Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones
Les phrases clivées sont un procédé de focalisation très utilisé dans le français parlé, mais on les utilise aussi dans le code écrit. L’étudiant de français qui veut comprendre le français parlé doit savoir reconnaitre et interpréter les phrases clivées, et aussi apprendre à les utiliser. Elles sont aussi utiles et parfois même indispensables dans l’expression écrite, par exemple dans des constructions avec un superlatif.
En finnois, on peut parfois utiliser des phrases clivées, mais elles sont beaucoup moins fréquentes qu’en français. Le finnois préfère utiliser l’ordre des mots pour obtenir l’effet de focalisation correspondant.
La phrase clivée est une phrase dans laquelle on découpe la phrase indépendante originale en deux éléments (cliver peut se traduire en finnois « halkaista, lohkoa ») fortement liés l’un à l’autre :
On peut en principe focaliser de cette façon pratiquement tous les éléments de la phrase (il y a quelques limitations, voir ci-dessous) :
Ma sœur a acheté une maison en Vendée.
C’est ma sœur qui a acheté une maison en Vendée.
C’est une maison que ma sœur a achetée en Vendée.
C’est en Vendée que ma sœur a acheté une maison.
Une phrase négative ou interrogative peut aussi être transformée en phrase clivée :
Jean-Claude n’a pas écrit. → Ce n’est pas Jean-Claude qui a écrit. ■ Vous avez été à Nantes ? → Est-ce à Nantes que vous avez été ? / Est-ce que c’est à Nantes que vous avez été ?
Si l’élément focalisé est le sujet du verbe de la phrase, on utilise c’est … qui (pronom relatif sujet). Si l’élément focalisé est un pronom personnel, il est à la forme pleine (voir ci-dessous des exemples avec pronom). Le verbe de la relative s’accorde en genre, nombre et personne avec l’antécédent du pronom qui :
Michel vient en avril. → C’est Michel qui vient en avril. ■ Je lui ai annoncé la nouvelle. → C’est moi qui lui ai annoncé la nouvelle. Minä sen ilmoitin hänelle. ■ Des amis m’ont ramené chez moi. → Ce sont des amis qui m’ont ramené chez moi. Minut saattoi kotiin eräs ystävä. ■ Cette amie est partie. → C’est cette amie qui est partie. Juuri se ystävä on lähtenyt.
Dans TOUS les autres cas, quand l’élément focalisé est un complément de verbe direct (CVD), un complément de verbe prépositionnel (CVP), un complément de phrase, un complément du nom ou un complément d’adjectif, un attribut, un complément d’agent, ou même un adverbe de temps, de lieu etc., on utilise la construction c’est+ élément extrait + que.
Il a vu ce film.→ C’est lui qui a vu ce film.
Cette découverte allait révolutionner la physique moderne.→ C’est cette découverte qui allait révolutionner la physique moderne.
Les meilleurs partent toujours les premiers.→ Ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers.
J’ai donné ce livre à mon fils.→ C’est à mon fils que j’ai donné ce livre.
Il a vu ce film.→ C’est ce film qu’il a vu.
Nous avons passé nos vacances là.→ C’est là que nous avons passé nos vacances. Siellä juuri vietimme lomamme.
François m’a parlé de ce film.→ C’est de ce film que François m’a parlé. Juuri siitä elokuvasta hän kertoi minulle.
J’ai pris ma décision ce jour-là.→ C’est ce jour-là que j ’ai pris ma décision. Sinä päivänä tein päätökseni.
Cet ami m’a annoncé la nouvelle hier.→ C’est hier que cet ami m’a annoncé la nouvelle. Se ystävä kertoi uutisen minulle eilen.
Julie est vexée de ta réponse.→ C’est de ta réponse que Julie est vexée. Sinun vastauksestasi Julie on loukkaantunut.
Ces réformes se feront progressivement. → C’est progressivement que ces réformes se feront. Ne uudistukset tulevat tapahtumaan progressiivisesti.
Participer ne m’intéresse pas, je veux gagner. → Participer ne m’intéresse pas, c’est gagner que je veux.
J’ai appris la nouvelle en lisant le journal.→ C’est en lisant le journal que j’ai appris la nouvelle.
Rem. Le mot que fonctionne dans ce cas comme sorte de conjonction passepartout.
La focalisation du CVD place celui-ci sous forme de pronom relatif avant le verbe. Le participe passé du verbe peut donc s’accorder en genre et en nombre :
Nous avons rencontré votre voisine. → C’est votre voisine que nous avons rencontrée. ■ Je t’avais montré ces photos. → C’est ces photos que je t’avais montrées.
On peut également focaliser des adverbes, certaines subordonnées adverbiales (voir cependant limitations ci-dessous) ou des gérondifs :
C’est parce que le sujet m’intéresse vraiment que j’ai accepté de faire cette longue traduction. ■ C’est quand j’ai vu qu’il avait maigri de façon aussi effrayante que j’ai compris qu’il était gravement malade. ■ C’est en analysant des milliers d’échantillons que les chercheurs ont trouvé l’explication du phénomène. ■ C’est après que j’aie obtenu mon diplôme que j’ai pu enfin songer à trouver un appartement plus grand. ■ C’est uniquement si tu promets de ne pas emporter d’ordinateur que je partirai en vacances avec toi. ■ C’est à condition que l’énonciation reste suffisamment précise que la production du sens peut réellement fonctionner. ■ C’est en répétant et en répétant encore le même mouvement qu’il finit par devenir automatique, quasiment inconscient.
L’utilisation de la construction clivée est particulièrement fréquente (et importante pour le sens) dans les phrases qui contiennent un superlatif (voir en détail ci-dessous) :
C’est lors de ce voyage à Bruxelles que j’ai bu la meilleure bière de ma vie. ■ C’est la tarification modulée qui constitue le meilleur moyen de remplir les trains. ■ C’est l’étude de la moelle osseuse qui constitue le meilleur test de pronostic de benzolisme.
Le pronom IL focalisé dans la construction c’est … QU- est à une forme pleine focalisée. Cette forme est parfois très différente de la forme faible, parce que les formes varient en genre et en nombre, et également en fonction de la catégorie référentielle du référent (groupe nominal, animé/non animé, non groupe nominal). Par exemple la forme focalisée du pronom en peut être de celui-là ou de ça :
Formes pleines du pronom IL | |||||
---|---|---|---|---|---|
prépositionnelles | focalisées | ||||
animé | non animé | animé | non animé | ||
sg. | m. | lui | celui-ci | lui | celui-là |
f. | elle | celle-ci | elle | celle-là | |
pl. | m. | eux | ceux-ci | eux | ceux-là |
f. | |||||
elles | celles-ci | elles | celles-là |
Dans le cas des pronoms à référent animé, les formes pleines focalisées sont les mêmes que les formes pleines utilisées comme complément prépositionnel (a) ; quand le référent du pronom est un non animé, les formes complément prépositionnel et les formes focalisées sont différentes (b) :
(a) Je m’intéresse à elle (+animé, cette ancêtre). C’est à elle que je m’intéresse.
(b) Je m’y intéresse. (–animé, cette solution). C’est à celle-là que je m’intéresse.
Les formes focalisées des pronoms IL ou ÇA ne sont pas toujours faciles à utiliser ni à identifier, voir ci-dessous une liste de 42 exemples avec pronom.
Une forme syncrétique est dissociée en deux éléments. Un pronom faible CVP (lui, leur, en) est une forme syncrétique qui « contient » la préposition : dans il me parle, le pronom me signifie « à + je » ; dans je lui écris, lui peut signifier « à elle » ; dans elle en rêve, en peut signifier « de ça » etc. Quand le pronom n’est plus appuyé au verbe (comme dans une construction clivée), il faut rétablir (palauttaa) la préposition « cachée » dans le pronom :
Il m’a offert ce livre. (m’ = me = « à je ») → c’est à moi qu’il a offert ce livre. (moi forme pleine)
Je lui ai téléphoné. (lui forme faible) → c’est à elle que j’ai téléphoné. (elle forme pleine)
Cette transformation n’est pas toujours facile à comprendre et elle occasionne très fréquemment des erreurs même chez les francophones. Le tableau suivant suivant présente tous les critères et les formes possibles :
pronom / GN | forme faible | forme pleine focalisée | ||
---|---|---|---|---|
je CVD | me | moi | ||
tu CVD | te | toi | ||
nous CVD | nous | nous | ||
vous CVD | vous | vous | ||
à + je | me | à moi | ||
à + tu | te | à toi | ||
à + nous | nous | à nous | ||
à + vous | vous | à vous | ||
+animé | −animé | +animé | −animé | |
à GN / il(s) /elle(s) |
lui leur | y |
à lui à elle à eux à elles |
à celui-là à celle-là à ceux-là à celles-là |
de GN / il(s) / elle(s) |
| en |
de lui d’elle d’eux d’elles |
de celui-là de celle-là de ceux-là de celles-là |
sur, avec, contre, pour, etc. GN / il(s) / elle(s) |
|
|
sur lui sur elle sur eux sur elles |
sur celui-là sur celle-là sur ceux-là sur celles-là |
ça | le | ça | ||
à ça | y | à ça | ||
de ça | en | de ça | ||
sur ça | sur ça (pas de forme faible syncrétique) | sur ça (après certains verbes) là-dessus | ||
par ça | par ça (pas de forme faible syncrétique) | par ça (après certains verbes) par là | ||
avec, pour, contre etc. ça | avec ça / pour ça / contre ça etc. (pas de forme faible syncrétique) | avec /pour / contre ça |
La forme du pronom peut donc changer de façon considérable et le maniement de la phrase clivée demande une certaine « gymnastique mentale » et une bonne connaissance des règles concernant les formes des pronoms et la construction des verbes. Dans les 42 exemples ci-dessous, divers pronoms (en gras) sont focalisés successivement :
Elle le voit. → C’est elle qui le voit.
Elle le voit. → C’est lui qu’elle voit. le = cet ami référent animé
Il le voit. → C’est lui qui le voit.
Il le voit. → C’est lui qu’il voit. le = cet ami référent animé
Il le connait. → C’est lui qui le connait.
Il le connait. → C’est lui qu’il connait. le = ce vendeur référent animé
Il la connait. → C’est elle qu’il connait.la = cette dame référent animé
Il le connait. → C’est celui-là qu’il connait. le = ce livre référent non animé
Il la connait. → C’est celle-là qu’il connait. la = cette définition référent non animé
Il nous a parlé d’abord. → C’est lui qui nous a parlé d’abord.
Il nous a parlé d’abord. → C’est à nous qu’il a parlé d’abord.
Il a pensé à nous d’abord. → C’est lui qui a pensé à nous d’abord.
Il a pensé à nous d’abord. → C’est à nous qu’il a pensé d’abord.
Il le lui a donné. → C’est lui qui le lui a donné.
Il le lui a donné. → C’est celui-là qu’il lui a donné. le = ce livre référent non animé
Il la lui a donnée. → C’est celle-là qu’il lui a donnée. la = cette pomme référent non animé
Il le lui a donné. → C’est à lui qu’il l’a donné.lui = masculin
Il le lui a donné. → C’est à elle qu’il l’a donné. lui = féminin
Il le lui a dit. → C’est lui qui le lui a dit.
Il le lui a dit. → C’est cela/ça qu’il lui a dit.le = antécédent non gn, forme pleine cela ou ça
Il le lui a dit. → C’est à lui/à elle qu’il l’a dit.
Je t’en ai parlé. → C’est moi qui t’en ai parlé.
Je t’en ai parlé. → C’est à toi que j’en ai parlé.
Je t’en ai parlé. → C’est de celui-là que je t’ai parlé.en = le livre antécédent gn
Je t’en ai parlé. → C’est de cela/de ça que je t’ai parlé.en = antécédent non gn
Elle y a pensé. → C’est elle qui y a pensé.
Elle y a pensé. → C’est à celle-là qu’elle a pensé.y = la solution antécédent gn
Elle y a pensé. → C’est à cela/à ça qu’elle a pensé.y = antécédent non gn
Il leur a parlé de lui. → C’est lui qui leur a parlé de lui.
Il leur a parlé de lui. → C’est à eux/à elles qu’il a parlé de lui.
Il leur a parlé de lui. → C’est de lui qu’il leur a parlé.
Nous y allons. → C’est nous qui y allons.
Nous y allons. → C’est là que nous allons.
Elles en reviennent. → Ce sont elles (FP : C’est elles) qui en reviennent.
Elles en reviennent. → C’est de là qu’elles reviennent.
Je l’y ai rencontrée. → C’est moi qui l’y ai rencontrée.
Je l’y ai rencontrée. → C’est elle que j’y ai rencontrée.
Je l’y ai rencontrée. → C’est là que je l’ai rencontrée.
Ils ont insisté sur cela. → Ce sont eux (FP : C’est eux) qui ont insisté sur ça.
Ils ont insisté sur cela. → C’est sur cela qu’ils ont insisté. / C’est là-dessus qu’ils ont insisté.
Si on prononce en faisant l’élision du e de le devant que, les deux phrases sont identiques :
C’est lui qui le voit. /selɥikilvwa/
C’est lui qu’il voit. /selɥikilvwa/
Si on ne prononce pas le l final de il, comme c’est fréquent dans le français parlé, la prononciation est différente :
C’est lui qui le voit. /selɥikilvwa/
C’est lui qu’i(l) voit. /selɥikivwa/
Inversement, la suite /selɥikivwa/
peut donc signifier c’est lui qui voit ou c’est lui qu’il voit.
La phrase finnoise Hän antoi sen hänelle contient trois pronoms (sujet verbe cvd cvi), qu’on peut déplacer librement et former ainsi trois phrases différentes, auxquelles correspondent en français 18 phrases possibles (à cause de l’opposition masculin/féminin et animé/non animé) :
Hän antoi sen hänelle. 4 traductions possibles :
C’est lui qui le lui a donné. ■ C’est elle qui le lui a donné.
C’est lui qui la lui a donnée. ■ C’est elle qui la lui a donnée.
Sen hän antoi hänelle. 6 traductions possibles :
C’est celui-là qu’il lui a donné. ■ C’est celui-là qu’elle lui a donné. celui-là = le livre référent non animé
C’est celle-là qu’il lui a donnée. ■ C’est celle-là qu’elle lui a donnée. celle-là = cette pomme non animé
C’est cela/ça qu’il lui a donné. ■ C’est cela/ça qu’elle lui a donné.
Hänelle hän antoi sen. 8 traductions possibles :
C’est à lui qu’il l’a donné. ■ C’est à lui qu’elle l’a donné. l’ = le livre
C’est à lui qu’il l’a donnée. ■ C’est à lui qu’elle l’a donnée. l’ = la pomme
C’est à elle qu’il l’a donné. ■ C’est à elle qu’elle l’a donné. l’ = le livre
C’est à elle qu’il l’a donnée. ■ C’est à elle qu’elle l’a donnée. l’ = la pomme
a. Dans le code écrit, si le sujet ou le CVD focalisé est un groupe nominal pluriel ou un pronom de personne 3/6, le verbe être du groupe introducteur c’est se met au pluriel :
Ce sont tes parents qui ont acheté ce cadeau. ■ Non, ce ne sont pas eux qui l’ont acheté, mais ce sont eux qui l’ont choisi. Sinun vanhempasiko ostivat tämän lahjan? – Ei, he eivät ostaneet sitä, mutta he ovat kyllä valinneet sen. ■ C’étaient eux qui me l’ont dit. ■ Ce sont ces livres que j’avais commandés.
Dans la langue courante (code écrit et français parlé), on conserve le singulier :
C’est tes parents qui ont acheté ce cadeau. ■ Non, c’est pas eux qui l’ont acheté, mais c’est eux qui l’ont choisi. ■ C’était eux qui me l’ont dit. ■ C’est ces livres que j’avais commandés.
Si le sujet ou le CVD focalisés sont les pronoms pluriels nous et vous, le verbe être du groupe introducteur c’est est toujours au singulier :
C’est vous qui avez téléphoné ce matin ? ■ Ce n’est pas nous que tu as cru voir hier en ville, nous étions toute la journée à la plage.
b. Dans les autres cas que celui du sujet et du complément de verbe direct (CVD), autrement dit quand le mot que fonctionne comme une conjonction sans référent, le verbe c’est reste au singulier :
C’est à des chercheurs danois qu’on doit la découverte de ce vaccin. ■ C’est avec ces amis que nous irons à Moscou. ■ C’est de ces évènements que toute la France parle en ce moment.
Si l’élément focalisé sujet ou CVD est un pronom de personne 1-2-4-5, le verbe être du groupe introducteur c’est reste à la personne 3 est (on ne dit pas par exemple ce *sommes nous qui…), et donc, toujours au singulier :
C’est toi qui partiras en dernier. ■ Ce n’est pas moi qui ai dit ça. ■ C’est vous que le jury a retenu. ■ C’est nous qui avons les clés.
Comme dans le cas b. ci-dessus, quand le mot focalisé n’est pas le sujet ni le CVD, le mot que fonctionne comme une conjonction sans référent et le verbe c’est reste de toute façon à la personne 3 (donc au singulier) :
C’est à toi que je pensais pour ce travail. ■ C’est de nous qu’ils ont appris la nouvelle. ■ C’est contre vous que ces attaques sont dirigées.
Le temps et le mode du verbe être peuvent varier. On peut appliquer ou non la concordance des temps :
Je ne savais pas que c’était lui qui avait eu cette idée. En tiennyt, että hän sen keksi.
Dans ce cas, on peut cependant garder le présent. En effet, le temps du verbe de la complétive (avait eu) suffit à indiquer que c’est un passé :
Je ne savais pas que c’est lui qui avait eu cette idée
La construction c’est + relative est en fait sentie comme un outil, un élément invariable (comme est-ce que qui est devenu un mot interrogatif invariable). Pour cette raison, certaines grammaires le qualifient souvent de « présentatif », d’« introducteur » etc., comme s’il s’agissait d’un mot-outil figé et invariable comme voilà, par exemple. Il y a cependant un cas où le verbe doit obligatoirement « s’accorder » en temps et mode, c’est le subjonctif. Dans les exemples suivants, on n’a pas le choix entre deux modes : il faut mettre le verbe au subjonctif :
Nous ne pensons pas que ce soit vous qui êtes la personne idéale. Mielestämme te ette ole sopivin henkilö. ■ Il se peut que ce soit ce jour-là qu’il a disparu. Voi olla, että juuri sinä päivänä hän katosi.
La focalisation ne se fait pas aisément avec tous les adverbes, et elle dépend de contraintes sémantiques et du contexte. On ne peut par exemple pas focaliser l’adverbe toujours :
*C’est toujours qu’il va à la chorale.
En revanche, on pourrait dire :
C’est tous les jours qu’il va à chorale.
Dans cet exemple, la focalisation met en relief ici une opposition implicite entre tous les jours et seulement certains jours. Ainsi, certains adverbes, notamment quand ils peuvent être remplacés par un complément de phrase, se prêtent mieux à la focalisation :
(a) C’est progressivement que ces réformes se mettront en place. [progressivement = avec le temps, en douceur]. Mais :
(b) ?C’est lentement que nous sommes sortis.
(c) ?C’est vite qu’ils sont partis.
La construction serait plus naturelle en (b) et (c) s’il y avait par exemple un verbe :
C’est en avançant lentement que nous sommes sortis. ■ C’est en marchant très vite qu’ils sont partis.
On peut toutefois imaginer de focaliser un adverbe pour l’opposer à un autre, pour corriger une assertion (reprise diaphonique) :
C’est lentement que nous sommes partis, pas brusquement.[Dans l’intonation, il y aurait insistance sur lentement] ■ C’est « toujours » qu’il va à la chorale, pas « de nouveau ». Hän ei käy kuorossa uudestaan vaan edelleen.
Pour focaliser un élément en fonction de sujet ou CVD en l’encadrant par ne… que, on utilise il y a :
C’est le seul ami qui m’ait aidé. / Il est le seul qui m’ait aidé. → Il n’y a que cet ami qui m’ait aidé. / Il n’y a que lui qui m’ait aidé. ■ Ce sont les seuls livres que je lise encore. / Ce sont les seuls que je lise encore. → Il n’y a que ces livres-là que je lise encore. / Il n’y a que ceux-là que je lise encore.
Si l’élément focalisé est un élément d’un groupe prépositionnel (GP), il y a différentes possibilités :
Ce sont les seuls à qui vous puissiez demander des renseignements. →
Il n’y a qu’eux à qui vous puissiez demander des renseignements.
Il n’y a qu’à eux que vous puissiez demander des renseignements.
Autrement dit, on peut soit focaliser le GN/pronom (sans la préposition) et le faire suivre d’une relative, soit (plus couramment), focaliser le GP comme dans le modèle normal avec c’est. Les exemples relevés montrent que l’usage est flottant. De même, le subjonctif n’est pas toujours utilisé :
Sans aucun doute, il n’y a que sur eux qu’on peut compter dans nos déboires. ■ Mon chéri est un être formidable, il n’y a qu’avec lui que je ressente ce bien-être. ■ Il n’y a que lui avec qui je suis en contact régulièrement. (Dans le code écrit strict, on dirait cependant plutôt : Il n’y a qu’avec lui que je sois en contact régulièrement.)
Dans les autres cas, si le groupe prépositionnel est un complément de temps ou de lieu, on focalise toujours tout le GP (préposition et GN), et pas le GN seulement. De même, si l’élément focalisé est un pronom démonstratif :
Il n’y a que ce jour-là qu’il n’ait pas plu. ■ Il n’y a que pour ça qu’il faut vivre.
La focalisation du verbe est possible aussi, mais moins fréquente, et elle doit être développée par une construction négative qui explicite le sens. Quand on focalise un verbe qui n’est accompagné d’aucun autre élément focalisable, le mécanisme est assez simple, et on trouve ces phrases clivées même à l’écrit :
C’est acheter que nous devions, pas louer. ■ C’est manger que je veux, pas boire.
Quand on focalise le verbe d’une phrase dans laquelle il y a d’autres élément focalisables, les procédés de thématisation sont passablement difficiles à manier pour un apprenant de français langue étrangère :
C’est achetée, qu’elle l’a, sa maison, ma sœur, pas louée.
Ce genre de phrase clivée s’utilise exclusivement dans le français parlé.
On peut focaliser des subordonnées adverbiales, de cause, de but, de temps etc., mais, pour des raisons sémantiques et logiques, toutes les conjonctions ne peuvent pas être focalisées, et il vaut donc mieux éviter de focaliser les subordonnées adverbiales (sauf celles introduites par parce que) :
*C’est quoiqu’il soient arrivés en retard qu’ils ont pu participer au vote. ■ *C’est comme ils sont arrivés que nous avons pu nous mettre à table. ■ *C’est puisqu’il sont restés chez eux qu’ils ont raté le défilé. etc.
Comme les phrases clivées, les phrases pseudo-clivées sont un procédé de focalisation très productif en français. La phrase pseudo-clivée est formée d’une proposition relative qui contient le thème et d’une partie introduite par c’est (ou ce sont dans le code écrit, voir ci-dessous) qui représente le propos. L’ordre est l’inverse de celui des phrases clivées, mais dans les deux cas, la partie introduite par c’est est toujours le propos.
La proposition introduite par c’est complète le contenu du pronom antécédent de la relative :
J’ai acheté quelque chose. C’est un kayak gonflable. → Ce que j’ai acheté, c’est un kayak gonflable.
Les deux propositions sont donc fortement dépendantes l’une de l’autre, l’une complétant le sens de l’autre : la partie ce que j’ai acheté reste sémantiquement incomplète tant qu’elle n’est pas explicitée par la partie introduite par c’est.
L’antécédent de la relative pseudo-clivée est le pronom faible ce. Étant donné que les constructions pseudo-clivées sont très fréquentes à l’oral et fréquentes à l’écrit aussi, il faut bien comprendre le fonctionnement et l’emploi des différentes formes des pronoms relatifs. Il faut aussi faire attention à la forme du pronom relatif (donc par exemple à la construction du verbe et au choix de la préposition, si celle-ci est nécessaire, voir ce + pronom relatif) :
Ce qui m’a plu dans le roman, ce sont les dialogues.. ■ Ce que j’ai trouvé génial dans ce film, c’est les paysages magnifiques. ■ Ce que nous voudrions faire et ce dont nous aurions besoin, c’est de signer un partenariat avec une compagnie plus importante. ■ Ce à quoi personne n’avait osé penser, c’est que la fonte de la calotte polaire s’accélèrerait à ce point.
Quand le nom attribut du sujet ce est un pluriel, dans le code écrit le verbe être peut se mettre au pluriel. Dans le français parlé, on utilise la forme du singulier :
Ce que j’ai trouvé génial dans ce film, c’est les paysages magnifiques. (fr. parlé)
Ce que j’ai beaucoup aimé dans ce film, ce sont les paysages magnifiques. (code écrit)
Le verbe être peut aussi se conjuguer à d’autres temps :
Quand il était petit, ce qu’il aimait le plus, c’étaient les weekends chez sa grand-mère. ■ Je ne suis pas sûr que ce qui a causé sa perte, ce soient ses difficultés financières. En fait, il avait perdu la foi dans son projet.
Voir l'accord du verbe être ci-dessus.
Dans le français parlé, on trouve fréquemment le verbe il y a dans une construction pseudo-clivée sous la forme ce qu’il y a c’est que, où il sert à introduire un fait qu’on veut mettre souligner ou mentionner particulièrement, souvent une explication ou un problème. Très souvent, cette tournure est équivalente à la tournure le problème, c’est que ou, inversement, la vérité c'est que, ou bien à l’adverbe seulement de sens concessif, ou, de façon plus neutre, à l’expression le fait est que :
J’aurais bien aimé venir au concert ce soir, ce qu’il y a, c’est que j’ai un examen demain et il faut absolument que je révise. ■ J’aimerais bien apprendre le japonais, ce qu’il y a c’est que l’écriture est si compliquée. ■ Statistiquement, ce qu’il y a, c’est que le taux de survie des transplantés est extrêmement élevé. ■ C’est une insulte au socialisme de dire que ce dictateur fasciste est en fait socialiste, ce qu’il y a c’est que les gens ont déjà oublié au cours de l’Histoire ce qu’est le fascisme. ■ Ma meilleure amie est dans une terrible déprime. Ses parents sont séparés depuis longtemps, c’est donc pas ça le problème. Ce qu’il y a, c’est que son père et sa mère sont presque toujours en désaccord sur la façon de l’élever.
La construction il y a est aussi utilisée dans des phrases pseudo-clivées introduites par si, voir point suivant.
Les constructions pseudo-clivées ont une variante introduite par si. Bien que dans ce cas-là on n’utilise pas toujours de pronom relatif, celui-ci est fréquent et il faut là aussi veiller à la construction et à la forme du pronom. Remarquer notamment la différence entre une chose, groupe nominal repris par dont, et quelque chose, pronom indéfini repris par quoi . Cette construction est fréquente dans le français parlé :
Si je souhaite quelque chose, c’est qu’elle réussisse à son concours, car elle a tant travaillé. ■ S’il y a une chose dont je peux m’estimer satisfait, c’est d’être allé m’installer à la campagne. ■ S’il y a un truc que je supporte pas, c’est qu’on se pointe systématiquement en retard. ■ S’il y a une chose à laquelle je ne peux pas m’habituer, c’est de me lever si tôt. ■ S’il y a quelque chose à quoi l’Européen peut s’identifier, c’est à sa culture commune. ■ S’il y a quelque chose contre quoi il faut se mobiliser, c’est la remontée de l’obscurantisme en Europe. ■ Si je rêve de quelque chose, c’est de passer 15 jours de vacances sans faire quoi que ce soit, loin de tout.
La conjonction si sert également à former des phrases pseudo-clivées avec des propositions causales :
Si je ne t’ai pas écrit plus tôt, c’est qu’il s’est produit des choses graves dans ma vie et que je n’avais pas la force de t’en parler. ■ Si on s’y oppose, c’est qu’on n’en veut pas, on vous dit !
Les phrases pseudo-clivées sont aussi courantes à l’écrit qu’à l’oral. Contrairement aux phrases clivées, le finnois utilise pratiquement aussi couramment les phrases pseudo-clivées que le français et elles sont donc en principe d’un emploi naturel pour les étudiants de français langue étrangère. La difficulté pour ces derniers tient à la forme du pronom antécédent et du pronom relatif, qui dépend de la construction du verbe dans la partie focalisée (ce à quoi, ce dont etc.).
Pour les finnophones, la difficulté réside non seulement dans le choix du pronom relatif, mais dans l’identification et l’utilisation adéquate du pronom faible ce (opposition se mikä / se joka → ce qui vs celui qui et les confusions que cela provoque). Voir ci-dessous.
On peut également considérer comme un type de phrases pseudo-clivées les constructions dans lesquelles le premier élément est une structure autre qu’une proposition relative (le plus souvent un groupe nominal ou prépositionnel), mais qui est tout aussi fortement lié à la phrase introduite par c’est que dans le cas examiné ci-dessus, et qui forme un tout avec celle-ci :
L’avantage de cette organisation, c’est que vous n’avez pas besoin de réfléchir. ■ La première chose qu’ils apprendront, c’est qu’ils doivent se taire. ■ La première fois que j’ai utilisé Mustela, c’est en sortant de chez le médecin. ■ La seule autre fois où j’ai roulé en territoire troisième rail, c’est en revenant de New-York vers Montréal. ■ Le problème avec la morale… c’est que c’est toujours la morale. ■ Les seules fois que je suis sereine c’est quand je suis avec mes amis qui sont comme une famille pour moi. ■ L’avantage des médecins, c’est que lorsqu’ils commettent une erreur, ils l’enterrent tout de suite. ■ Le truc débile avec cette histoire, c’est que la carte Visa a été débitée deux fois. ■ Le problème, c’est que je n’ai jamais assez de temps pour lire des romans.
L’attribut du pronom ce dans la principale (ce que je veux, c’est attribut) peut être un GN (du temps libre) ou un autre élément grammatical (proposition que tu m’aimes, infinitif prendre des vacances etc.). Cependant, contrairement au finnois, en général, même quand l’attribut est un GN, la forme du pronom faible antécédent du pronom relatif dans la phrase pseudo-clivée est le pronom ce, donc une forme du pronom ÇA à antécédent non GN, car le contenu sémantique du pronom n’est pas encore connu : il est révélé dans la phrase principale introduite par c’est… :
Ce qui m’a plu dans le roman, ce sont les dialogues. ■ Ce que j’ai trouvé génial dans ce film, c’est les paysages magnifiques. ■ Ce à quoi personne n’avait osé penser, c’est que la fonte de la calotte polaire s’accélèrerait à ce point. ■ Ce que je voudrais, c’est que tu t’impliques un peu plus dans l’éducation de nos enfants. ■ Ce dont les clients se plaignent le plus, c’est la suspension. Ce contre quoi il faut se mobiliser, c’est la remontée de l’obscurantisme en Europe. ■ Ce qui n’est pas prouvable, c’est ce à partir de quoi on prouve.
Cependant, le pronom faible antécédent de la relative peut aussi renvoyer anaphoriquement à un groupe nominal connu (ou implicite) ; dans ce cas, la forme est celui /celle :
Celle dont les clients se plaignent le plus, c’est la 2 litres diesel. [renvoie à une voiture]. ■ Celle qui nous intéresse, c’est la photo du milieu. [renvoie à une photo – implique qu’on a déjà parlé de photos antérieurement].. ■ Ceux avec qui nous n’avons jamais de problèmes, c’est les clients étrangers, pas les Français. [renvoie à « les clients » ; le pronom peut aussi être nominal (« les gens »)]. ■ Celui qui a obtenu le plus de points, c’est le candidat du parti des Verts. [on parle de candidats]. ■ Celle que j’ai bien aimée, c’est la prof que j’avais en sixième et qui nous faisait vraiment beaucoup apprendre de textes et puis les jouer. [dans le contexte, on évoque d’anciens professeurs]
La focalisation «plate» du finnois (voir ci-dessous) peut se faire sentir dans l’interprétation du mot se, à la fois déterminant et pronom. En effet, devant un GN, le mot se s’interprète d’abord comme un déterminant. Dans la phrase suivante, on trouve une construction attributive suivie d’une relative :
Hän on se mies, joka aloitti suomalaisen hiihdon nousun sodan jälkeisinä pulavuosina.
(a) C’est lui l’homme qui est à l’origine de l’essor du ski finlandais après les années de disette de l’après-guerre.
Le mot se est ici un déterminant démonstratif à valeur cataphorique, qui est rendu en français par l’article défini. Mais la phrase pourrait s’interpréter également comme l’équivalent d’une phrase clivée en français :
(b) C’est cet homme qui est à l’origine de l’essor du ski finlandais après les années de disette de l’après-guerre.
Dans la phrase (a), on pourrait remplacer la relative par exemple par en question : c’est lui l’homme en question. Dans la phrase clivée (b), c’est plus difficile : ??C’est cet homme en question. C’est justement là la caractéristique de la phrase clivée (« coupée ») : l’élément focalisé à l’aide de c’est est un élément obligatoire de l’ensemble, qui, avec la relative, forme en réalité une seule proposition. De même, sortie de son contexte, la phrase
Se on se rakenne joka määrää.
s’interprète à l’écrit d’abord ainsi :
C’est cette structure qui est déterminante.
et non pas comme une phrase clivée qui serait :
C’est la structure qui est déterminante. [et non pas le contenu] (En finnois : Rakenne määrää ensisijaisesti.)
Dans le contexte où la phrase a été trouvée, elle avait cependant la valeur de phrase clivée, mais cette valeur n’était évidente que parce qu’on avait dit antérieurement
Tutkijoiden mukaan indoeurooppalaisessa heetin-kielessä vain 20% tunnetuista sanoista oli alkuperältään indoeurooppalaisia, mutta kieli pysyy silti IE-perheessä. Se on se rakenne joka määrää. (D’après les chercheurs, 20 % seulement du vocabulaire connu du hittite était d’origine indo-européenne, mais la langue reste classée parmi les langues IE. C’est la structure qui est déterminante.)
En finnois, l’interprétation correcte du mot se (se on se rakenne joka) est donc liée au contexte, tandis qu’en français elle ne l’est pas, car en français on utilise deux déterminants différents (c’est la structure/c’est cette structure qui est déterminante).
L’un des problèmes qui concerne particulièrement l’utilisation du superlatif en français par les finnophones est celui de la focalisation. Le finnois ne focalise pas systématiquement le propos de la phrase par des procédés particuliers et use d’une sorte de focalisation « plate », qui peut très bien s’appliquer au superlatif également. Ainsi la phrase finnoise suivante :
Ääni aiheutti eniten ongelmia videoneuvotteluissa.
s’interprète de deux manières :
(1) C’est le son qui a posé le plus de problème dans les vidéoconférences.
(2) C’est dans les vidéoconférences que le son a posé le plus de problèmes.
Par défaut, en finnois, en l’absence d’autres éléments de focalisation, l’interprétation se fait par la phrase (1). La distinction entre les deux interprétations peut évidemment se faire en fonction du contexte, selon que le thème du contexte est les vidéoconférences (1) ou les problèmes de transmission du son (2). À l’oral, l’intonation permettrait aussi de marquer le focus.
Dans de tels cas, s’il y a en français plusieurs éléments sur lesquels peut porter le focus, on utilise pratiquement toujours une construction clivée, parce qu’en français le focus se trouve par défaut à la fin de l’énoncé, et le superlatif se trouve généralement justement dans cette position (Pierre est le plus doué…). Pour cette raison, si on dit simplement en français Le son a posé le plus de problème dans les vidéoconférences, on interprète le focus comme étant par défaut dans les vidéoconférences. C’est donc exactement l’inverse du finnois.
C’est pour cette raison qu’en français, quand on veut utiliser un superlatif dans ce genre de phrase, il faut le plus souvent utiliser une construction clivée, ce qui n’est pas si simple, étant donné que le finnois n’utilise pas de façon systématique ce mode d’expression. Ainsi la phrase sans aucun procédé de focalisation particulier
L’analyse du corpus a posé le plus de problèmes.
est sentie comme incomplète, et le lecteur francophone se demande « …a posé le plus de problèmes dans quoi ? ». Cet effet indésirable est supprimé quand on utilise une construction clivée :
C’est l’analyse du corpus qui a posé le plus de problèmes.
De même, dans la phrase suivante
Dans les commentaires des élèves et des enseignants, l’hétérogénéité est devenue particulièrement évidente dans le travail interactif entre les élèves et a causé des problèmes dans la classe.
on parle de l’hétérogénéité et on dit qu’elle est devenue particulièrement évidente ou perceptible dans certaines conditions (donc elle augmenté). Or, l’idée de l’auteur de la phrase était de souligner les conditions dans lesquelles l’hétérogénéité se fait sentir (et non pas le fait qu’elle se fait sentir fortement), ce qui serait beaucoup plus clair dans une construction clivée :
Dans les commentaires des élèves et des enseignants, c’est dans le travail interactif entre les élèves que l’hétérogénéité est devenue particulièrement évidente et a causé des problèmes dans la classe.
On peut aussi utiliser d’autres procédés, l’essentiel est de focaliser l’élément qui est le propos (3). Le plus simple reste cependant la construction clivée (4) :
(3) Nous avons trouvé le moins d’occurrences précisément dans les réponses des élèves de lycée.
(4) C’est dans les réponses des élèves de lycée que nous avons trouvé le moins d’occurrences.
Le finnois use cependant aussi de procédés de focalisation dans le cas du superlatif, soit avec des adverbes (juuri, nimenomaan), soit avec une proposition relative :
Useimmiten juuri tämä aiheuttaa eniten ongelmia, sillä Internetissä ei ole mahdollista varata omaa kaistaleveyttä. ■ Akku on se, mikä aiheuttaa eniten ongelmia. ■ Asukkaiden mielestä kielitaidon puute aiheutti eniten ongelmia, kun taas kiinteistöhoitajien mielestä selkeä opastamisen puute on syy ongelmiin. [Dans la deuxième proposition, l’adverbe taas permet d’identifier le thème et le propos, sinon on retrouverait un cas typique de focalisation plate.]
Pour rendre ces mêmes idées en français, il ne faut donc pas hésiter à utiliser une construction clivée :
Le plus souvent, c’est précisément cela qui cause le plus de problèmes, car il n’est pas possible de réserver de la bande passante sur internet. ■ La batterie est ce qui pose le plus de problèmes. ■ De l’avis des locataires, c’est la méconnaissance du finnois qui cause le plus de problèmes, alors que de l’avis des gérants, c’est l’absence de signalisation claire qui en est la cause.
Quand l’élément de phrase focalisé est le sujet ou le complément direct du verbe, il est facile d’interpréter le sens du pronom relatif : qui est le sujet du verbe de la relative, que est le complément direct du verbe (CVD) :
C’est Valérie qui a acheté cette maison. [qui est sujet de a acheté]
C’est la maison que Valérie a achetée. [que est CVD de a achetée]
Mais dans les autres cas, il est difficile d’interpréter le mot que :
C’est au début que j’ai eu des difficultés.
Dans cette phrase, que ne peut pas être interprété comme le CVD de j’ai eu. En fait, dans tous les cas où l’élément focalisé par c’est… renvoie à autre chose que le sujet ou le complément direct du verbe, il faut considérer que non pas comme un pronom, mais comme une conjonction (voir GMF p. 728, Remarque.) dont le sens est impossible à interpréter. C’est justement parce que c’est … que est devenu vide de sens que beaucoup de francophones confondent les phrases clivées et les véritables relatives. Comparer :
C’est de cette personne que je parle. Tästä henkilöstä olen juuri puhumassa. [phrase clivée]
C’est la personne dont je parle. Hän on se henkilö, josta olen puhumassa. [relative]
C’est à cet endroit-là que nous avons passé nos vacances. Siellä vietimme lomaamme. [phrase clivée]
C’est l’endroit où nous avons passé nos vacances. Se on se paikka, jossa vietimme lomaamme. [relative]
C’est ce jour-là qu’il est parti. Juuri sinä päivänä hän lähti. [phrase clivée]
C’est le jour où il est parti. Se on se päivä, jolloin hän lähti. [relative]
Pour de nombreux francophones, cela pose un problème. Comme la construction c’est… qui introduit un sujet, il leur parait logique qu’un nom introduit par de soit repris par dont, ou qu’un nom introduit par à soit repris par où etc. (voir ci-dessous). Exemples authentiques relevés sur divers types de sites Internet en français :
*C’est de ce journal dont toute la France parle. [forme correcte : C’est de ce journal que toute la France parle.] Siitä lehdestä koko Ranska kohisee. ■ *C’est ce jour-là où nous avons pris nos vacances. [forme correcte : C’est ce jour-là que nous avons pris nos vacances] Sinä päivänä lähdimme lomalle. ■ *C’est de celles-là dont je te parle. [forme correcte : C’est de celles-là que je te parle.] ■ *C’est à lui à qui j’ai dit ça. [forme correcte : C’est à lui que j’ai dit ça] ■ Par comparaison, on peut mentionner que ce n’est que dans les derniers cours *où l’accent est mis sur la production orale. [forme correcte : ce n’est que dans les derniers cours que l’accent est mis… ] ■ Du point de vue de la santé, c’est à une tragédie *à laquelle nous assistons. [forme correcte : c’est à une tragédie que nous assistons… ]
On trouve aussi des formes erronées dans lesquelles la préposition est déplacée depuis l’élément focalisé et placée devant le relatif retransformé en qui (exemples authentiques) :
C’est *moi à qui il a succédé. [forme correcte : C’est à moi qu’il a succédé.] ■ C’est *eux avec qui nous faisons principalement nos échanges. [forme correcte : C’est avec eux que nous faisons principalement nos échanges.] ■ C’est *lui sur qui j’ai dit : Derrière moi vient un homme qui avant moi est advenu… [forme correcte : C’est de lui que j’ai dit…]
Le dernier exemple est tiré d’un forum de discussion de théologie. La phrase citée est extraite d’un passage retraduit de l’évangile de Jean, dont l’auteur tient à préciser à la fin : « (traduction personnelle) ». La traduction originale (traduction officielle de l’évangile) était, grammaticalement du moins, plus satisfaisante :
C’est celui dont j’ai dit : Après moi vient un homme qui m’a précédé.
Dans les formes c’est de ce livre dont, l’analogie fonctionne ainsi dans l’esprit des usagers :
(a) La fillette (sujet) parle. Pronom sujet : qui→ C’est la fillette qui parle.
(b) Je vois la fillette (complément direct). Pronom CVD : que→ C’est la fillette que je vois.
(c) Je donne une pomme à la fillette (CVP). Pronom CVP : à qui→ *C’est à la fillette à qui je donne la pomme.
(d) Je parle de la fillette (complément prépositionnel). Pronom de+relatif : dont→ *C’est de la fillette dont je parle.
(e) La fillette habite dans cette ville. (lieu). Pronom relatif de lieu : où→ *C’est dans cette ville où habite la fillette.
Dans les phrases (c) (d) et (e), la relation entre le verbe et le complément (marquée par une préposition) est donc exprimée deux fois (à – à qui, de – dont, dans – où). Pourtant, il suffit qu’elle soit exprimée devant le GN focalisé. Ce qui est déroutant pour de nombreux usagers, c’est que le mot que est une conjonction, à laquelle on ne peut pas adjoindre une préposition. Les phrases correctes seraient :
(c) Je donne une pomme à la fillette [complément prépositionnel]. → C’est à la fillette que je donne la pomme.
(d) Je parle de la fillette [complément prépositionnel]. → C’est de la fillette que je parle.
(e) La fillette habite dans cette ville [lieu]. → C’est dans cette ville qu’habite la fillette.
Ces erreurs sont extrêmement fréquentes et elles témoignent de la complexité des relatives en français et des difficultés qu’elles occasionnent aux francophones sur un plan plus général.
ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 51. Les phrases clivées et pseudo-clivées. Dernière mise à jour : 6.8.2022
Mises à jour après le 15.8.2022