forme de base est sans article ; cependant l’article devient possible quand on modifie le groupe par un élément quelconque. Comparer :
par beau temps, par grand vent, par vent fort, avec plaisir
par un beau temps inespéré, par un fort très fort, avec un très grand plaisir
Cependant la préposition en ne peut jamais être suivie des formes d’article le ni les (les autres formes d’article sont possibles). Devant le et les, il faut alors utiliser d’autres prépositions. C’est pour cette raison que la locution verbale avoir confiance en (finnois luottaa) a une variante faire confiance à, ce qui permet d’utiliser les articles le et les :
Il a confiance en la justice / en ses amis / en sa bonne étoile. ■ Il fait confiance aux experts. Hän luottaa tuomareihin. [et non : il a confiance *en les experts] ■ Tu fais trop confiance aux dictionnaires en ligne.
Rem. La préposition en peut être suivie des pronoms le ou les par exemple dans un gérondif : en le disant, en les examinant.
On n’utilise pas d’article après ou d’équivalence (dans le sens du finnois eli). Dans cet emploi, l’absence d’article signifie que le terme qui suit ou n’est qu’un autre nom, une autre appellation, du nom qui précède. Il s’agit donc d’un emploi autonymique :
La Perse ou Iran ■ l’alouette ou mauviette kiuru eli leivonen ■ le loup ou bar meriahven ■ la marène ou vendace muikku
Avec l’article, ou signifie « tai » :
les fraises ou les framboises mansikat tai vadelmat
Remarque : quand il y un article zéro marquant cette valeur d’équivalence de ou, le nom sans article qui suit ou ne peut pas être développé par un adjectif ou une proposition relative, sauf si l’adjectif et le nom forment un mot composé (une seule notion) :
le faucon crècerelle ou émouchet rouge tuulihaukka ■ le grand rorqual ou rorqual commun sillivalas
Quand ni est répété après un premier ni, l’article indéfini tombe (n’est pas utilisé) devant le complément de verbe direct (CVD) d’une phrase négative ; si ni est employé après une première négation contenant l’adverbe pas, on maintient l’article :
Elle ne boit ni vin ni bière. vs.
Elle ne boit pas de vin, ni de bière ni de cidre. (de : forme de l’article indéfini massif devant CVD de verbe négati).
Nous n’acceptons ni chèque, ni virement postal, ni mandat. ■ Il n’avait plus ni père ni mère. ■ Ni fleurs ni couronnes [mention figurant souvent sur les faireparts de décès]
L’article défini ne disparait pas :
Pour des raisons d’hygiène et de sécurité, nous n’acceptons ni les retours ni les échanges de boucles d’oreilles.
L’article indéfini se maintient si la négation est partielle :
Je n’ai acheté ni une perceuse ni une ponceuse. En ostanut porakonetta enkä hiomakonetta. [vaan toisen laitteen.] ■ Il n’a bu ni du vin ni de la bière ni du cidre mais autre chose.
Remarque : ceci ne concerne que le cas ou le groupe nominal est en fonction de complément de verbe direct (CVD). Quand le groupe nominal est attribut du sujet, il n’y a pas de transformation de l’article dans la phrase négative :
Ce n’est ni de l’or ni de l’argent, c’est du platine. ■ Cette boisson n’est ni de la bière ni de la limonade ni du cidre, c’est de l’hydromel. ■ Ce n’est ni une perceuse ni une scie, c’est une meuleuse. Se ei ole porakone eikä saha vaan kulmahiomakone.
Les conjonctions comme ou en tant que ainsi que la préposition en qualité de sont suivies de l’article zéro quand le nom qu’elles introduisent indique une fonction ou une qualité (ce qui est exprimé en finnois par le translatiivi en -ksi ou l’essiivi en -nA) :
Il est ici comme représentant du ministre, mais je le connais comme collègue. ■ comme traducteur, il gagne encore moins que comme journaliste. ■ La recherche traditionnelle a négligé le rôle des manuels scolaires comme outil d’apprentissage. ■ Premier discours de Van der Leyen en tant que Présidente de la Commission. ■ De nombreux pays ont formé le vœu de rejoindre l’Alliance en tant que membres à part entière. ■ Jean Starobinski a été reçu en qualité de membre d’honneur par l’Académie suisse des sciences médicales.
Après en tant que et en qualité de, on ne peut employer aucune autre forme d’article que l’article zéro. En revanche, après le mot comme, on peut utiliser un article défini ou indéfini, mais dans ce cas comme est interprété quasi automatiquement comme une conjonction de comparaison (kuten) :
?Il est ici comme le représentant du ministre. Hän on tullut, kuten myös ministerin edustaja. ■ ?Je le connais comme un collègue. Tunnen hänet kuten kollega voi tuntea jonkun.
Après le verbe considérer comme, on utilise habituellement un article (défini ou indéfini), mais à la place d’un article indéfini massif ou pluriel, on trouve parfois l’article zéro :
Ainsi, la frontière entre ce qui est considéré comme littérature et ce qui ne l’est pas n’est pas toujours très nette. = Ainsi, la frontière entre ce qui est considéré comme de la littérature et ce qui ne l’est pas n’est pas toujours très nette.
Il existe un certain nombre de verbes de la langue courante se construisant avec la préposition de après lesquels on ne peut pas employer d’article : se tromper de, changer de, servir de :
se tromper de chemin mennä väärää tietä, se tromper de jour erehtyä päivästä
changer de voiture vaihtaa autoa, changer de domicile vaihtaa asuinpaikkaa
Le mot de sert à la fois de préposition, d’article et de conjonction.
On peut cependant dire se tromper d’un jour. Dans ce cas, le mot un a valeur de déterminant numéral et non d’article : erehtyä yhdestä päivästä. Exemple avec un autre nom :
En estimant notre heure d’arrivée, je me suis trompée seulement d’une minute.
En revanche, il est impossible d’ajouter quelque article que ce soit devant un groupe nominal complément des verbes changer de ou servir de dans les constructions présentées ci-dessus (changer et servir peuvent aussi se construire autrement, et dans ce cas on peut utiliser un article, par exemple changer un texte, servir le dessert etc.).
D’autres verbes sont en général utilisés sans article, mais on peut aussi utiliser l’article défini devant le groupe nominal complément du verbe. Il s’agit des verbes accuser de et soupçonner de :
accuser de meurtre syyttää murhasta, accuser d’hypocrisie syyttää tekopyhyydestä ■ Il a été accusé de meurtre. / Il a été accusé du meurtre de son voisin. ■ soupçonner de vol epäillä varkaudesta, soupçonner de trahison epäillä maanpetoksesta ■ On le soupçonne de détournement de fonds. ■ Il est soupçonné du braquage de la banque.
On utilise l’article zéro dans des constructions formées avec le verbe il y a, qui expriment l’idée que quelque chose s’est produit ou se produit. Cette tournure est assez fréquente dans la langue courante, mais aussi dans le discours scientifique, didactique ou technique :
Il y a foule dans ce magasin. Tässä kaupassa on tungosta. ■ Est-ce qu’il y a moyen de changer ? Onko mitenkään mahdollista vaihtaa? [légèrement familier] ■ Il y a erreur. On tapahtunut erehdys. ■ Il y a confusion. On tapahtunut sekaannus. ■ Il y a urgence ! Asialla on erittäin kiire! ■ Il y a chute du e muet. Mykkä e heittyy. ■ Dans ce cas-là, il y a occlusion. Silloin tapahtuu okkluusio. ■ Dans vingt- deux, il y a nasalisation de t devant d. Sanassa vingt-deux t nasaalisoituu d:n edellä. ■ Quand un neutron heurte un noyau, il y a explosion. Kun neutroni törmää ytimeen, tapahtuu räjähdys. ■ Quand il y a focalisation, le pronom il à référent animé prend la forme lui. Jos elolliseen viittaavaa pronominia il korostetaan, se on muodossa lui.
Cette forme avec article zéro se rencontre fréquemment dans des constructions conditionnelles avec inversion du complément de verbe direct (cvd) sous la forme si cvd il y a. Dans cette construction, le groupe nominal correspond à la forme nominale d’un verbe, et elle permet notamment d’effacer l’agent de l’action :
Si rachat il y a, il y aura de toute façon des licenciements. (= Si quelqu’un rachète l’entreprise, il y aura des licenciements). ■ C’est bien un des objectifs poursuivis, mais si amélioration il y a, celle-ci ne se manifestera qu’à long terme. ■ À leur retour, si retour il y a, les enfants pourront refuser de revoir celui qui les a abandonnés. ■ Si division il y a, le champ de l’image est en général partagé en deux parties juxtaposées.
Cette tournure s’utilise aussi comme un commentaire après une phrase, pour marquer une restriction ou un doute (jos nyt edes, jos … ylipäätään, edellyttäen että…) :
Ce sera l’occasion de voir la progression, si progression il y a !… ■ Ils ont dû bien fêter l’évènement avant de monter sur scène… même avant de préparer le spectacle (si préparation il y a eu…).
On trouve une variante de cette construction dans laquelle le verbe il y a est remplacé par est : si besoin est, qui signifie « si c’est nécessaire ». Malgré sa forme archaïque, cette construction est relativement courante à l’écrit. On la trouve aussi fréquemment avec le verbe à l’imparfait, qui signifie alors « si cela était nécessaire/ si cela avait était nécessaire » :
L’exploitant procède à une estimation et, si besoin est, à un mesurage du niveau d’exposition sonore quotidienne. ■ Ce rapport démontre à nouveau, si besoin était, l’importance d’une analyse socioéconomique approfondie.
L’article zéro s’utilise dans de nombreuses expressions idiomatiques verbales ou autres. Ces formes sont en général des constructions figées qui sont la survivance d’un stade de la langue française où l’utilisation de l’article n’était pas encore définitivement fixée.
– après certains verbes :
avoir : avoir besoin de, avoir confiance en, avoir envie de, avoir faim, avoir honte, avoir peur, avoir raison, avoir pitié de, avoir tort ■ avoir affaire à olla tekemisissä kanssa, avoir conscience de olla tietoinen, avoir cours vallita, olla voimassa, avoir droit à olla oikeutettu jhk, avoir tendance à, avoir peine à faire qch olla vaikeuksia tehdä et de nombreux autres
faire : faire attention, faire cavalier seul sooloilla, faire peur, faire plaisir, faire défaut puuttua, faire pitié olla säälittävä, faire don de qch lahjoittaa ■ faire état de kertoa jstak, faire cas de väittää, faire grand cas de pitää suuressa arvossa ; faire eau vuotaa, faire erreur erehtyä, faire face (à) kohdata, faire faillite mennä konkurssiin, faire fonction de toimia jnak, faire halte pitää tauko, faire illusion hämätä, faire irruption tunkeutua, faire (la) grève, faire part de ilmoittaa, faire partie de olla osana jtak, kuulua jhk, faire vœu de luvata, faire rage raivota, faire place à antaa sijaa
être : être source de, être partie prenante
verbes divers : chercher fortune, crier grâce huutaa armoa, demander pardon, livrer bataille käydä taistelua, perdre connaissance mennä tajuttomaksi, perdre haleine hengästyä, porter plainte nostaa kanne, porter bonheur, rebrousser chemin palata, se rendre compte, tenir parole pitää sanansa, prendre forme muotoutua, chercher querelle haastaa riitaa, prendre part à osallistua, tenir lieu de käydä (jstak), prendre parti valita, prêter main-forte à auttaa, tenir tête à vastustaa, prendre place asettua, prendre congé hyvästellä, erota, porter secours à auttaa, parler français, refaire surface, reprendre souffle, retrouver vie, tirer profit de qch hyötyä jstak
– dans certaines locutions :
aller pieds nus, de pied en cap kiireestä kantapäähän, périr corps et biens upota miehineen päivineen, se consacrer à quelque chose corps et âme antautua jollekin täysin, il y a anguille sous roche siinä on koira haudattuna
Certaines des expressions mentionnées ci-dessus peuvent parfois recevoir un déterminant ou un adjectif :
Il a eu une peur bleue. ■ J’ai eu la peur de ma vie. ■ J’ai une faim de loup. ■ Elle a une fâcheuse tendance à arriver toujours en retard.
Dans la majorité des cas, comme ces expressions sont figées, elles ne peuvent pas être modifiées par un adjectif ou un déterminant sans qu’elles deviennent agrammaticales ou étranges (ou qu’elles prennent un sens différent). Cependant, dans certains cas, on peut y ajouter un élément. La possibilité d’ajouter ou non un élément dans des locutions verbales figées est plus une question de vocabulaire que de grammaire : il n’y a pas de règles permettant de décider si la locution peut être défigée. Certaines locutions sont vraiment figées et ne peuvent être modifiées d’aucune manière, d’autres peuvent être modifiées, mais seulement de telle ou telle manière. En règle générale, il est impossible d’ajouter seulement un article défini ou indéfini, il faut ajouter aussi par exemple un adjectif ou un adverbe.
Dans la liste d’expressions ci-dessous, les constructions présentées comme « impossibles » peuvent éventuellement être utilisées, mais avec une autre signification (cette signification est parfois mentionnée, mais pas systématiquement). La mention « impossible » indique simplement que quand l’expression est utilisée avec l’article mentionné, elle n’a pas le même sens qu’avec un article zéro (donc sans article) . On peut dire par exemple faire une partie de qch, mais cette expression signifie « jouer une partie [ottelu] d’un jeu » :
faire une partie d’échecs, faire une partie de badminton
mais pas :
Ce livre *fait une partie importante de cette série. Kirja on tärkeä osa siitä sarjasta.
[erreur fréquente chez les finnophones]
Forme correcte pour traduire Kirja on tärkeä osa siitä sarjasta :
Ce livre constitue une partie importante de cette série. ou
Ce livre est une partie importante de cette série.
Dans le doute, il vaut donc mieux regarder dans un dictionnaire, ou chercher des occurrences ou exemples dans des textes (Internet), ou bien utiliser une expression ou une construction différentes.
Dans les cas exposés dans cette partie, l’utilisation de l’article zéro dépend du sens. On a le choix entre l’article zéro et d’autres articles, selon les cas. C’est le cas des groupes N de N (nom de nom), comme le chef d’État / le chef de l’État, qui sont parfois des noms composés.
Dans un groupe N de N, le deuxième terme de N peut servir à restreindre (rajata) le champ sémantique du nom pour le définir de façon plus précise : sac désigne un sac en général, sac de dame un type de sac particulier, sac à dos un autre type de sac particulier etc. Dans ce cas-là, le groupe forme ce qu’on appelle un nom composé, où les deux éléments sont nécessaires pour décrire l’objet de pensée envisagé. En général, le deuxième terme (de N) est avec un article zéro. Ces noms composés sont très nombreux et se forment avec diverses prépositions :
une salle de bain kylpyhuone, une route de campagne paikallistie, une carte de visite käyntikortti, un chef de gare asemapäällikkö, une salle de classe luokkahuone, un chemin de table kaitaliina, un ticket de métro metrolippu, un verre à eau vesilasi, une brosse à dents hammasharja, un couteau à pain leipäveitsi, une table de cuisine keittiönpöytä, un sac à dos reppu, un livre d’histoire historiankirja, un déodorant pour homme miesten deodorantti, une lampe de bureau pöytälamppu, un verre à pied jalallinen lasi, un sac de plage rantakassi, une queue de cheval poninhäntä, la gravure sur bois puupiirros, la littérature pour enfants lastenkirjallisuus
La majorité des noms composés donnés en exemple ci-dessus forment une entité impossible à décomposer et on ne peut pas utiliser d’article devant le deuxième terme (de N, à N etc.), comme ?une carte de la visite,?un livre d’une histoire, *la brosse aux dents etc. Mais, en fonction du sens des mots qui les composent, on peut dans certains cas utiliser les deux noms avec un article, et dans ce cas le groupe N de N n’est plus un nom composé :
une table de cuisine ruokailupöytä / la table de la cuisine keittiön pöytä
une lampe de bureau lukulamppu / la lampe du bureau työhuoneen lamppu
une chaise de jardin puutarhatuoli / une chaise du jardin eräs tuoli puutarhasta
Le choix entre article défini/indéfini et article zéro joue un rôle particulièrement important dans les groupes comprenant un nom suivi d’un complément introduit par une préposition, le plus souvent la préposition de (par exemple un sac de dame, un chef d’État etc.). L’utilisation de l’article zéro devant le deuxième terme (introduit par de) transforme le nom (ou le groupe nominal) en un élément relationnel permettant de préciser le sens du premier terme (par exemple quelle en est la fonction, la forme, la nature etc.). Comparer :
un sac de dame naistenlaukku, de dame indique la fonction (un sac qu’utilisent les dames) ;
le sac de dame : même mot (naistenlaukku), mais il s’agit d’un sac de dame défini par un contexte ;
le sac d’une dame erään rouvan laukku : le sac peut être n’importe quel type de sac (pas forcément un sac de dame), une dame désigne une certaine dame dont on ne connait pas ou on ne précise pas le nom ;
le sac de la dame rouvan laukku : désigne le sac (de n’importe quel type) d’une dame définie.
Dans le groupe nominal le sac d’une dame, l’article indéfini du deuxième terme (le groupe de N) suffit à exprimer l’indéfinition. Il est inutile de dire un sac d’une dame : cela signifierait que la dame est inconnue, mais qu’on sait malgré cela qu’elle a plusieurs sacs. Dans ce cas-là, on dirait plutôt :
C’est un sac d’une dame que je connais.
Dans les groupes N de N, on marque ainsi très rarement deux fois l’indéfinition *un N de un N. On dira donc de préférence le sac d’une dame (le sac avec article défini, car il est défini par son appartenance à la dame, qui reste indéfinie). On obtient le même type de variation avec chef d’État :
un chef d’État valtionpäämies
d’État indique la fonction (une personne qui est à la tête d’un État quelconque) ;
le chef d’État
même mot valtionpäämies, mais il s’agit d’un chef d’État défini par un contexte ;
le chef d’un État erään valtion päämies
l’État n’est pas défini ;
le chef de l’État valtion päämies
l’État est défini ; en Finlande, ce groupe nominal désignerait le président de la République.
Les articles dans les groupes N de N ne peuvent cependant pas toujours varier de la même manière. Ainsi, le groupe un chef d’un État est très étrange, parce qu’un État (ou toute autre entité) n’a en général qu’un seul chef (c’est là précisément le sens de chef).
Au pluriel, l’utilisation de deux indéfinis serait nettement plus naturelle (puisque si un possesseur possède un objet, plusieurs possesseurs possèdent au total plusieurs objets). Le pluriel apporterait éventuellement des nuances supplémentaires :
(1a) Le carton contenait des sacs de dame.
(2a) Sur les bancs se trouvaient des sacs de dames qui étaient allées danser. [de dames = pluriel de d’une dame, règle d’effacement]
(3a) Des chefs d’État se sont rendus au sommet pour discuter de la crise financière.
(4a) Ce sommet a accueilli des chefs d’États ayant connu une croissance record.
Comparer avec le singulier :
(1b) Le carton contenait un sac de dame.
(2b) Sur le banc se trouvait le sac d’une dame qui était allée danser.
(3b) Un chef d’État s’est rendu au sommet pour discuter de la crise financière.
(4b) Ce sommet a accueilli le chef d’un État ayant connu une croissance record.
Dans les phrases 1a/1b et 3a/3b, on utilise l’article indéfini (pluriel ou singulier) devant le groupe de N. En revanche, dans les phrases 2a et 4a, on utilise un article indéfini pluriel, mais dans les phrases correspondantes avec groupe nominal au singulier 4b/4b, on utilise l’article défini, car il n’y a plus qu’un seul complément du nom possible.
Remarque : dans la phrase 3a, le pluriel du mot composé chefs d’État s’écrit avec État au singulier, comme on l’attend logiquement : les chefs ne sont chacun à la tête que d’un seul État. Mais cette règle semble ignorée d’un grand nombre d’usagers de la langue, on trouve sur Internet de très nombreuses occurrences de la forme les/des chefs d’États avec un s à État. En revanche, on pourrait écrire des chefs d’États pétroliers, car ce groupe se décompose comme chef + États pétroliers. Il s’agit de personnes (chef) à la tête d’États producteurs de pétrole (en finnois öljytuottajamaiden päämiehiä).
Pour d’autres exemples, voir l’étude de cas coucher de soleil et qualité de lecteur ci-dessous.
Pour le mot lastenkirjallisuus, on trouve aussi la variante la littérature d’enfants. De même, il existe le terme film pour enfants. L’utilisation de l’article peut jouer un rôle non négligeable : aikuisille tarkoitettu kirjallisuus, dans un contexte où on l’oppose à la littérature pour enfants, se dit plutôt la littérature pour les adultes. En effet, avec article zéro, le mot composé littérature pour adultes a tendance à évoquer la littérature érotique. Le mot film pour adultes désigne en pratique un film érotique, sauf si le contexte permet de comprendre qu’on l’oppose à film pour enfants, mais même dans ce cas, le terme film pour adultes a une connotation assez forte, et il faudrait dire plutôt un film pour les adultes. On voit donc que le choix de l’article dépend aussi du « contenu sémantique » du nom.
Dans de nombreux cas, l’étudiant de français langue étrangère est donc obligé non seulement de comprendre les mécanismes de l’opposition défini/ indéfini/ zéro, mais aussi de connaitre certaines subtilités du vocabulaire (et donc, de la culture cible).
Devant un nom en fonction d’attribut du sujet (predikatiivi) indiquant une profession, il n’y a normalement pas d’article. Ceci s’explique par le fait que quand le nom est employé pour désigner une profession, il est assimilable à un adjectif, et, donc, utilisé sans article :
Aline est architecte. Ses parents étaient agriculteurs. ■ M. Boutefeu est traducteur. Son père est dentiste. ■ Notre voisin est directeur de banque. ■ Quand elle était petite, elle rêvait de devenir actrice, mais elle a fini professeure de français.
Toutes ces phrases répondent à la question « quelle est la profession de X ? » :
Quelle est la profession de ses parents ? Ils sont agriculteurs.
Quelle est la profession de notre voisin ? Il est ramoneur (nuohooja).
On emploie le nom de profession comme adjectif (et sans article) uniquement si le nom est utilisé sans complément. Si on le détermine ou on le complète avec un élément particulier (un possessif, un adjectif, une proposition relative etc.), il faut utiliser un article :
Qui est Pierre ? — Pierre est un architecte renommé.
Comment connais-tu son père ? — Son père est le dentiste de notre famille.
En effet, dans ce cas-là, on ne répond plus à la question « quelle est la profession de X ? » (architecte célèbre n’est pas une profession, le dentiste de notre famille non plus), mais à la question « qui est X ? ». Autrement dit, on veut définir l’identité de la personne, et dans ce cas on on utilise en général la construction c’est…. Si on demande au sujet d’un inconnu Qui est-ce que c’est ?, il est logique qu’on ne réponde pas il est professeur, mais c’est un professeur, parce qu’on n’a pas demandé quelle est sa profession ? ou qu’est-ce qu’il fait dans la vie ?, mais qui était cette personne.
Quand le nom de profession est placé en position détachée en prolepse, il reste sans article. C’est ainsi que s’explique l’absence d’article après de dans les phrases suivantes :
Il était boxeur, maintenant il est devenu chanteur. → De boxeur, il est devenu chanteur. Hän vaihtoi nyrkkeilijästä laulajaksi. ■ Il était footballeur amateur, et il est passé [siirtynyt] professionnel en 2019. → De footballeur amateur, il est passé professionnel en 2019. Hän siirtyi ammattipelaajaksi v. 2019.
Avec un adjectif, ce serait le même modèle :
Il était déjà impertinent, mais maintenant il est devenu franchement malpoli. → D’impertinent, il est devenu franchement malpoli. Hänen nenäkkyytensä on muuttunut suorastaan töykeydeksi. ■ L’opération est déjà généralement difficile, mais dans ce cas elle devient impossible. → De difficile, l’opération devient dans ce cas impossible. Leikkaus ei ole silloin pelkästään vaikea vaan suorastaan mahdoton.
Le nom en fonction d’apposition a souvent un article zéro (il y a beaucoup d’exceptions et l’emploi de l’article avec l’apposition est assez compliqué) :
M. Guérin, directeur de la cave coopérative, nous a fait visiter la cave. ■ Giono, écrivain peu connu en Finlande, est l’un des plus grands écrivains français du XXe siècle. ■ Nous avons mangé du mämmi, plat traditionnel de Pâques.
On considère aussi comme apposition un nom qui développe un mot après de ; dans ce cas, on n’utilise jamais d’article :
le mot de poisson sana ”kala” ■ le terme de « nom » substantiivi-sana [mot à mot « sana ”substantiivi” »] ■ la profession de médecin lääkärin ammatti [mot à mot lääkäri -ammatti] ■ la ville de Paris ■ la République de Finlande Suomen tasavalta [mot à mot Suomi-tasavalta] ■ le mois de février helmikuu [mot à mot helmikuu-kuukausi] ■ Le qualificatif de « professionnel » [määritelmä ”ammattilainen”] ne convient pas à ce jeune joueur. ■ Le terme de pronom est impropre pour désigner le mot cette. ■ Microsoft a déposé un brevet qui redéfinit le concept de clavier virtuel. ■ Le concept de communication n’est pas facile à définir.
La préposition de joue ici, et dans d’autres cas, le rôle d’un marqueur d’équivalence ou d’une conjonction (voir aussi la définition de konjunktio en finnois), qui peut remplacer une complétive ou une construction relative :
le fait de parler ↔ le fait que tu parles
Il n’est pas inutile de relire. ↔ Il n’est pas inutile que vous relisiez.
Ils ont décidé de partir. ↔ Ils ont décidé qu’ils partiraient.
Ce petit plaisantin de Christian m’a fait une farce. ↔ Christian, qui est un petit plaisantin, m’a fait une farce.
Ces constructions reposent donc sémantiquement sur la structure suivante :
le mot de nom = le mot qui est un nom
la profession de médecin = la profession qui est « médecin »
le mois de février = le mois qui est février
le terme de pronom = le terme qu’on appelle « pronom » etc.
On retrouve la même valeur appositive dans des constructions N de N où le premier N exprime une évaluation. Ces constructions peuvent être paraphrasées par une relative avec attribut du sujet :
ce paresseux de Jean = Jean, qui est un paresseux
cette merveille d’invention = cette invention, qui est une merveille
Cet emploi est fréquent dans le français parlé (notamment avec un déterminant démonstratif), mais s’utilise aussi dans d’autres contextes et d’autres déterminants :
cette crème de Bernard [Bernard est une crème todella mukava tyyppi] ■ cette saleté de bidule [ce bidule est une saleté] ■ Cet abruti de contrôleur [ce contrôleur, qui est un abruti] n’a pas voulu me croire. ■ J’ai essayé de faire démarrer cette saloperie de tondeuse, mais sans résultat [cette tondeuse, qui est une saloperie] ■ Aurons-nous un jour une suite à cette merveille de dessin animé ? [à ce dessin animé, qui est une merveille] ■ Asus a dévoilé aujourd’hui son monstre d’ordinateur, principalement dédié au jeu [son ordinateur, qui est un monstre].
Quand on commente, cite, explique, traduit ou paraphrase un mot par un autre, le mot n’est pas déterminé par un article ni un autre déterminant. Il est autonyme, autrement il se désigne lui-même comme objet lexical ; il est à l’état de concept. Pour souligner cette valeur de concept du nom, on le met fréquemment entre guillemets ou en italiques, mais ce n’est pas systématique, car l’article zéro à lui seul suffit pour montrer que le nom a cette valeur particulière :
Ne mettez pas de a dans exemple. ■ En français, agression s’écrit avec un seul g, en finnois aggressio avec deux g. ■ En français, exercice s’écrit avec un c, en anglais avec un s. ■ Il ne faut pas confondre magasin et magazine. Ei saa sekoittaa sanoja magasin [kauppa] ja magazine [aikakauslehti]. ■ Muikku se dit en français « marène » ou « vendace ». ■ Le finnois karamelli se traduit bonbon et non pas caramel. ■ En France, le mot haute école signifie « kouluratsastus » et pas du tout « korkeakoulu ». ■ En Belgique, haute école signifie « korkeakoulu ». ■ La dénomination d’un concept est dite « terme ». Käsitteen nimitystä sanotaan termiksi. ■ La description d’un concept au moyen de mots est dite « définition ». Käsitteen kielellinen kuvaus on määritelmä. ■ Aulx est le pluriel peu usité de ail. ■ Modèle est masculin, analyse est féminin.
Tout élément grammatical peut être employé de façon autonymique et se comporte alors comme un nom :
Eusse est l’imparfait du subjonctif d’avoir.
Remarque : le mot employé de façon autonymique est sans genre grammatical, et formellement il s’accorde au masculin singulier :
Spéciale est singulier, spéciaux est pluriel. ■ Forêt est féminin, mais foret est masculin.
Dans le code écrit, on omet souvent l’article dans des énumérations :
Financiers, urbanistes, économistes, juristes et autres chercheurs s’occupent de ce problème. ■ En Finlande, le président de la République — et lui seul — a le privilège d’accorder titres et décorations. Arvonimien ja kunniamerkkien myöntäminen on tasavallan presidentin yksinoikeus. ■ L’édifice porte la marque du néoclassicisme : surfaces lisses et uniformes, fenêtres à motifs hautes et étroites.
Dans le code écrit, la suppression de l’article permet d’utiliser des noms représentés massivement dans un sens générique comme sujet du verbe (a), ce qui est en général impossible ou au moins bizarre (b) ; dans la langue courante, la phrase (b) devient plus naturelle si on utilise une construction disloquée (c) :
(a) Huile, vinaigre, sel et poivre sont les ingrédients nécessaires pour faire une vinaigrette.
(b) ?? De l’huile, du vinaigre, du sel et du poivre sont les ingrédients nécessaires pour faire une vinaigrette.
(c) De l’huile, du vinaigre, du sel et du poivre, c’est tout ce qu’il faut pour faire une vinaigrette.
L’emploi ou la suppression de l’article dans ces cas demande un certain sens de la langue, car il existe de nombreuses contraintes (longueur de l’énumération, type de verbe, type de texte etc.). Dans la langue courante, on met plutôt l’article (défini ou indéfini selon les cas) et l’étudiant de français langue étrangère a intérêt à utiliser plutôt un article. En revanche, l’article zéro est parfaitement normal dans une liste de produits ou d’objets. Dans ce cas-là, les noms de la liste sont comme des appositions au « contenu » de la liste, et dans ce cas, si on utilisait un article, ce serait l’article indéfini (comptable ou massif) :
Pour l’excursion, n’oubliez pas d’emporter les objets suivants : couteau, gourde, lampe de poche, bottes, allumettes. ■ Composition : farine de seigle, levure, eau, sel. ■ Dans notre analyse, nous examinerons plusieurs types de mots : (des) adverbes, (des) conjonctions, (des) prépositions.
Le groupe nominal (GN) est utilisé avec un article zéro après divers verbes qui expliquent le sens de ce GN en question. Celui-ci a donc une valeur autonymique (voir ci-dessus). Dans ce cas aussi, on met fréquemment le GN entre guillemets ou en italiques, mais ce n’est pas systématique.
Ces verbes correspondent au finnois kutsua ou sanoa suivi d’un translatiivi (forme en ‑ksi). Le verbe est construit sur le modèle appeler + complément de verbe direct + attribut du complément :
On appelle ce phénomène « parallaxe de mouvement ». ■ On nomme ce cycle « cycle de Méton ».
L’article zéro signifie que la structure peut se paraphraser ainsi :
Pour désigner ce phénomène, on utilise le terme technique « parallaxe de mouvement ». ■ Pour désigner ce cycle astronomique, on utilise le terme technique « cycle de Méton ».
Autrement dit, le nom qui est attribut du complément est présenté comme une entrée de dictionnaire (sanakirjan hakusana), une définition « technique » typique d’un domaine de spécialité. Autres exemples :
On appelle déterminant le mot qui figure en tête du groupe nominal. ■ On appelle « ascendance thermique » une ascendance résultant des mouvements de convection thermique de l’atmosphère. ■ On appelle amas ouverts les groupes d’étoiles, essentiellement présents dans le disque de notre Galaxie, et dans celui d’autres galaxies spirales.
Plus fréquemment, l’attribut du complément du verbe appeler ou nommer est présenté simplement comme un mot qu’on utilise pour nommer quelque chose (sans donner à ce terme un caractère technique de définition de dictionnaire). On utilise alors un article indéfini ou défini :
Les planeurs flottent sur des courants ascendants que l’on appelle des ascendances thermiques. ■ Les astronomes ont mis en évidence des groupements que l’on appelle des amas de galaxies. ■ Il conviendra d’essayer de nouvelles méthodes de diffusion de ce que l’on appelle les « bonnes pratiques ». ■ Les formes actuelles de mal-être qu’on appelle les maladies de civilisation correspondent donc aux conditions physiques et psychosociales de notre société.
Ces deux verbes peuvent s’utiliser avec le sens de « signifier ». Le groupe prépositionnel introduit par le mot par est assez souvent en tête de phrase, notamment dans le cas d’entendre par :
Par littérature pour enfants, on désigne la littérature destinée aux enfants et écrite pour les enfants. ■ Par « pronom », on entend communément tout mot qui en « remplace » un autre. ■ On entend par matériel vinaire ce qui touche au mout et au vin et par logements vinaires, toute cuve ou tout récipient contenant le mout ou le vin. ■ Par expressions culturelles, on entend les différentes manifestations de la créativité des individus et des groupes sociaux. ■ À l’origine, on désignait par « suite » une série d’airs de danse écrits dans la même tonalité. ■ Nous entendons par tourisme durable le tourisme qui rend compatible le développement de cette activité économique avec le respect et la préservation des ressources naturelles. ■ Quelle inspiration, philosophique et ironique, a pu saisir les médecins pour qu’ils désignent par « patient », au XIVe siècle, celles et ceux qu’ils examinaient ?
Le verbe entendre par peut s’utiliser dans le sens de « signifier », dans une tournure courante où il est complété par l’adverbe là, qui sert d’allomorphe du pronom ça :
Qu’entendez-vous par là ? Mitä te tarkoitatte sillä ? ■ J’aimerais bien qu’on m’explique ce que les politiciens entendent par là. Kuulisin mielelläni, mitä poliitikot tarkoittavat sillä.
Dans cet emploi, l’utilisation du groupe par là est quasiment obligatoire, car sans ce groupe, le verbe entendre signifie soit « kuulla » soit « edellyttää ». Comparer :
J’entends que nous aurions dû faire preuve de plus détermination.
Kuulen kerrottavan, että meidän olisi pitänyt osoittaa enemmän päättäväisyyttä.
J’entends par là que nous aurions dû faire preuve de plus détermination.
Tarkoitan, että meidän olisi pitänyt osoittaa enemmän päättäväisyyttä.
J’entends que nous fassions preuve de plus détermination. Vaadin, että osoitamme enemmän päättäväisyyttä.
J’entends par là que nous ferons preuve de plus détermination. Tarkoitan, että tulemme osoittamaan enemmän päättäväisyyttä.
On peut cependant utiliser un article après par quand le verbe entendre par signifie « représenter », « être quelque chose » :
Vous comprenez ce que les sociologues entendaient par la rupture. [= ce qu’est la rupture selon les sociologues] ■ À l’occasion d’une exposition, une dame a demandé à Picasso ce qu’il entendait par la peinture. [= ce qu’était pour lui la peinture]
Dans la construction tarkoittaa jollakin termillä (« vouloir dire par tel ou tel terme »), on utilise le verbe entendre par suivi du nom sans article et entre guillemets. Exemples :
Par « développement durable », nous entendons l’évolution qui… ■ On entend généralement par « langue parlée » une forme particulière… ■ Dans ce qui suit, nous entendrons par « apprentissage » la conception constructiviste évoquée ci-dessus.
Il peut être plus simple de dire :
On donne généralement au terme langue parlée le sens de « variante… »… ou
On définit généralement la langue parlée comme une variante….
Mais même dans ce cas, il faut faire attention à l’article zéro. De même, en finnois on peut utiliser tarkoittaa pour dire tekijä tarkoittaa (tarkoittanee)… En français on dit dans ce cas :
L’auteur entend (sans doute) que…
L’auteur entend par là que…
Ce verbe peut s’utiliser également pour énoncer une définition d’un phénomène quelconque. En finnois, on utilise également le verbe puhua dans ce sens (la construction on peut parler de… peut se paraphraser en finnois silloin käytetään termiä…) :
On peut parler de maigreur lorsque l’indice de masse corporelle est aux alentours de 10/12. ■ On parle de retard de développement lorsqu’un enfant franchit toutes les phases de développement, mais à un âge plus avancé que prévu.
Les titres de journaux, d’œuvres artistiques (films, pièce de musique etc.), d’ouvrages écrits, de parties d’ouvrages etc., sont souvent des expressions nominales, sans verbe. Le choix de l’article y joue un rôle important. On peut utiliser l’article zéro ou un autre article. Le sens du groupe nominal change alors parfois nettement.
Le choix de l’article dans les titres ou les noms de parties d’ouvrages, entre autres les articles scientifiques ou mémoires scientifiques, pose souvent des problèmes aux étudiants qui rédigent par exemple leurs travaux de recherche.
On n’utilise pas d’article quand le groupe nominal décrit un contenu, un concept, notamment dans les cas suivants :
a. quand on dit que quelque chose s’est produit :
nombreux accidents sur la route ce weekend [= Il y a eu de nombreux accidents.] ■ Découverte d’un vaccin contre le rhume [= On a découvert un vaccin.] ■ Élection d’un nouveau président de la République [= On a élu un nouveau président.] ■ Nouveaux rebondissements dans l’affaire des fausses factures [= Il y a eu de nouveaux rebondissements.]
b. quand on dit d’un livre, d’un film, d’un chapitre de livre, d’un paragraphe de texte etc., ce qu’il contient, ce que c’est :
Livre blanc sur la politique sociale ■ Rapport annuel ■ Présentation de la situation économique ■ Proposition de directive ■ Méthode de trompette ■ Sonate pour piano ■ Mémoire de master ■ Thèse de doctorat ■ Grammaire du français ■ Livre d’exercices ■ Avant-propos ■ Introduction ■ Remarques préliminaires ■ exemples ■ Bibliographie ■ Annexe
On utilise l’article défini dans les titres quand on parle de quelque chose, quand on commente, quand on explique etc. L’article défini indique que le contenu sémantique du titre peut être identifié de façon univoque, par des repères très variés :
Le nouveau vaccin contre le rhume [La découverte du vaccin est connue ; on explique maintenant en quoi elle consiste, comment elle a été faite etc.] ■ L’élection d’un nouveau président de la République [On explique comment l’élection se fait, quelle est son importance etc.] ■ Le mémoire de master [comme titre de livre signifierait qu’on va expliquer comment faire un mémoire de master] ■ La grammaire du français [On va présenter la grammaire du français, ses caractéristiques etc., et non pas donner des règles.] ■ L’introduction [On va expliquer comment faire une introduction.] ■ La bibliographie [On va expliquer comment rédiger une bibliographie.]
Les nuances sont donc importantes ! Attention dans les travaux écrits (mémoires, articles, thèses etc.) ! Règle de base : sans article on annonce ce qu’on va faire ; avec l’article défini on annonce de quoi on va parler. Exemples :
Introduction = Seuraavassa tulee johdanto / Nyt esitän johdannon tms.
L’introduction = Miten johdanto laaditaan tai on laadittu kautta aikojen tms.
Mémoire de master = Tämä teos on maisterintutkielma.
Le mémoire de master = Miten maisterintutkielma laaditaan
Comme dans le cas précédent, dans les menus, panonceaux, panneaux routiers etc., le groupe nominal est l’expression du pur contenu sémantique du nom, sans précision sur le contexte d’emploi. On n’utilise donc pas d’article :
Menu touristique ■ Entrée ■ Lotte à l’armoricaine ■ Plat du jour ■ Fromages ■ Soufflé au fromage ■ Dessert ■ Parking ■ Produits fermiers ■ Spécialités régionales ■ Danger – Chute de pierres ■ Sortie de secours ■ Déviation ■ Travaux
On trouve cependant des menus fantaisie dans lesquels les plats sont désignés par des métaphores, avec un article défini :
Le prince de l’océan [= saumon] ■ Le régal des escargots [= salade verte] ■ Le roi du Brésil [= café] etc.
L’article défini signifie que le contenu de la métaphore est identifiable par référence implicite à un cadre de connaissances communes concernant la structure des repas (à la française) en général. Là encore, l’interprétation de l’article par l’étudiant de français langue étrangère nécessite des connaissances culturelles.
Certains mots ne sont ordinairement pas représentés sous une forme indéfinie. On ne peut alors pas utiliser toutes les combinaisons d’article possibles. C’est le cas par exemple avec coucher de soleil :
a. Un coucher de soleil : forme neutre, coucher de soleil est un mot composé, un concept (auringonlasku dans le sens de iltarusko) :
Ce soir il y avait un magnifique coucher de soleil. (Un sert à caractériser le coucher de soleil, avec l’adjectif magnifique.)
b. Le coucher de soleil : forme définie du précédent ; le peut s’interpréter de deux façons. Dans la phrase (a) ci-dessous, l’article défini le renvoie au contexte (le coucher de soleil qu’il y avait ce soir), alors que dans la phrase (b), l’article défini le (qui se trouve contracté dans du = de + le) est une référence au coucher de soleil, c’est-à-dire le coucher de soleil qui d’après notre expérience du monde se produit tous les jours :
(a) Le coucher de soleil était magnifique ce soir.
(b) La couleur du coucher de soleil permet parfois de prédire le temps.
c. Le coucher du soleil : dans la phrase (c), le mot soleil est avec article défini (du = de + le) puisqu’il n’y a qu’un seul soleil dans notre cadre de référence commun. Ce soleil ne se couche qu’une fois par jour, l’article défini le devant coucher est la marque de cette unicité. Il n’y a pas d’autres couchers du soleil possibles :
(c) Au coucher du soleil, tout le monde s’est rassemblé pour la fête.
En revanche, sur la Terre au moins, on ne peut pas dire le coucher d’un soleil, car il n’y a qu’un seul soleil qui brille pour la Terre. Sur une planète se trouvant dans un système d’étoiles double ou triple, ce ne serait pas impossible.
La construction qualité de + GN est un autre exemple qui montre que le sens des noms peut avoir des effets sur les possibilités de choix de l’article, ou que le choix de l’article peut indiquer une valeur particulière du nom. Cette variété est fondamentalement due à la polysémie du mot qualité. Comparer :
a. les qualités de lecteur (de qqn) signifie les qualités d’une personne dans l’art de la lecture. Exemple :
Les qualités de lecteur de Jean sont incontestables. = Les qualités que montre Jean dans la lecture (d’un texte à haute voix, par exemple) sont incontestables.
On pourrait donc dire ses qualités de lecteur. En finnois, la manière la plus explicite de rendre la phrase ci-dessus serait de dire Jean on erinomainen lukija (plutôt que : Jeanin lukija-ansiot ovat kiistämättömät).
b. Le groupe nominal les qualités du lecteur désigne les qualités ominaisuudet (propriétés), mais aussi ansiot (mérites) de la personne qui lit, qui ne sont pas forcément ses qualités comme lecteur (il peut s’agir de sa beauté, de sa générosité etc.). Ainsi, on pourrait imaginer la phrase :
Nul ne contestera les qualités du lecteur de ce texte [sous-entendu, par exemple : les qualités scientifiques].
c. la qualité du lecteur : peut être le singulier du précédent (lukijan ansio), ou peut signifier la qualité de la personne qui lit dans son travail de lecture (lukijan osaaminen, lukijan taito lukijana).
d. la qualité de lecteur : peut être le singulier du cas a. ci-dessus, mais peut aussi signifier lukijan ominaisuus, lukijana olo (le fait d’être un lecteur, l’état de lecteur, sens particulier de qualité).
On voit donc que le sens de ces groupes dépend non seulement du choix de l’article, mais aussi du sens du nom Il est clair que pour les finnophones (ou d’autres étudiants français langue étrangère dans la langue maternelle desquels il n’y a pas d’article), le choix de l’article dans ces cas (et dans d’autres) pose des difficultés considérables.
ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 19. L’article zéro. Dernière mise à jour : 8.8.2022
Mises à jour après le 15.8.2022