Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones
Il y a en finnois une gamme variée de conjonctions ou locutions conjonctionnelles de temps qui permettent de rendre l’essentiel des locutions françaises correspondantes (voir tableau ci-dessous). La seule différence est l’emploi du subjonctif dans certains types de propositions.
Les grammaires regroupent souvent les conjonctions temporelles en fonction du rapport logico-temporel qu’elles établissent entre la principale et la subordonnée : simultanéité, antériorité, postériorité. Ces catégories n’ont pas un caractère très strict et n’apportent pas vraiment d’informations nouvelles aux apprenants finnophones, mais on les a utilisées comme moyen de classement des conjonctions Elles sont résumées dans le tableau ci-dessous et sont présentées dans le même ordre dans le texte.
valeur | français | finnois |
---|---|---|
simultanéité (ponctuel) | quand, lorsque | kun |
dès que, aussitôt que, sitôt | heti kun | |
à peine / à peine… ne pas… que | juuri… kun | |
chaque fois que, toutes les fois que | joka kerta kun, aina kun | |
si | (silloin) kun, aina kun | |
au moment où, au moment de | (silloin) kun | |
simultanéité (duratif) | pendant que | sen aikana kun, sillä välin kun |
tandis que, alors que | sillä aikaa kun, sillä välin kun | |
au fur et à mesure que, à mesure que | sitä mukaa kun | |
tant que, aussi longtemps que tant et aussi longtemps que | niin kauan kuin, kunnes, siihen mennessä kun | |
depuis que | siitä lähtien kun, sen jälkeen kun | |
antériorité | après que | sen jälkeen kun |
une fois que | sen jälkeen kun, sitten kun | |
maintenant que | nyt kun | |
postériorité | avant que, avant de | ennen kun |
jusqu’à ce que, jusqu’à | kunnes, siihen mennessä kun | |
en attendant que, en attendant de, le temps que, le temps de, d’ici que | siihen mennessä kun, sillä välin kun, kunnes |
La conjonction quand est la conjonction la plus courante, utilisée aussi bien dans le français parlé que dans le code écrit. Lorsque est une variante de quand, qui s’utilise pratiquement exclusivement dans le code écrit. Il y a donc entre les deux uniquement une différence de style. :
Il faisait complètement nuit quand nous avons fini de manger. ■ Lorsqu’ils eurent compris le parti qu’ils pouvaient en tirer, les guerriers se mirent à faire des prisonniers. ■ Leur sentiment de sécurité se renforça encore quand elles virent que les engagements étaient tenus.
Quand et lorsque peuvent s’utiliser avec tous les temps de l’indicatif, imparfait, passé composé, passé simple, antérieur ou surcomposé, futur simple ou antérieur, conditionnel etc. (quand suivi du conditionnel peut cependant aussi avoir une valeur concessive) :
Quand la poussière fut dissipée, quand nous eûmes repris nos sens, je comptai mes hommes, pas un n’était blessé. ■ Je crois me souvenir qu’ils ont applaudi quand il a eu fini de boire le verre. ■ Hélène lui avait déclaré que Stésichore recouvrerait la vue quand il aurait dit la vérité sur elle. ■ Lorsque tu auras compris cela, tu sauras que le moment le plus important de ta vie c’est maintenant !
Quand et lorsque s’utilisent rarement pour marquer l’action dans son accomplissement ; dans ce cas-là on utilise pendant que ou tandis que.
Remarque : la conjonction quand ne peut pas traduire le pronom relatif finnois jolloin. Le pronom relatif à utiliser dans un tel cas est où.
Les conjonctions dès que et aussitôt que s’emploient comme quand et lorsque, mais y ajoutent une idée d’immédiateté. Elles correspondent toujours au finnois heti kun. La locution conjonctionnelle aussitôt que indique que l’action est quasiment immédiate, alors que dès que n’a pas toujours cette valeur. Dans la langue courante, aussitôt que est un peu moins fréquent ; pour l’étudiant de français langue étrangère, utiliser dès que est suffisant. Comme lorsque et quand, ces deux conjonctions s’utilisent avec une grande variété de temps verbaux :
Qu’ils m’appellent sur mon portable dès qu’ils auront terminé ! ■ Sur Internet, dès que j’ouvre une page d’un site, une page de pub s’ouvre aussitôt, que dois-je faire ? ■ On vous a envoyé pour enquêter et demandé de faire un rapport aussitôt que vous auriez effectué votre enquête initiale. ■ Dès qu’elle eut fait quelques pas, elle heurta une marche. ■ « Aussitôt qu’elle a eu connu nos projets, sa Sainteté a voulu l’encourager »… et c’est du Bossuet, alors oui, cela se dit ! [sur un site Internet, à propos de l’emploi du passé surcomposé]
Dans les constructions participiales, on utilise aussi la variante sitôt. On peut aussi l’utiliser répétée en tête de phrase pour marquer le rapport logique entre les deux propositions (la répétition marque le rapport de subordination habituellement exprimé par que) :
Le poisson est congelé sitôt pêché. [= aussitôt qu’il a été pêché] ■ Sitôt vu, sitôt oublié. [= aussitôt qu’il a été vu, il est oublié (à propos d’un film)]. ■ Sitôt annoncée, sitôt vendue ! [= aussitôt qu’elle a été annoncée, elle a été disponible à la vente (à propos d’un nouveau modèle de voiture)]
La conjonction que peut marquer un rapport de simultanéité similaire à dès que quand elle est « annoncée » par un adverbe comme à peine ou une négation. En finnois, cet emploi correspond à juuri... kun. Il faut faire attention à bien interpréter le sens de que dans ce cas-là. Dans le code écrit, le verbe est souvent inversé après à peine :
J’étais à peine sorti qu’il s’est mis à pleuvoir. Olin juuri ehtinyt ulos, kun alkoi sataa. ■ À peine eut-il fait dix pas qu’il s’arrêta sous un bec de gaz pour relire la lettre de son père. ■ Cependant, à peine eut-il raccompagné Mme Hanska à Francfort qu’il s’effondra de nouveau.
La conjonction que à sens temporel peut être annoncée par une phrase négative contenant l’adverbe plus tôt (ne pas confondre avec plutôt), comme en finnois par exemple tuskin… kun :
Les noces ne furent pas plus tôt faites que la belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur. ■ On demande une réforme… et elle n’est pas plus tôt votée qu’on s’en détourne, qu’on court à une autre. ■ C’est pourtant le soliste qui a la partie la plus courte ; il n’est pas plus tôt présenté qu’il se fait étriper par sa douce et tendre fiancée. [à propos de l’intrigue de Lucia di Lammermoor]
On peut aussi utiliser que seul, si un autre indice (par exemple une indication de durée) permet de comprendre la valeur temporelle :
Il n’avait pas fait deux kilomètres que la voiture est tombée en panne. Hän ei ehtinyt ajaa pari kilometria, kun autoon tuli vika. ■ On n’a pas eu le temps de poser nos valises que déjà le train s’est mis en marche. Ehdimme juuri laskea matkalaukkumme, kun juna jolähti liikkeelle. ■ Le conférencier n’avait pas parlé cinq minutes que déjà je m’ennuyais.
Ces locutions marquent la répétition de l’action et correspondent au finnois joka kerta kun ou aina kun :
Chaque fois qu’il avait l’occasion de sortir de chez lui, il trouvait toujours dix raisons pour ne pas bouger. ■ Vous êtes libres d’arrêter et de vous reposer toutes les fois que vous en avez envie, car ces activités peuvent parfois être physiquement éprouvantes. ■ Vous utiliserez ce code d’utilisateur et ce mot de passe chaque fois que vous aurez besoin de consulter votre dossier. ■ Toutes les fois qu’on avait besoin de ses services, il était prêt.
Dans le français parlé, on rencontre également la variante à chaque fois, avec la préposition à. Bien que la préposition soit inutile ou redondante, à chaque fois que est une forme qu’on rencontre assez souvent. Dans le code écrit strict, on préfère cependant la forme sans préposition :
À chaque fois que je commande le produit, un message d’erreur m’indique que le panier de commande est vide. ■ Si à chaque fois qu’on avait coupé des arbres, on avait versé une partie des redevances dans un fonds régional, on aurait diversifié l’économie. ■ Autrement dit, à chaque fois que vous achetez pour 1 000 euros de produits soumis à la TVA, vous payez 166 euros d’impôts.
Remarque : attention au finnois aina kun, ne pas le traduire par *toujours quand, locution conjonctionnelle inexistante en français et qui est une erreur fréquente chez les finnophones. Le forme à utiliser est chaque fois que :
Aina kun soitan hänelle, hänen puhelimensa on äänettömällä eikä hän vastaa. Chaque fois que je l’appelle, son téléphone est sur mode silencieux et elle ne répond pas.
La conjonction si peut avoir une valeur temporelle et marquer une action qui se répète fréquemment, dans un emploi qui a une valeur à la fois conditionnelle (d’éventuel) et temporelle. Si correspond dans ce cas à dès que ou chaque fois que et s’emploie avec le présent ou l’imparfait dans la subordonnée et la principale :
S’il avait un problème, il téléphonait tout de suite à son meilleur ami Claude. ■ Si elle se sentait trop seule, elle allumait la télévision et se mettait à zapper. ■ En vacances, s’il pleuvait, nous allions visiter les musées. Lomalla ollessamme silloin kun satoi, kävimme aina museoissa. ■ Le weekend, si j’ai le temps, je vais en général voir mon frère.
Dans ce cas, il ne faut donc pas interpréter si + imparfait comme l’expression d’une condition. On pourrait paraphraser ces subordonnées en disant :
Dès qu’il avait/Chaque fois qu’il avait un problème… ■ Dès qu’elle/Chaque fois qu’elle se sentait seule… ■ Le weekend, chaque fois que / quand j’ai le temps… ■ En vacances, quand il pleuvait…
Cette locution introduit formellement une subordonnée relative, mais les équivalents en finnois introduisent des subordonnées adverbiales. Elle peut indiquer une simultanéité (samanaikaisuus) avec un évènement momentané mais aussi avec une période d’une durée plus vaste. Elle peut se traduire par (silloin) kun ou sillä välin kun :
Au moment où il allait partir, il se rendit compte qu’il avait oublié son passeport chez ses parents. ■ Au moment où nous eûmes cette révélation, toutes les portes s’ouvrirent à nous. ■ La Chine se porte bien au moment où l’économie mondiale est plongée dans l’incertitude.
Ces trois locutions marquent une action qui se déroule en même temps que celle de la principale. Il y a certaines différences :
a. Alors que et tandis que à valeur temporelle (en finnois sillä aikaa kun, sillä välin kun) s’utilisent presque exclusivement dans le code écrit. Tandis que et alors que expriment aussi une opposition et sont dans ce cas utilisés couramment dans le français parlé aussi. Les propositions introduites par tandis que temporel sont majoritairement des adverbiales antéposées :
Tandis que nous avancions vers le refuge, l’orage éclata avec violence. ■ Mais tandis qu’ils prenaient congé, les uns après les autres, l’atmosphère familiale s’appesantissait. ■ Un autre jour un téléspectateur succomba d’un arrêt cardiaque alors qu’il regardait un match de football dans la rue, sur un écran géant. ■ Il sentait encore la grande main chaude qui tenait la sienne tandis qu’ils marchaient sur un chemin forestier.
b. Alors que peut également signifier que l’évènement est momentané, notamment avec des constructions comme aller + infinitif, être sur le point de + infinitif et équivaut dans ce cas à au moment où. Dans ce sens, alors que est fréquent dans le français parlé également :
Dimanche, alors que nous allions quitter les bâtiments de l’ULB, des affaires ont été volées dans une de nos voitures. ■ Alors qu’ils étaient sur le point d’accomplir leur mission, les douaniers furent contraints d’abandonner la partie après avoir essuyé des tirs de la part des contrebandiers.
C’est dans cet emploi qu’on sent souvent le glissement vers une nuance concessive :
Combien de gens abandonnent alors qu’ils étaient sur le point de réussir ?
Ces conjonctions indiquent que deux actions se déroulent en même temps, qu’elles progressent ensemble. Elles correspondent au finnois sitä mukaa kun :
Au fur et à mesure qu’il apprenait du vocabulaire, il se sentait de plus en plus en plus à l’aise pour parler. ■ À mesure que des entreprises multinationales s’emparent des moyens d’information et de communication, la concentration des médias s’accroit.
La langue moderne semble préférer la forme longue au fur et à mesure que plutôt que à mesure que, et les exemples relevés sur Internet semblent montrer que à mesure que introduit de préférence une adverbiale antéposée, bien que les exemples avec adverbiale postposée ne manquent pas.
Tant que et aussi longtemps que peuvent avoir une valeur soit temporelle, soit conditionnelle, et les deux sens se recouvrent parfois en partie. Quand ils introduisent une subordonnée temporelle, on peut utiliser presque tous les temps verbaux, alors que dans le sens conditionnel, on utilise seulement le présent ou le futur (ou le conditionnel, variante passée du futur) :
Il nous était strictement interdit de quitter la table tant que nous n’avions pas terminé notre assiette. ■ Aussi longtemps qu’ils ont eu besoin de nous, ils ont été très serviables. ■ Aussi longtemps que ça ne débouche pas sur des confrontations armées, il faut se satisfaire de cette situation. ■ Les circonstances firent que Pépin, puis ses fils, ne se soucièrent pas du patriciat, tant qu’ils n’eurent pas d’établissement durable en Italie.
Il existe une variante redondante qui combine les deux conjonctions sous la forme tant et aussi longtemps que. Elle semble employée en partie pour des raisons expressives (insistance), mais probablement aussi pour faire ressortir plus clairement le sens temporel et l’opposer plus nettement à la valeur conditionnelle possible de tant que et aussi longtemps que :
Nous sommes à votre entière disposition tant et aussi longtemps que vous avez besoin d’aide avant votre départ. ■ Tant et aussi longtemps que les jeunes considèrent le jeu comme une entreprise excitante et risquée, ils y sont attirés. ■ Tant et aussi longtemps que vous n’aurez pas vu la Gaspésie en hiver, il vous manque quelque chose.
Cependant, on trouve des cas où même tant et aussi longtemps que peut avoir une nuance conditionnelle (il est alors synonyme de à condition que).
Cette conjonction introduit une proposition dont le verbe indique un état présent (résultant d’une action passée). Le temps de la subordonnée est généralement le présent et son temps composé, le passé composé, ou le « présent du passé » qui y correspond, c’est-à-dire l’imparfait, ou sa forme composée le plus-que-parfait :
Depuis que nous avons acheté cette maison, tout notre temps libre passe en travaux de réparation. ■ Depuis qu’il faisait de la natation, il n’avait plus de douleurs au dos. ■ Depuis qu’elle a vendu son auto, elle parcourt à vélo les 12 kilomètres qui la séparent du boulot. ■ Depuis qu’ils faisaient des exercices régulièrement, leur prononciation s’était nettement améliorée.
En règle générale, le verbe d’une proposition adverbiale qui exprime l’antériorité se trouve à une forme composée. L’auxiliaire de la forme composée est le plus souvent au même temps que le verbe de la principale.
Cette locution indique que l’action de la subordonnée est achevée par rapport à celle de la principale. Elle demande normalement l’indicatif, le plus souvent un passé antérieur, mais d’autres temps sont possibles aussi :
Après que nous fûmes sortis du port, la tempête s’éleva. ■ Après qu’ils eurent replié leur tente, ils se mirent en route. ■ Réfrigérez ou congelez les restes moins de deux heures après qu’ils ont été servis dans un contenant peu profond couvert. ■ Après que les bénévoles eurent été remerciés de leur aide par le président de l’association, un repas fraternel fut servi. ■ Croient-ils que ces candidats les écouteront après qu’ils auront été élus ?
Dans le français parlé, on utilise couramment le subjonctif passé dans la proposition introduite par après que (voir ci-dessous).
Quand le sujet de la subordonnée est le même que celui de la principale (coréférence du sujet), on utilise obligatoirement la forme infinitive, et la conjonction est alors à la forme après (non suivie de l’élément de) :
Après avoir acheté leur maison, ils y firent installer une pompe à chaleur. ■ Après nous être levés très tard, nous sortîmes pour faire une petite promenade. ■ Après avoir obtenu des crédits supplémentaires, la bibliothèque a pu acheter de nouveaux ordinateurs. ■ Pourquoi est-ce que les fruits murissent encore après avoir été cueillis ?
Cette locution est une variante de quand qui introduit le plus souvent un verbe à un temps composé exprimant le fait que l’action est achevée avant que celle de la principale commence. En fonction du sens du verbe, cette valeur peut aussi ressortir d’un temps simple, comme le passé simple :
Une fois que tu auras terminé de réviser, tu pourras aller t’amuser. ■ Une fois qu’elles ont eu compris qu’elles n’avaient plus aucune chance, elles ont décidé de changer de tactique. ■ Une fois qu’ils étaient rentrés, ils prenaient l’apéritif sur la terrasse. ■ Beaucoup de ces personnes, une fois qu’elles eurent en leur possession ce matériel écrit, choisirent d’ignorer le but et le contexte dans lesquels il avait été écrit.
Dans le dernier exemple (Beaucoup de ces personnes…), le verbe avoir est au passé simple, qui indique à lui seul la réalisation de cet état de possession. On trouve aussi une fois que dans le sens de « aussitôt que » avec un présent :
Une fois que l’enfant manifeste son mécontentement, essayez de lui expliquer avec douceur qu’il doit penser à sa santé.
La locution maintenant que est similaire à une fois que. Elle est suivie d’un temps exprimant l’achevé, mais ancré uniquement dans le présent de l’énonciation : présent ou passé composé, imparfait (présent du passé ) ou plus-que-parfait. Elle introduit le plus souvent une adverbiale antéposée, mais s’utilise aussi après la principale. Quand elle introduit une adverbiale antéposée, la conjonction maintenant que a aussi une assez nette valeur causale, proche de puisque. En finnois, elle correspond à nyt kun :
Maintenant que vous avez bien travaillé, il est temps de réclamer vos gains. ■ Maintenant qu’ils avaient quitté Montréal et qu’elle avait pris place dans l’avion, elle regrettait amèrement d’avoir décidé de partir. ■ On se posait beaucoup la question de l’utilité d’une montre, maintenant qu’on pouvait lire l’heure sur son téléphone portable.
La conjonction avant que est toujours suivie du subjonctif. On peut utiliser un ne explétif devant le verbe de la subordonnée. Il est assez fréquent (voir ci-dessous), mais reste toujours facultatif (et dans le français parlé, on ne l’utilise pratiquement pas) :
Il s’est dépêché de rentrer avant qu’on ne découvre son absence. ■ Tu es parti en claquant la porte avant que j’aie pu me justifier, comme d’habitude ! ■ On s’est fait un nom sur la scène régionale, avant que ça prenne vraiment de l’ampleur il y a une dizaine d’années. ■ S.V.P arrêtez de fumer avant que ça ne vous tue ! [titre d’article de forum]
Si le sujet de la subordonnée est le même que celui de la principale (coréférence du sujet), l’utilisation de la construction infinitive est obligatoire ; on l’utilise quasi systématiquement même dans le français parlé. On utilise dans ce cas la forme avant de, suivie de l’infinitif (avant de faire, avant de dire) :
Est-ce que tu peux faire des courses avant de partir à la fac ? ■ Ils n’eurent pas le temps de faire leurs adieux avant de rentrer dans leur pays. ■ Ce compositeur est mort avant d’avoir pu achever sa dernière grande symphonie.
Cette conjonction (finnois kunnes) demande également le subjonctif :
Nous attendrons jusqu’à ce que le temps permette de prendre la mer. ■ Entrainez-vous jusqu’à ce que vous soyez satisfait de vos progrès. ■ Les habitants du quartier essaient d’empêcher la démolition de leurs maisons jusqu’à ce qu’ils aient pu faire évaluer la valeur de leurs terrains.
Si le sujet de la subordonnée est le même que celui de la principale, l’utilisation de la construction infinitive (sous la forme jusqu’à + infinitif) est possible, mais pas obligatoire. La construction jusqu’à + infinitif ne s’utilise en général que dans le code écrit. Elle indique souvent l’aboutissement d’un processus long, répétitif ou difficile, ce qui lui donne parfois une valeur consécutive, « à tel point que », en finnois jopa siinä määrin että :
Ils ont travaillé jusqu’à ne plus pouvoir tenir debout. ■ La fillette a dû rejouer la sonate jusqu’à la savoir par cœur. ■ Faites varier les paramètres Gain, Rayon et Seuil jusqu’à être satisfait du résultat. ■ Il était ferme jusqu’à être inexorable.
Cependant, par analogie, on rencontre souvent des cas où jusqu’à + infinitif n’a pas cette valeur :
Ce programme offre des subventions à court terme permettant aux chercheurs de développer leurs recherches jusqu’à pouvoir soumettre des propositions. [plutôt : jusqu’à ce qu’ils puissent…] ■ Suivre cette arête sur 200 m jusqu’à pouvoir rejoindre le couloir de droite au niveau d’une large pente de neige [plutôt : jusqu’à ce que vous rejoigniez, il n’y a pas de nuance de conséquence].
La construction jusqu’à + infinitif s’utilise aussi dans un autre sens, notamment après le verbe aller, et peut se paraphraser dans ce cas par « et même », en finnois ce serait par exemple …ja verbe peräti… :
Elle est fortement impliquée dans la réalisation de ses clips, allant jusqu’à être présente au montage [= étant même] ■ Il alla jusqu’à être nommé conseiller du président [= il a même été nommé]. ■ Le frère de Charles VI fut le don Juan de son époque et alla jusqu’à être l’amant de la reine, sa belle-sœur, Isabeau de Bavière. [= il fut même l’amant de la reine]
Les locutions conjonctionnelles en attendant que, le temps que demandent le subjonctif. Elles ajoutent une idée d’attente à l’idée de postériorité; en finnois, elles correspondent à kunnes. Le temps que est synonyme de en attendant que quand il est en position d’adverbiale postposée :
En attendant que le bateau rentre au port, les passagers prenaient des photos des voiliers qui passaient. ■ Les gens s’étaient mis à l’abri dans les bars, le temps que l’orage soit fini. ■ Vous pouvez demander que le contrat soit suspendu en attendant que vous achetiez une nouvelle voiture.
En cas de coréférence du sujet de la principale et de la subordonnée, on peut utiliser les conjonctions en attendant de ou le temps de suivies d’un infinitif, mais l’utilisation de la construction infinitive n’est pas obligatoire :
En attendant de débarquer, les passagers prenaient des photos des voiliers qui passaient. ■ Les gens s’arrêtaient à l’abri des porches, le temps d’ouvrir leur parapluie. ■ On s’est arrêtés en haut de la côte, le temps de reprendre notre souffle.
Ces deux conjonctions expriment la durée et un rapport de postériorité. Elles sont la combinaison de en attendant que et avant que et sont suivies du subjonctif. En finnois, elles correspondent à kunnes, siihen mennessä kun. La locution le temps que et sa variante infinitive facultative le temps de ont ce sens quand elles sont antéposées (comparer avec le point précédent) :
D’ici que vous trouviez la solution, il faudra sans doute beaucoup de temps. ■ Le temps que vous ayez fini de lire cette phrase, une personne aura été tuée avec une arme dans le monde. ■ Le temps qu’ils comprennent que nous les avons bernés, nous serons loin ■ De toute façon, d’ici qu’ils aient terminé cette route, nous aurons quitté le quartier. ■ Le temps de comprendre ce qui m’arrivait, je me suis retrouvé dans le fossé.
Dans le français parlé, la locution d’ici que peut également avoir une valeur conditionnelle et exprimer une hypothèse.
Certains considèrent que l’ajout d’un ne explétif devant le verbe dans une adverbiale introduite par avant que exprime une nuance particulière (achèvement, doute etc.). Comme ne explétif s’utilise assez fréquemment après les verbes indiquant qu’on veut éviter quelque chose (craindre que, éviter que etc.), on peut effectivement penser que ne après avant que ajoute la même nuance. Sans ne, le sens serait alors simplement temporel :
Il se dépêche de rentrer avant que la grève du métro ne commence.[pour éviter de devoir rentrer à pied ou en taxi] Hän kiirehtii kotiin, ennen kuin metrolakko alkaa [=jotta et jäisi ilman kyytiä metrolakon alkaessa]. ■ Je suis rentré avant que la grève du métro ait commencé. Pääsin kotiin, ennen kuin metrolakko alkoi. [exprime le temps uniquement]
Cependant, ce n’est pas ne explétif en lui-même qui ajoute cette nuance de chose à éviter, c’est l’interprétation du sens général de la phrase. L’emploi de ne explétif après avant que est très flottant et beaucoup l’utilisent probablement par hypercorrectisme ou parce qu’il n’y a pas vraiment de règle univoque à ce sujet. Dans les exemples suivants relevés sur Internet, ne est presque légèrement comique (on veut éviter des choses positives) :
Au moins quand tu peins le plafond, personne ne marche dessus avant que ça ne soit sec ! ■ J’ai photographié les stars d’Hollywood avant qu’elles ne soient des stars. ■ Tout sera revenu à la normale avant que tu n’aies eu le temps de souffler. ■ Toutes les choses faciles sont difficiles avant qu’elles ne soient faciles. ■ Veiller à ne jamais publier des informations confidentielles ou internes via une plateforme de médias sociaux avant que celles-ci n’aient été rendues publiques.
En résumé, « même si certains usagers sentent des nuances de ce genre, elles n’ont aucun caractère général. » (Bon usage §1024g)
Le mode du verbe après la conjonction après que est source de nombreuses interrogations et d’autant d’indications contradictoires. La norme héritée du passé se heurte à l’évolution de la langue moderne, au point que les usagers, à cause d’un sentiment d’insécurité linguistique, en arrivent à utiliser des formes encore plus critiquables que ce que la norme interdit en principe.
La règle du code écrit veut que la conjonction après que soit suivie d’un indicatif. À l’écrit, cela se produit le plus souvent dans un énoncé de récit, au passé simple, et le temps utilisé dans la subordonnée temporelle introduite par après que est normalement le passé antérieur. Le premier problème est que dans la langue moderne, le passé antérieur ne s’utilise pas à l’oral : le récit passé se fait au passé composé. Or, dans un récit au passé composé dans la langue courante, on trouve aussi des cas où le passé composé marque une antériorité (un passé antérieur). Dans ce cas, si on observe strictement la règle selon laquelle on doit utiliser l’indicatif après après que, on peut se trouver dans un cas de figure dans lequel des passés composés renvoient à des niveaux narratifs différents :
Ils ont économisé pendant des années, puis ils se sont enfin décidés à acheter, ils ont trouvé un quartier sympa et ils ont déménagé en mai, et après qu’ils ont acheté leur maison, les prix des terrains ont augmenté.
Le verbe ils ont acheté leur maison est au passé composé comme tous les autres verbes de ce petit récit ; pour cette raison, l’antériorité qu’il doit exprimer par rapport à ont augmenté n’est plus assez sensible. C’est pourquoi le français parlé a trouvé un moyen de faire ressortir l’antériorité en utilisant le subjonctif passé, sur le modèle de avant que :
Avant qu’ils aient acheté leur maison, les prix des terrains ont augmenté.
Après qu’ils aient acheté leur maison, les prix des terrains ont augmenté.
On trouve même assez couramment des formes surcomposées du subjonctif passé employées après la conjonction après que :
Le directeur du magasin était consterné, m’a dit l’inspectrice, et sans mots après qu’ils aient eu fini de faire le tour. ■ Jenn, leur manager, après qu’ils aient eu fini d’enregistrer « Hologram » a dit qu’ils allaient enregistrer une autre chanson. ■ Retour de ma sortie kayak, c’était, wouah, trop fort ! En plus on a eu trop de chance, il s’est mis à pleuvoir après qu’on ait eu fini !
L’emploi du subjonctif est parfaitement logique et explicable dans ce cas (impossibilité d’utiliser le passé antérieur, exclu du français parlé), mais il est condamné par les puristes et la grammaire prescriptive. On a plusieurs solutions pour éviter le subjonctif dans le code écrit :
a) on peut utiliser le passé surcomposé avec quand ou une fois que / dès que. Cette forme est cependant plutôt du style oral :
Quand ils ont eu acheté leur maison, les prix des terrains ont augmenté.
b) quand le sujet de la subordonnée est le même que celui de la principale, on utilise obligatoirement l’infinitif, ce qui règle le problème du mode du verbe. Mais à l’oral, on emploie peu les constructions avec infinitif passé et quand le sujet de la subordonnée est le même que celui de la principale, on utilise de préférence [quand + passé surcomposé. Cependant, le passé surcomposé n’est pas toujours utilisable, parce qu’il introduit souvent une nuance d’aboutissement ou de réussite (et on ne peut pas l’employer avec les verbes intransitifs ni avec les verbes à pronom réfléchi. C’est pourquoi dans le français parlé on trouve même [après que + subjonctif] quand le sujet de la subordonnée renvoie au même sujet que celui de la principale, auquel cas on devrait normalement utiliser un infinitif passé (si le sujet de la subordonnée est différent celui de la principale, à l’oral on utilise de toute façon exclusivement [après que + subjonctif]) :
Après que je sois parti, je me suis rappelé que j’avais oublié d’éteindre la cafetière.
À l’écrit, dans la presse ou des documents officiels, cette hantise d’éviter le subjonctif conduit à des formes hybrides, dans lesquelles, après la conjonction après que, on utilise le passé composé (qui est devenu quasiment impossible dans la langue courante à cause de la prépondérance du subjonctif passé), ou bien on utilise le passé antérieur, temps du récit, mélangé à des principales au passé composé ou à d’autres temps du discours normalement incompatibles avec le passé antérieur. Les phrases suivantes sont des exemples qui illustrent ce problème et ne sont pas des modèles de cohérence temporelle ou discursive :
Les radios privées sont devenues la bête noire du nouveau parti au pouvoir, notamment après qu’elles eurent mis en doute la véracité d’un coup. ■ Puis la crainte de l’épuisement des forêts s’est largement répandue après qu’elles eurent été de plus en plus exploitées pour la construction de bateaux. ■ Franchement, qui peut argüer avoir cessé d’acheter des cassettes audio et vidéo après qu’elles eurent été soumises à la redevance. ■ La couverture de l’agent de la CIA Valerie Plame est révélée en 2003 après que son époux eut critiqué la politique américaine en Irak [présent historique + passé antérieur ! ■ Un restaurant de Clifton Park dans l’État de New York (nord-est) a annoncé avoir ouvert une enquête après qu’un client eut affirmé avoir découvert une tête de serpent dans son assiette de brocolis. ■ Une enquête préliminaire pour homicide involontaire a été ouverte après que « plusieurs manquements à la règlementation » eurent été observés, a précisé Philippe Toccanier, le procureur de la République.
Au total, on peut dire que la situation est passablement confuse et qu’il règne une véritable incertitude chez les usagers de la langue. Cette situation, qui relève fondamentalement du processus de l’hypercorrectisme, semble engendrer un hypercorrectisme nouveau, puisqu’on a relevé (juillet 2021) plus de 500 occurrences de la suite après que nous eussions (suivie ou non d’un participe passé), donc avec un imparfait du subjonctif (ou, avec un participe passé, un plus-que-parfait du subjonctif). Autrement dit, comme les locuteurs craignent d’employer le subjonctif passé après après que, ils veulent le remplacer par un passé antérieur. Comme ils maitrisent mal la morphologie des verbes, ils confondent passé antérieur et subjonctif plus-que-parfait (c’est là l’hypercorrectisme). Les puristes veulent à tout prix éviter le subjonctif et finissent ainsi par l’employer sans s’en rendre compte.
L’étudiant de français langue étrangère peut retenir les consignes suivantes :
a) code écrit :
b) français parlé (et écrit courant, par exemple courriel) : on utilise le subjonctif passé, même si le sujet est le même dans la principale et la subordonnée.
ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 61. Adverbiales temporelles. Dernière mise à jour : 13.6.2022
Mises à jour après le 15.8.2022