Comme la liaison, la prononciation de e dit « muet » est à la fois un phénomène phonétique et, du point de vue de l’apprenant de FLE, un problème graphématique, parce que dans la forme écrite du français, on ne signale généralement pas quand un e ne se prononce pas. Cependant, connaitre le fonctionnement de e muet est utile surtout pour la compréhension de la langue parlée. Pour une bonne prononciation (l’objectif de ce guide), il suffit de connaitre quelques règles.
Comme dans le cas des consonnes finales qui ne se prononcent plus, au cours de l’évolution du français un grand nombre de e ont progressivement cessé de se prononcer. Mais on continue de les écrire, parce qu’une partie de ces e n’ont pas disparu définitivement, et ils peuvent être prononcés (un peu comme les consonnes non prononcées qui sont prononcées dans la liaison). Certains e écrits peuvent être supprimés, certains sont toujours prononcésm et d’autres sont toujours supprimés.
Ces e écrits qui peuvent se prononcer ou non correspondent à la lettre e sans accent (´ ` ^) quand elle est suivie d’une seule consonne ou se trouve à la fin d’un mot, comme dans porte, petite, chez le dentiste. Quand e est suivi de deux ou plusieurs consonnes, il transcrit généralement /ᴇ/
.
Ces e sont traditionnellement appelés « e muet », c’est-à-dire e non prononcé [ääntymätön]. Ce terme peut être trompeur, car il peut laisser penser que ces e sont toujours muets, c’est-à-dire non prononcés. Quand e est prononcé, il n’est évidemment pas muet. Pour cette raison, on utilise dans ce Guide le terme de « e non prononcé » (e désigne la lettre e non réalisée dans la prononciation).
La lettre e sans accent et suivie d’une seule consonne transcrit le phonème /ɶ/
, c’est-à-dire la même voyelle labialisée qu’on trouve dans feu, bleu. Il n’y a aucune différence de prononciation entre je et jeu, ni de et deux.
Comme celle des voyelles ᴇ/ᴏ/ɶ
en général, la prononciation de /ɶ/
peut varier entre /œ/
et /ø/
. Mais ces variations ne jouent aucun rôle du point de vue de la compréhension. De plus, la lettre e est rarement prononcée en finale d’un bloc phonique, il n’y a donc pas besoin de surveiller particulièrement la labialisation de /ɶ/
. Pour ces raisons, la prononciation exacte de ce phonème ne nécessite aucun effort de la part des finnophones : il suffit de prononcer comme le ö du finnois.
/ə/
n’est pas un phonème du français.Le phonème représenté par la lettre e est traditionnellement transcrit /ə/
dans les manuels scolaires de français et dans les dictionnaires. Ce signe transcrit une voyelle qui correspond à la prononciation de l’article a ou du a de about en anglais, qu’on appelle parfois en français « e médian ». Ce n’est pas un phonème du français. Les dictionnaires continuent de transcrire /ə/
par habitude ou conservatisme. Il est produit parfois par les apprenants finnophones, et le signe /ə/
est utilisé dans ce Guide pour la description de certaines erreurs de prononciation.
La suppression des e dépend du niveau de langue et de la situation de communication :
Dans la langue parlée, on supprime le plus de e possible : Je trouve que ce livre est pas mal ʃtʁufkslivʁᴇpamal
. On ne prononce l’e que quand sa suppression rend le mot imprononçable : mercredi, sans /ɶ/
= mɛʁkʁdi
, la séquence ʁkʁd
est difficilement prononçable.
Il est difficile de donner des règles précises concernant la chute ou le maintien de e dans la langue parlée : cela dépend du locuteur, du moment, de la situation, de la vitesse de parole, du type de discours (officiel, académique, familier etc.). Pour l’apprenant FLE, on peut donner une règle simple : il vaut mieux prononcer tous les e (sauf ceux dont la prononciation est interdite, voir ci-dessous). On peut parfaitement prononcer
Il est debout devant la petite fenêtre. ilᴇdɶbudɶvɑ̃lapɶtitfɶnɛtʁ
même si un francophone peut prononcer ilᴇdbudvɑ̃laptitfnɛt
. C’est plus facile à prononcer, et cela parait beaucoup moins bizarre que si on supprime des e que personne ne supprime. L’utilisation de /ɶ/
(prononcé/non prononcé) dans la langue parlée est décrite en détails p.22. Elle est utile à connaitre pour la compréhension du français. Pour une bonne prononciation, il suffit de connaitre les cas où e ne se prononce pas, et ceux où on le prononce toujours.
Quand deux monosyllabes terminés par e se suivent, en général on prononce l’un des deux e, selon le modèle indiqué ci-dessous. Mais chaque locuteur a ses habitudes personnelles, et même les groupes prononcés habituellement d’une seule manière peuvent être prononcés d’une façon différente par certaines personnes (le modèle le plus fréquent est indiqué en premier) :
ce que (ce que tu veux) : prononcé habituellement skɶ
(sɶk
possible)
je me (je me prépare) : ʒɶm
ou ʒmɶ
je le (je le veux) : ʒɶl
ou ʒlɶ
je te (je te vois) : ʒɶt
ou ʃtɶ
de ne (de ne pas le faire): prononcé habituellement dɶn
(dnɶ
possible)
de le (de le dire) : dɶl
ou dlɶ
de me (de me parler) : dɶm
ou dmɶ
de te (de te presser) : prononcé habituellement dɶt
(tːɶ
possible).
Il en va de même par exemple avec le pronom le devant un verbe dont la première syllabe contient un e :
je le ferai ʒɶlfʁe
ou ʒlɶfʁe
on le fera õlfʁa
ou õlfɶʁa
ou õlɶfʁa
Dans les cas suivants, on ne prononce pas le e écrit :
vɔtʁami
, une table en bois yntablɑ̃bwa
5.7 ; aʃte
, dangereux dɑ̃ʒʁø
, complètement, renouvèlement 13.1 ; à cause de e non prononcé et de l’assimlilation de sonorité, la prononciation de certains mots change complètement par rapport à la graphie : projeter se prononce pʁoʃte
, comme le groupe che dans acheter ;aʃᴇtʁa
, aimerais ᴇmʁᴇ
, puisqu’il se trouve toujours au moins dans la 2e syllabe, sauf quand c’est impossible à prononcer (voir paragraphe suivant). 13.1 ; attention au futur des verbes avec base vocalique (jou-er, cré-er etc.), où il ne faut pas prononcer /ɶ/
(erreur fréquente) : jouera ʒuʁa
, créera kʁeʁa
, et aux mots en voyelle+ement, aboiement abwamɑ̃
13.2.kutpje
[potku], à bout de souffle abutsufl
[hengästynyt], voir exemples 13.3 et liste d’exemples.Même si l’apprenant FLE peut se contenter de prononcer tous les e sauf ceux dont la prononciation est interdite, il y a des cas où on prononce un e qui, d’après les règles ci-dessus, ne devrait pas être prononcé :
ʁkʁd
), dans certains futurs comme cadrera (pour éviter *dʁʁ
), chambrera (pour éviter *bʁʁ
) etc. ;lj/ʁj/mj/nj
+voyelle) : atelier, chancelier, sommelier, grenier, nous chanterions, nous semions, nous appelions etc./ɶ/
final dans la prononciation soignée [huoliteltu] : l’autre livre lotʁɶlivʁ
(pas *lotʁlivʁ
), une table bleue yntablɶblø
(pas *yntablblø
). Dans la langue parlée, on fait l’apocope ; de même, devant h disjonctif, on ne supprime pas /ɶ/
: l’autre hauteur lotʀɶotœʁ
, notre héros notʀɶᴇʁo
; /ɶ/
se maintient en finale du mot quelque. On prononce donc dans une prononciation soignée kᴇlkɶʃoz
sans supprimer /ɶ/
. Dans la langue courante, dans la prononciation familière et « abrégée », on supprime l et on prononce kᴇkʃoz
, en deux syllabes. Voir 9.8./ɶ/
Dans les mots suivants, on prononce l’e signalé en couleur, même dans la langue parlée familière ou rapide.