Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones
L’adjectif peut être un élément du groupe nominal. Dans les grammaires de français, on appelle souvent l’adjectif qui fait partie du groupe nominal « adjectif épithète » ou simplement « épithète » (remarquer qu’on dit « un adjectif épithète », mais « une épithète »). L’adjectif se place avant ou après le nom :
a) quand l’adjectif est placé avant le nom, on dit qu’il est antéposé :
ces beaux gardénias, une très haute montagne, de maigres résultats, son petit bateau
b) quand il est placé après le nom, il est postposé :
une odeur forte, une tasse fragile, un coureur kenyan, un chat gris, des évènements graves
Ces deux termes sont utiles à connaitre, car ils apparaissent dans de nombreux manuels et permettent aussi de décrire certaines règles de façon plus simple.
L’adjectif peut faire partie d’un groupe verbal contenant le verbe être (ou une variante décrivant un état comme rester, devenir, demeurer, paraitre) dans lequel il caractérise le sujet ou le complément du verbe. On l’appelle alors « adjectif attribut » (predikatiivi, « adjectif prédicatif ») ou simplement « attribut ». L’adjectif est généralement l’attribut du sujet du verbe :
Aurèle est grande. ■ Les héros sont fatigués. ■ Le finnois est facile. ■ Malgré une amélioration de la signalisation, cette route reste dangereuse.
L’adjectif peut être l’attribut du complément d’un verbe qui indique un état ou un processus, comme en finnois pitää, luulla (jonakin), tehdä (joksikin) :
Tout le monde trouve ce film génial. ■ L’orage avait rendu les chevaux nerveux. ■ J’estime cette décision dangereuse.
Un adjectif peut donc être placé à côté d’un nom, mais faire partie du groupe verbal :
J’ai trouvé ce livre intéressant. Löysin tämän mielenkiintoisen kirjan. [adjectif du groupe nominal] ■ J’ai trouvé ce livre intéressant. Pidin tätä kirjaa mielenkiintoisena. = J’ai trouvé que ce livre était intéressant. [adjectif du groupe verbal]
Remarque : attention au faux-ami attribut ~ attribuutti : le mot attribut a un correspondant en finnois, attribuutti, mais, dans la terminologie scolaire finlandaise traditionnelle, celui-ci désigne une sorte de complément ou d’extension (voir VISK). Il faut donc éviter de confondre attribuutti et attribut.
Les adjectifs qualificatifs expriment une propriété concrète ou abstraite du référent du nom (grand, petit, ennuyeux, rouge, intéressant etc.), propriété que le locuteur lui attribue. Les adjectifs relationnels indiquent une relation avec le nom, qui correspond à la relation avec un complément du nom (préposition de, pour, à) ou une proposition relative :
le palais présidentiel = le palais du président de la République ■ le ski nautique = le ski qu’on pratique sur l’eau ■ l’ère industrielle = l’ère de l’industrie ■ un téléphone portable = un téléphone qu’on peut emporter sur soi
Les adjectifs qualificatifs peuvent être mis au comparatif, plus grand, moins ennuyeux, rouge ou au superlatif, très bleu, le plus amusant. Les adjectifs relationnels ne peuvent généralement pas se mettre au comparatif ou au superlatif : *un ski plus nautique, *une ère très nucléaire.
Remarque : dans certains cas, les adjectifs relationnels peuvent aussi avoir une valeur qualificative (a). Ils peuvent aussi être utilisés comme adjectif qualificatif par plaisanterie (b) ; les titres de journaux utilisent souvent ce genre de procédé :
(a) Le site est très populaire parmi les touristes français, donc l’ambiance n’était malheureusement pas très internationale. ■Ce palais n’est pas très présidentiel (« digne d’un président de la République », « luxueux », « imposant »).
Quand l’adjectif qualifie un mot sans genre grammatical (pronom indéfini, pronom démonstratif etc.), il est obligatoirement précédé de la préposition de. C’est une règle de base qui est observée systématiquement par les francophones, et sur laquelle les manuels de français langue étrangère n’insistent pas toujours assez.
Le cas le plus typique est celui où l’adjectif qualifie un pronom indéfini comme quelqu’un, personne, rien, autre chose :
Il n’y avait personne d’intéressant à ce débat. ■ J’ai envie de manger quelque chose de sucré. ■ Il n’a rien appris de nouveau. ■ Alors, quelles sont les nouvelles ? – Rien de neuf. ■ Parmi les oranges que j’ai goutées, il y en avait quelques-unes de très sucrées. ■ Dans les modes d’emploi d’appareils électroménagers étrangers, il y en a certains d’assez difficiles à comprendre. ■ Il a cherché des exemples, mais n’en a trouvé aucun de bon. ■ Il prétendait qu’il n’avait rien fait de mal. ■ Je ne sais pas si vous trouverez une place dans la salle, il n’en reste que deux de libres. ■ C’est un réel plaisir de discuter avec quelqu’un de si cultivé. ■ Je veux quelque chose de concret. ■ J’ai encore autre chose d’important à régler.
Dans le style courant (ou familier), le groupe quelque chose de + adjectif peut aussi être remplacé par un adjectif en fonction de nom introduit par un article massif, si l’adjectif a un sens abstrait : Je veux quelque chose de neuf. → Je veux du neuf.
Le pronom interrogatif est aussi un pronom indéfini ; l’adjectif qui le qualifie est donc précédé de la préposition de :
Alors, quoi de neuf ? ■ Quoi de plus beau que cette symphonie ? ■ Qui d’autre voudrait participer ? ■ Qu’y a-t-il de vraiment nouveau dans cette théorie ? ■ Qu’est-ce qu’il y a de particulier dans ce système d’épuration d’eau ?
Il ne faut pas confondre le pronom indéfini autre chose et le groupe nominal une autre chose. Si le groupe autre chose est un pronom, il est sans déterminant, et l’adjectif qui le qualifie est précédé de de :
Je voudrais ajouter autre chose d’important. Haluaisin lisätä jotain muuta tärkeää.
Si le groupe autre chose est précédé d’un déterminant (une, cette), le mot chose est un nom, précédé de l’adjectif antéposé autre (comme une belle chose, cette nouvelle chose) et il n’y a pas de préposition de :
Je voudrais ajouter une autre chose importante. Haluaisin lisätä toisen tärkeän seikan.
L’erreur courante chez les finnophones est de confondre les deux constructions et de dire :
Je veux ajouter encore *autre chose importante.
Cette phrase est agrammaticale : autre chose est un pronom sans genre grammatical, et l’adjectif ne peut donc pas s’accorder au féminin.
En français, il existe une construction assez fréquente (qu’on pourrait qualifier de cataphorique), dans laquelle un adjectif qualifie un pronom démonstratif sans genre grammatical (ceci/cela) qui est complément de verbe direct et annonce une proposition complétive. Dans ce cas, l’adjectif qui qualifie le pronom est précédé de de, conformément à la règle ci-dessus :
Ce nouveau concept a ceci de révolutionnaire que, pour la première fois, les chercheurs ont réussi à rendre opérationnelle une éolienne sans mât. ■ Notre vision a ceci de bizarre que lorsqu’on regarde en face de soi, les côtés sont flous. ■ En rapprochant les deux dates extrêmes, 1790 et 1886, on constate ceci de particulier que les chiffres sont sensiblement les mêmes. ■ J’ai trouvé ceci de très amusant dans un blog : une recette de glace au mämmi.
Cette construction a une variante pseudo-clivée, plus courante, dans laquelle le pronom est à la forme courte ce. Dans ce cas-là, c’est à proprement parler le pronom relatif que qui est sans genre grammatical et qui entraine l’utilisation de la préposition de :
Ce qu’il y a de révolutionnaire dans ce nouveau concept, c’est que pour la première fois, les chercheurs ont réussi à rendre opérationnelle une éolienne sans mât. ■ Ce qu’il y a de bizarre dans notre vision, c’est que quand on regarde en face de soi, les côtés sont flous. ■ Ce qu’on constate de particulier en rapprochant les deux dates extrêmes, 1790 et 1886, c’est que les chiffres sont sensiblement les mêmes.
Cette construction peut aussi être utilisée avec ne … que. L’adjectif peut alors qualifier un groupe nominal introduit par que restrictif (« seulement »). Dans ce cas il est placé avant le groupe que + GN et est aussi précédé de la préposition de :
Attention, ce que cette voiture a de nouveau, ce n’est que le nom. → Attention, cette voiture n’a de nouveau que le nom. ■ Dans un grand nombre de cas, des conjugaisons qui semblent irrégulières n’ont d’irrégulier que les formes du singulier du présent de l’indicatif. ■ Les restos en profitent pour nous refiler un menu « spécial » qui n’a de spécial que le prix. ■ Ce « traité » n’a de nouveau que les apparences .
Cette construction peut être difficile à utiliser. Elle peut être formulée plus simplement par exemple avec l’adjectif seul :
Attention, la seule chose nouvelle, dans cette voiture, c’est le nom. ■ La seule chose irrégulière dans nombre des conjugaisons qui semblent irrégulières, ce sont les formes du singulier du présent de l’indicatif. ■ Les restos en profitent pour nous refiler un menu dont la seule chose « spéciale » est le prix.
Certains adjectifs qui signifient « habituel, normal (non surprenant) » sont souvent utilisés dans la construction (assez fréquente) rien que + adjectif, qu’on pourrait traduire en finnois « ei muuta kuin ». Comme l’adjectif qualifie un pronom indéfini (rien), il est précédé de de. Le mot rien est à comprendre dans son sens original de « chose », et le mot que signifie « seulement ». L’expression rien que de banal signifie donc mot à mot : « [c’est] seulement (une) chose normale / banale », « ce n’est rien d’autre qu’une chose normale/banale », en finnois « siinä ei ole mitään erikoista/ yllättävää » :
Le poète découvrait des images de beauté, d’enchantement, d’émerveillement, là où les autres ne voyaient rien que de banal, rien que de normal, ou même ne savaient rien voir du tout. ■ Cette évolution n’avait rien que d’habituel. ■ Rien que de normal, rien que de banal dans tout cela, mais quel espoir garder ? songeait Fanny. ■ Qu’au gré de l’alternance un pays passe de la gauche à la droite et inversement n’a que de naturel.
En général, l’adjectif se place en français après le nom (il est postposé). Certains adjectifs peuvent également être antéposés ; d’autres adjectifs changent de sens selon leur place avant ou après le nom.
a. Sont généralement antéposés les adjectifs d’usage courant monosyllabiques ou dissyllabiques : petit, grand, gros, beau, bon, mauvais, joli, vieux, jeune :
un jeune enfant, un bel appartement, une jolie villa, une bonne solution, un petit effort, de grandes promesses
b. Quand l’adjectif est modifié par des adverbes comme assez, si, tout, très ou trop, il peut rester antéposé, mais il peut aussi facilement être postposé :
un tout jeune enfant / un enfant tout jeune ■ une si jolie chanson / une chanson si jolie ■ de très longues vacances / des vacances très longues ■ un trop grand morceau / un morceau trop grand ■ une toute petite portion / une portion toute petite
En revanche, dans des chaussures trop petites, le mot petit exprime une qualité objective (mesurable), et petit signifie « que je ne peux pas mettre aux pieds ». C’est donc un adjectif exprimant une qualité objective, qui est généralement postposé. C’est pourquoi on dit assez difficilement J’ai acheté de trop petites chaussures.
c. Les adjectifs numéraux ordinaux et les adjectifs premier et dernier sont antéposés :
la douzième place kahdestoista sija, la première fois, le millionième visiteur, la dernière possibilité
Dans certains emplois particuliers, premier et dernier peuvent être postposés :
un nombre premier alkuluku, les causes dernières perimmäiset syyt, la semaine dernière viime viikko, vendredi dernier viime perjantaina etc.
d. Certains adjectifs forment avec le nom un nom composé ou une locution. Dans ce cas, leur place est fixe :
le moyen âge keskiaika, en plein air ulkosalla, le Moyen-Orient Lähi-Itä, en plein été keskellä kesää, la tendre enfance varhaislapsuus
e. Les adjectifs appelés « épithètes de nature », qui accompagnent traditionnellement tel ou tel nom particulier (surtout dans la langue littéraire), se maintiennent toujours devant le nom :
de noirs desseins pahat aikeet, les vertes prairies vehreät niityt
Si on excepte les cas présentés ci-dessus, on peut dire que les adjectifs sont majoritairement postposés. Sont pratiquement toujours postposés :
a. les adjectifs exprimant une qualité objective (nationalité, couleur, forme etc.) :
un étudiant suédois ■ le drapeau blanc ■ un ami italien ■ une voiture française ■ un ciel bleu ■ une table ronde ■ un pasteur protestant
b. les adjectifs relationnels :
l’ère atomique ■ le ski nautique ■ la conquête spatiale ■ un décret présidentiel ■ l’industrie chimique ■ un parc naturel
c. les participes passés et la majeure partie des participes présents utilisés comme adjectifs :
un skieur épuisé ■ une lettre mal écrite ■ une robe déchirée ■ une fête bien organisée ■ les cheveux laqués ■ des études critiquées ■ un voyage épuisant ■ un film passionnant ■ une étude méthodique et détaillée
d. les adjectifs suivis d’un complément :
une route facile à trouver ■ une situation difficile pour les chômeurs ■ une idée irréalisable actuellement ■ des explications compréhensibles par tous
e. les adjectifs précédés d’un adverbe autre que si, tout, très, trop (cela concerne aussi les adjectifs qui sont normalement antéposés) :
une situation extrêmement confuse ■ un nombre incroyablement élevé ■ un film horriblement mauvais
Si on excepte les adjectifs mono- ou dissyllabiques courants, les adjectifs dans le groupe nominal sont en général postposés. Mais une grande partie de ces adjectifs peuvent aussi être antéposés. Généralement, la différence de sens n’est pas très grande.
Quand il est à sa place normale (postposé), l’adjectif a sa valeur de base, sans nuance particulière. Par opposition, quand il n’est pas à sa place habituelle (c’est-à-dire quand il est antéposé), on peut dire qu’il prend une « nuance » particulière, ce que le grammaires qualifient souvent de « valeur subjective », et qu’on pourrait aussi appeler une « couleur » un peu différente.
Quand il est antéposé, au lieu d’exprimer une qualité ou une caractéristique objective ou concrète, l’adjectif exprime par exemple plutôt un jugement ou une impression :
(a) On nous a servi un repas excellent. Meille tarjottiin erinomainen ateria.
(b) On nous a servi un excellent repas. Me saimme nauttia erinomaisesta ateriasta.
La phrase (a) peut être comprise dans un sens culinaire (un repas qui répondait à de très bonnes normes gastronomiques), tandis que la phrase (b) peut être comprise comme une appréciation d’ensemble sur un repas réussi en tous points (ambiance, mets etc.). Il n’était pas forcément excellent du point de vue « technique » ou objectif (culinaire), mais il a laissé une très bonne impression d’ensemble. Cependant, la différence d’appréciation n’est pas très grande et la phrase (b) peut très bien signifier dans l’esprit du locuteur « un repas excellent par l’ambiance » et/ou « un repas culinairement parfait ».
Quand il est antéposé, l’adjectif exprime souvent un sentiment subjectif éprouvé par le locuteur : étonnement, frayeur, admiration etc. C’est pourquoi on dit souvent que l’adjectif antéposé a une valeur « emphatique » (korostava, liioitteleva). Comparer :
Devant la maison, il y avait un tas de neige énorme. Talon edessä oli valtava lumikasa. ■ Devant la maison, il y avait un énorme tas de neige. Talon edessä oli mahtava lumikasa. ■ une importante conférence internationale (« remarquable, qui attire beaucoup de monde/de pays, dont on a beaucoup parlé » etc.) ■ une conférence internationale importante (« d’une grande importance » [qui peut pourtant être de taille réduite ou être passée inaperçue du grand public])
C’est pour cette raison que les adjectifs exprimant une taille (immense, énorme, gigantesque), une force (violent), une valeur (important, remarquable) etc. particulières sont souvent antéposés :
Dans la cour du Louvre se trouve une gigantesque pyramide de verre. ■ Simenon habitait dans immense villa en Suisse.
Dans certains cas, cette opposition peut être exploitée systématiquement pour donner un sens différent et même être en voie de lexicalisation (les deux expressions n’ont plus exactement le même sens) :
dans un avenir proche « dans (relativement) peu de temps, très prochainement » (d’après des informations ou des signes concrets) ≈ lähitulevaisuudessa, pian ■ dans un proche avenir « un jour, bientôt » (plus vague et plus lointain) ≈ ei niin kaukaisessa tulevaisuudessa
La tendance moderne est d’antéposer assez fréquemment les adjectifs exprimant un jugement sans que le sens change de façon notable (dans certains cas, l’antéposition de l’adjectif est certainement aussi due à des motifs phonostylistiques). C’est un procédé très utilisé dans la presse :
une inextricable affaire monimutkainen vyyhti ■ une indiscutable réussite ■ une sensible amélioration tuntuva parannus ■ une brillante démonstration ■ Nous préférons la version d’Abbado à la plus longue, moins bien jouée et beaucoup plus ennuyeuse version de Karajan. Me pidämme enemmän Abbadon versiosta kuin pidemmästä, huonommin soitetusta ja paljon tylsemmästä Karajanin versiosta.
Dans le dernier exemple ci-dessus, relevé dans un guide pour discophiles, on note que même le participe joué est antéposé (contrairement à la règle normale), le groupe moins bien joué constituant une sorte d’adjectif appréciatif composé.
C’est également le cas dans l’exemple suivant, relevé dans un grand quotidien français (octobre 2021) :
La flambée du prix du foncier […] oblige les ménages à acheter des maisons avec des plus petits jardins - car moins coûteux à entretenir - et donc des piscines plus petites.
Dans le premier cas, le comparatif plus petits est antéposé, dans le deuxième cas, le comparatif plus petites est postposé. Il est difficile de dire avec certitude pourquoi plus petits est antéposé, mais le groupe plus petits jardins formait peut-être dans l’esprit du rédacteur (momentanément, au moins) une sorte de mot composé comme c’est fréquent dans le français parlé/courant. C’est que semble indiquer le fait que l’article indéfini n’est pas à la forme de attendue (cf. des beaux rideaux).
Cependant, le rédacteur de l’article avait très probablement utilisé cette forme du français parlé de façon inconsciente et sans aucune intention (stylistique) particulière.
Les alternances ou divergences par rapport à la place habituelle de l’adjectif sont souvent très difficiles à comprendre pour le non francophone. De nombreux francophones eux-mêmes seraient incapables d’expliquer ou de justifier objectivement ou clairement les raisons pour lesquelles ils ont utilisés un adjectif antéposé plutôt que postposé. Le choix de la place de l’adjectif devant le nom demande un certain sens de la langue qui ne peut s’acquérir que par une longue pratique.
Le locuteur non francophone peut retenir comme règle de base qu’un certain nombre d’adjectifs sont généralement antéposés (voir liste ci-dessus) et mémoriser ces adjectifs et ces cas, mais que la très grande majorité des adjectifs sont postposés et ne pas essayer inutilement de varier la place de l’adjectif pour obtenir un effet de sens particulier.
Le sens de certains adjectifs change selon qu’ils sont antéposés ou postposés :
ancien | une ancienne usine entinen tehdas | un livre ancien vanha kirja |
brave | un brave homme kunnon mies | un homme brave rohkea mies |
cher | mon cher ami rakas ystäväni | un bijou cher kallis koru |
certain | un certain monsieur eräs herra | une chose certaine varma asia |
une certaine paresse tietynlainen laiskuus | une paresse certaine ilmiselvä laiskuus | |
curieux | une curieuse histoire outo juttu | un voisin curieux utelias naapuri |
grand | un grand homme suurmies | un homme grand pitkä mies |
jeune | un jeune employé kokematon työntekijä | un employé jeune nuori työntekijä |
noble | un noble caractère ylevä luonne | une famille noble aatelissuku |
nouveau | j’ai eu une nouvelle idée sain taas ajatuksen | une méthode nouvelle uusi menetelmä |
pauvre | un pauvre type surkea tyyppi | un homme pauvre köyhä mies |
propre | ma propre idée oma ideani | les mains propres puhtaat kädet |
pur | une pure supposition pelkkä olettamus | une eau pure puhdas vesi |
rare | de rares amis harvat ystävät | une beauté rare harvinaislaatuinen kauneus |
rude | une rude épreuve melkoinen koettelemus | un ton rude tyly puhesävy |
sacré | un sacré travail (familier) melkoinen homma | un endroit sacré pyhä paikka |
sale | un sale coup katala temppu | une chemise sale likainen paita |
seul | un seul enfant ainoa lapsi | un enfant seul yksinäinen lapsi |
triste | un triste personnage kurja tyyppi | un homme triste surullinen mies |
vrai | un vrai problème todellinen ongelma | une histoire vraie tosi tarina |
Le sens de bon, mauvais et simple dépend de la place de l’adjectif et aussi parfois de l’article (autrement dit du contexte) :
un bon exemple sopiva esimerkki / au bon endroit oikealla paikalla / un homme bon hyvä ihminen ■ un mauvais exemple huono esimerkki / à la mauvaise place väärällä paikalla / un homme mauvais paha ihminen ■ une simple question pelkkä kysymys / une question simple yksinkertainen kysymys /le simple citoyen tavallinen kansalainen
Ces deux expressions sont un exemple typique où la place de l’adjectif pa rapport au nom s’est progressivement spécialisée dans un sens différent.
– à voix haute est le contraire de « à voix basse » et signifie « d’une voix sonore et intelligible » (selkeästi, kuuluvasti). On dit d’ailleurs aussi « à voix haute et intelligible », comme contraire de « de façon incompréhensible » ou « en marmonnant » (mumisten) par exemple.
– à haute voix s’utilise par exemple avec le verbe lire : en général on lit quelque chose en silence, pour soi-même, mais on peut aussi lire à haute voix pour que tout le monde entende.
À haute voix est donc le contraire de « silencieusement », « pour soi-même » (lecture, réflexion), alors que à voix haute est le contraire de « indistinctement, de façon inintelligible ».
Cependant, beaucoup de francophones ne comprennent pas la nuance ou ne sentent aucun différence entre les deux, et emploient l’une des formes là où on pourrait employer l’autre.
Si le nom est accompagné de plusieurs adjectifs, la place respective (keskinäinen) des adjectifs obéit aux règles mentionnées ci-dessus : petit, beau etc. se placent en général devant le nom, les autres adjectifs sont postposés. La place respective des adjectifs se trouvant avant ou après le nom dépend du sens. L’adjectif qui porte l’information la plus importante se place en dernier :
une belle rose rouge ■ un petit enfant très sage ■ une petite voiture française rouge [information : la couleur] ou une petite voiture rouge française [information : française] ■ une étude méthodique et détaillée [une étude systématique et ordonnée qui contient beaucoup de détails] ■ une étude détaillée et méthodique [une étude très détaillée/longue/complète qui est (de surcroit) présentée de façon méthodique et est bien construite]
L’adjectif peut être complété par un groupe nominal ou une proposition complétive (à l’infinitif ou avec un verbe conjugué), qui sont alors reliés à l’adjectif par une préposition. La préposition la plus courante est de, mais on utilise aussi d’autres prépositions :
La bouteille était pleine d’eau. ■ Le kiwi est riche en vitamine C. ■ Elle n’était pas disposée à se laisser dicter sa conduite par ses parents. ■ Ce roman est fertile en rebondissements. ■ Elle était surprise de votre venue. ■ Le bus était plein à craquer. ■ Cette deuxième version n’est pas très différente de la première. ■ Elle était très fière d’avoir pu jouer dans cet orchestre réputé .
Si l’adjectif est complété par une proposition complétive introduite par que, la préposition est généralement effacée devant la conjonction que :
Il est très content que vous soyez rentrés. ■ Je suis désolé que vous n’ayez pas pu voir cette exposition magnifique. ■ Elles étaient très contentes que leur projet ait été accepté tout de suite. ■ Les sources antiques nous rapportent que les sénateurs étaient consternés que des postes aussi importants puissent être aux mains d’anciens esclaves.
L’adjectif peut aussi être complété par un verbe dans la construction du type nom adjectif à infinitif (un livre facile à lire, un travail impossible à accepter). Cette construction est très fréquente en français. La plupart du temps, elle n’a pas d’équivalent formel exact en finnois. Dans cette construction, l’adjectif et l’infinitif forment en quelque sorte un groupe sémantique unique, une sorte de mot composé qui exprime une caractéristique (ominaisuus), et qui peut souvent se traduire en finnois par un adjectif simple :
Je veux un livre facile à lire. Haluan helppolukuisen kirjan ■ C’était un spectacle horrible à regarder. Se oli kammottava näky. ■ Ce mode d’emploi est difficile à comprendre. Nämä käyttöohjeet ovat vaikeaselkoisia.
Il ne faut pas confondre ces constructions avec celles, entièrement différentes, où l’adjectif est suivi de de +infinitif et le mot de est une conjonction qui introduit une proposition complétive infinitive. L’élément introduit par de n’est donc pas un « complément » de l’adjectif, mais le sujet (postposé) du verbe être :
Groupe nominal | verbe | groupe adjectival | ||
Ce livre | est | facile à lire. | ||
Tämä kirja | on | helppolukuinen. | ||
Groupe nominal | verbe | groupe adjectival | ||
Il | est | facile à lire. | ||
Se | on | helppolukuinen. | - | |
Pron. conjugateur | verbe | adjectif attribut | conjonction | complétive |
Il | est | facile | de | lire ce livre |
- | On | helppoa | - | lukea tämä kirja. |
Pour en savoir plus, lire d’abord Heureux de et *normal de, puis Difficile à ou difficile de ? Voir aussi d’autres règles concernant les compléments de l’adjectif.
En français, l’adjectif peut recevoir des compléments introduits par diverses prépositions, mais, contrairement au finnois, ce complément ne peut normalement pas être un pronom faible me te lui nous placé devant l’adjectif comme se on hänelle raskasta. On ne peut utiliser habituellement qu’un pronom à la forme pleine construit avec une préposition (pour moi, pour lui etc.). Les erreurs de ce type sont fréquentes chez les finnophones à l’écrit (les exemples erronés signalés par un astérisque * ci-dessous ont été relevés dans des travaux d’étudiants) :
L’affaire est embarrassante pour nous/pour eux. Tapaus on meille/heille kiusallinen. [et non :*l’affaire nous est embarrassante ou *leur est embarrassante]. ■ La géométrie routière est trop compliquée pour moi. Autoteiden geometria on minulle liian monimutkaista. ■ Cette valise est trop lourde pour toi. Tuo laukku on sinulle liian painava. ■ Ce morceau est trop difficile pour elle. Tämä kappale on liian vaikea hänelle. ■ Cette situation n’est pas surprenante pour nous / ne nous parait pas surprenante. Se tilanne ei ole meille yllätys. [et non pas : *Cette situation ne nous est pas surprenante.] ■ Se elokuva on liian pitkä / väkivaltainen / vaikeaselkoinen heille. Ce film est trop long / violent / compliqué / pour eux.
Cependant, on peut utiliser un pronom faible (à la forme complément de verbe prépositionnel, CVP) devant le verbe être notamment avec les adjectifs de la liste suivante, mais ce sont des exceptions, en nombre limité :
cher rakas, reconnaissant kiitollinen
familier tuttu, inconnu tuntematon, vieras, étranger vieras
indispensable välttämätön, utile hyödyllinen, hyödyksi
précieux arvokas, égal yhdentekevä, indifférent yhdentekevä.
Il m’est très cher. Hän on minulle hyvin rakas. ■ L’oxygène, ce poison qui nous est indispensable. Happi, tuo meille välttämätön myrkky. ■ Votre aide nous a été précieuse. Apunne on ollut meille hyvin arvokasta. ■ Ce sujet ne m’est pas très familier. Aihe on minulle hieman vieras. ■ Où est-ce que tu voudrais aller en vacances cet été ? – Ça m’est égal, du moment qu’on va à la mer. ■ Malheureusement, les problèmes de ses enfants lui sont totalement indifférents. ■ Comprendre une civilisation qui nous est étrangère est un travail complexe. ■ Je leur serai éternellement reconnaissant de m’avoir fait découvrir cette magnifique région. ■ Voici un outil gratuit qui pourrait vous être utile pour bien planifier le retour au travail en mode hybride !
On utilise également le pronom complément de verbe prépositionnel (CVP) dans les constructions avec des adjectifs exprimant la possibilité, la faculté, dans lesquelles l’adjectif est attribut d’un infinitif sujet postposé du verbe être, ou l’attribut d’un pronom sujet qui le remplace :
Il m’est difficile [facile, possible, impossible] de répondre. Minun on vaikea [helppo, mahdollista, mahdotonta] vastata. ■ Il m’est très pénible de tenir un livre longtemps. ■ Il vous est difficile de refuser cette offre. ■ Il leur sera impossible de terminer à temps. / Cela leur sera impossible.
Mais on ne peut pas utiliser cette construction dans les constructions attributives habituelles où l’adjectif est attribut d’un nom (ou d’un pronom qui remplace un nom). Il faut dans ce cas utiliser la préposition pour :
Ce livre *vous est trop difficile. Il * vous est trop difficile. → Ce livre est trop difficile pour vous. Il est trop difficile pour vous. ■ Ce travail *m’est impossible. Il *m’est impossible. → Ce travail est impossible pour moi. Il est impossible pour moi.
En cas de doute, on peut d’ailleurs très bien utiliser la forme pour + pronom personnel dans les constructions impersonnelles aussi :
Il est difficile pour moi de répondre. ■ Il est très pénible pour moi de tenir un livre très longtemps.
Dans les constructions du type il est normal que, les locuteurs francophones et les apprenants de français langue étrangère interprètent souvent la proposition complétive introduite par que comme le complément » de l’adjectif (*être normal que, *être bizarre que etc). Et en déduisent que le verbe de la complétive se met au subjonctif pour cette raison.
Effectivement, en français comme en finnois, certains adjectifs, qui expriment en général (mais pas uniquement) un état d’esprit (un « sentiment »), peuvent être complétés par une proposition complétive. Cette complétive exprime la cause du sentiment :
bouleversé järkyttynyt, choqué tyrmistynyt, confus hämillään, content iloinen, désolé pahoillaan, ennuyé harmistunut, étonné yllättynyt, fier ylpeä, furieux raivoissaan, gêné kiusaantunut, indigné tuohtunut, jaloux mustasukkainen (et de nombreux autres)
Ces adjectifs qualifient habituellement des êtres animés (elollinen), qui peuvent avoir des sentiments. Mais en français comme en finnois, la majorité des adjectifs, comme indispensable, souhaitable, essentiel, obligatoire, facile… n’expriment pas des sentiments et ne peuvent pas être complétés par une complétive:
*je suis amusant que… *olen hauska että… ■ *tu es naturel que… *olet luonnollinen, että… ■ *vous êtes bizarres que… *olette, kummallisia että… ■ *ils étaient recommandés que… *he olivat suositeltuja, että… ■ *tu es très compliqué que… *olet hyvin monimutkainen, että…
Dans les constructions du type il est bizarre que Clara ne t’ait pas appelé, le pronom il n’est pas le sujet dont l’adjectif serait l’attribut (ce qui signifierait ?Hän on kummallinen, että Clara ei soittanut sinulle), mais un pronom conjugateur, et la proposition complétive que Clara ne t’ait pas appelé est le sujet postposé du verbe est :
Il est bizarre que Clara ne t’ait pas appelé. =
Que Clara ne t’ait pas appelé est bizarre.
Dans la construction adjectif à infinitif (facile à lire, difficile à accepter), l’adjectif et l’infinitif forment un seul groupe sémantique et peuvent se traduire en finnois par un adjectif simple (helppolukuinen, vastenmielinen). Dans les constructions présentées ci-dessous, l’adjectif apporte un véritable complément à l’adjectif.
a. L’infinitif peut exprimer une conséquence :
Le bus était plein à craquer [le bus était si plein qu’il était sur le point de craquer]. ■ C’était un film à hurler de rire [un film si amusant qu’on en aurait hurlé de rire]. ■ Son dernier roman est nul à pleurer [si nul qu’on en pleurerait]. ■ Il était maigre à faire peur [si maigre qu’il faisait peur].
Cet emploi n’a pas d’équivalent direct en finnois, où on utilise soit un adjectif particulier (täpötäynnä, ratkiriemukas, surkea, pelottavan laiha), soit une construction consécutive niin… että… etc.
b. La préposition à peut exprimer un processus, dans certaines expressions comme être long à faire qch, qui signifie « mettre beaucoup de temps pour faire qch », ou d’autres adjectifs similaires :
J’ai été assez long à comprendre, mais maintenant avec tes explications tout me parait parfaitement clair. ■ Le service clientèle de ce FAI est en général très long à répondre. ■ Si tu n’as pas de nouvelles de moi, ne t’inquiète pas, je ne suis pas toujours rapide à répondre. ■ Ce logiciel est vraiment très lent à démarrer.
La construction adjectif à infinitif peut donc s’interpréter de différentes manières :
Jean a été long à accepter. = Jean a mis du temps avant d’accepter. [Jean est le sujet logique du verbe accepter.] ■ Jean a été long à convaincre. = Il a fallu beaucoup de temps pour convaincre Jean. [Jean est le complément logique du verbe convaincre.]
Dans les manuels de français langue étrangère, on désigne par le terme d’« adjectifs de nationalité » des adjectifs qui indiquent l’appartenance d’une personne à un pays, comme français, mexicain, islandais, car ils suivent des règles orthographiques particulières. Mais ces règles s’appliquent aussi aux adjectifs désignant les habitants d’une province, d’une région, d’une ville ou d’autres lieux géographiques : breton, limousin, lillois, francilien (d’Ile-de-France) etc.
Malgré la place que lui accordent traditionnellement les grammaires (généralistes et de français langue étrangère), la règle d’orthographe décrite ci-dessous est en elle-même un problème réellement mineur et secondaire qui concerne uniquement l’écrit : à l’oral, elle n’a aucun effet, car on n’entend pas la majuscule. Souvent, même les francophones ne maitrisent pas cette règle et l’étudiant de français langue étrangère ne doit pas s’étonner de trouver des cas où elle est mal appliquée. Mais elle recouvre un problème de grammaire que les finnophones ont souvent des difficultés à comprendre.
Selon les règles d’orthographe du français, les adjectifs désignant une nationalité (ou les habitants de villes, de régions etc.) s’écrivent avec une majuscule à deux conditions :
1) s’ils sont employés comme noms et
2) s’ils désignent un être humain.
Nous avons rencontré des Finlandais très sympathiques qui nous ont fait visiter la ville. ■ Des Français et des Allemands se rendaient en voiture au concert. ■ Le téléphérique était plein de Chinois, et le train à crémaillère de Zermatt plein de Japonais. ■ Les Européens et les Américains s’unissent pour lutter contre le cyberterrorisme. ■ Ces visiteurs sont des français qui habitent en Belgique. ■ Deux jeunes Strasbourgeoises et une dizaine de Palermitans devant un musée florentin ■ des Provençaux en visite chez des Bretons [titre d’article de presse]
Si les conditions 1 et 2 ci-dessus ne sont pas remplies, l’adjectif s’écrit avec une minuscule :
une députée strasbourgeoise [adjectif] avec des journalistes finlandais [adjectif] ■ quelques touristes français et allemands [adjectifs] ■ deux Bordelais [nom] avec un visiteur toulousain [adjectif] ■ Il étudie l’indonésien [ne désigne pas un humain]. ■ de l’osso buco à la milanaise [adjectif, voir Cas particuliers ci-dessous]
Quand l’adjectif désigne une nationalité, l’opposition majuscule/minuscule correspond donc à une opposition nom-adjectif, et la structure de la phrase est légèrement différente :
Il est français / Elle est française.[adjectif] Hän/Se on ranskalainen.
C’est un Français / C’est une Française. Hän on [eräs] ranskalainen.
En finnois, les deux phrases peuvent se traduire par une seule et même forme (Hän on ranskalainen). Pour comprendre la différence entre les deux versions possibles en français, les finnophones doivent maitriser un certain nombre de règles bien plus complexes que l’opposition minuscule/majuscule : le mot ranskalainen est-il un nom ou un adjectif ? Faut-il utiliser un article ou non devant français, faut-il dire « il/elle est » ou « c’est » ? (Lire)
L’adjectif s’écrit donc la plupart du temps avec une minuscule. On peut mentionner quelques cas qui sont source d’erreurs fréquentes, souvent chez les francophones eux-mêmes :
a) contrairement à ce que croient beaucoup d’usagers, la règle de la majuscule ne concerne pas les adjectifs désignant les adeptes d’une religion : les protestants, les juifs, les bouddhistes etc., s’écrivent normalement sans majuscule;
b) les adjectifs de nationalité désignant une langue s’écrivent en français avec une minuscule, contrairement à l’anglais :
Cet Allemand parle français, mais ce Français ne parle pas l’allemand. ■ Ce texte est du thaï, pas du cambodgien.
La règle selon laquelle un adjectif désignant une nationalité s’écrit avec une majuscule quand il est utilisé comme nom et renvoie à un référent humain permet en principe de distinguer :
Le français est difficile. Ranska (ranskan kieli) on vaikeaa. ≠ Le français est difficile. Ranskalaiset ovat vaativaisia. ■ Devant la maison, il y avait un Danois. Talon edessä seisoi tanskalainen. ≠ Devant la maison, il y avait un danois. Talon edessä seisoi tanskandoggi.
Cette distinction n’est possible que dans la forme écrite : à l’oral, quand on prononce ces phrases, il n’y a absolument aucune différence. De toute façon, ces cas sont peu nombreux.
Dans les constructions du type à la française, à la finlandaise, notamment les expressions souvent utilisées en cuisine à la bordelaise ou bordelaise (entrecôtes bordelaise), à la milanaise ou milanaise (bœuf milanaise) etc., l’adjectif n’est pas à comprendre comme un nom, mais bien comme un véritable adjectif. Il s’agit d’une construction elliptique, dans laquelle le nom mode (nom féminin, « tapa ») ou manière est sous-entendu :
à la bordelaise = « à la mode bordelaise » Bordeaux’n tapaan
à la milanaise = « à la mode milanaise » Milanon tapaan
C’est pour cette raison que l’adjectif ne s’accorde pas avec le nom :
entrecôtes bordelaise (entrecôtes pluriel, bordelaise singulier) ■ bœuf milanaise (bœuf masculin, milanaise féminin) ■ moules marinière (moules pluriel, marinière singulier) etc.
Dans un tel cas, l’adjectif ne prend évidemment pas de majuscule, sauf peut-être sur un menu, dans un but décoratif, mais c’est grammaticalement injustifié.
Dans l’utilisation des majuscules, les incohérences sont nombreuses chez les usagers francophones. Qu’il s’agisse d’adjectifs de nationalité ou de noms désignant des langues, ou dans bien d’autres cas encore (titres, noms d’institutions etc.), certains abusent des majuscules, en partie peut-être sous l’influence inconsciente de l’anglais. Il n’existe pas de norme unifiée facilement accessible au grand public ou enseignée dans les écoles. L’étudiant finnophone ne doit donc pas s’étonner de voir des pratiques très contradictoires.
Il ne faut pas confondre la construction difficile à lire, facile à accepter avec les constructions infinitives du genre il est facile de critiquer), dans lesquelles de est une conjonction.
Dans les construction adjectif à infinitif, l’adjectif forme un seul groupe sémantique avec l’infinitif, comme une sorte d’adjectif composé (l’équivalent finnois est souvent un adjectif simple, voir ci-dessous). Dans une phrase comme la suivante :
Ce film est trop long à expliquer.
ce n’est pas le film qui est long (ce film est trop long), mais l’explication. Autrement dit, le nom (n) qui est le sujet du verbe est aussi sémantiquement le complément direct de l’infinitif. Cette structure cache ainsi une construction infinitive, qui contient un verbe transitif direct :
Ce livre est facile à lire = Lire ce livre est facile. / Il est facile de lire ce livre.
Cette règle est très simple à comprendre. = Comprendre cette règle est très simple./ Il est très simple de comprendre cette règle.
C’est un pantalon impossible à repasser. = Repasser ce pantalon est impossible. / Il est impossible de repasser ce pantalon.
Le film est trop long à raconter. = Raconter le film serait trop long. / Ce serait trop long de raconter le film.
Exemples divers :
Ce dispositif est compliqué à mettre en place. ■ Ceci peut sembler stupide à dire, mais je le trouve adorable. ■ Cette vérité est dure à admettre. ■ C’est une route facile à trouver. ■ Cette particularité est facile à retenir ■ Le verbe conclure semble presque « trop » facile à conjuguer. ■ Cette chemise est facile à repasser. ■ C’est pas si évident à comprendre. ■ La décision qui a été prise est évidemment facile à critiquer, mais elle était indispensable. ■ Arnaud a été dur à convaincre, mais j’y ai mis toute ma force de persuasion et il a fini par accepter. ■ Le climat norvégien : ça peut être dur à vivre [titre de journal]
Pour qu’un verbe puisse être utilisé dans une construction adjectif à infinitif, il faut donc qu’il puisse avoir un complément de verbe direct (CVD). On ne peut donc pas utiliser n’importe quel verbe dans cette construction. Les exemples suivants, qui ont été trouvés sur Internet, sont agrammaticaux, parce que le verbe à l’infinitif ne peut pas avoir de CVD, et ils montrent que la règle est difficile à comprendre même pour les francophones :
*Ces instructions ne sont pas difficiles à se souvenir. [agrammatical, car le verbe est se souvenir de] ■ *Ce virus est difficile à se débarrasser. [agrammatical, car le verbe est se débarrasser de] ■ *Mais mon blog n’est pas compliqué à se servir. [agrammatical, car le verbe est se servir de]
Les constructions adjectif à infinitif ne peuvent cependant pas toujours être transformées en une infinitive :
C’est un spectacle horrible à regarder. → Regarder ce spectacle est horrible. ■ Mais : ? Il est horrible de regarder ce spectacle.
En effet, les constructions avec pronom conjugateur il est adjectif + complétive/infinitive ne peuvent pas être utilisées avec tous les adjectifs. On dit assez peu volontiers
? Il est/c’est compliqué de comprendre cette théorie.
parce que la complexité réside moins dans le processus de compréhension que dans la théorie elle-même (qui est en quelque sorte compliquée par essence, par nature). L’utilité de la construction n (est) adjectif à verbe est de reporter le processus verbal sur le nom, comme si c’était une caractéristique intrinsèque (ominaispiirre) du nom :
Cette théorie est compliquée à comprendre. ■ Ce pantalon est facile à repasser. ■ Ce livre est facile à lire.
De même, présentée telle quelle, sans précision supplémentaire, la phrase
Il est facile de trouver cette route.
parait légèrement étrange parce que la « facilité » est posée comme une vérité générale et n’est pas rattachée à des causes ou des circonstances particulières. Elle serait plus naturelle par exemple avec un complément :
Il est facile de trouver cette route, même quand il fait nuit.
Cette difficulté disparait avec la construction adjectif à infinitif :
Cette route est facile à trouver.
En finnois, on trouve des constructions similaires, mais dans lesquelles il n’y a aucune préposition ou autre mot de liaison rattachant l’adjectif à l’infinitif :
Erityisesti pikavipit ovat presidentin mukaan helppoja saada, mutta monelle vaikeita maksaa takaisin. ■ Suosituimmat hääpäivämäärät ovat helppoja muistaa.
Mais on peut dire qu’il n’y a pas véritablement de construction équivalente. Le finnois préfère nettement les constructions infinitives inversées :
Sitä yrittäjäpariskunnan surua oli aivan hirveä katsoa.
Dans certains cas, l’ordre des mots permet d’obtenir le même effet, mais ce n’est pas le cas avec tous les adjectifs :
Tämä kirja on helppo lukea. Ce livre est facile à lire.
On helppo lukea tämä kirja. Il est facile de lire ce livre.
Tämä tie on helppo löytää. Cette route est facile à trouver.
Souvent, la construction adjectif à verbe équivaut en finnois à un adjectif (a, b, c), mais la plupart du temps, il faut utiliser des constructions tout à fait différentes (d) :
(a) facile à lire helppolukuinen
(b) difficile à comprendre vaikeaselkoinen
(c) facile à entretenir helppohoitoinen
(d) Ce pont a été long à construire. Sillan rakentaminen kesti kauan.
En français on ne peut pas faire dépendre un infinitif introduit par à de plusieurs adjectifs à la fois. Si on veut traduire la phrase suivante :
Laite on nopea ja helppo ottaa käyttöön. (= Laitteen käyttöönotto on helppoa ja nopeaa).
on ne peut pas traduire directement ainsi :
L’appareil est rapide et facile à installer.
Laite on nopea ja helppo ottaa käyttöön
La phrase serait grammaticale, mais elle aurait un autre sens : Laite on nopea ja se on helppo ottaa käyttöön. On pourra donc traduire la phase par exemple de la manière suivante :
Laite on nopea ja helppo ottaa käyttöön.
L’appareil est d’une installation rapide et facile.
La construction nom est adjectif à verbe est également très fréquente en italien, et elle existe aussi en espagnol. En italien, la préposition introduisant l’infinitif est da, en espagnol de :
Cette route est très facile à trouver.
Questa strada è molto facile da trovare.
Esta carretera es muy fácil de encontrar.
En espagnol, cette construction est cependant d’un emploi nettement moins fréquent qu’en français et limitée à certains types d’adjectifs.
ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 16. L’adjectif. Dernière mise à jour : 8.8.2022
Mises à jour après le 15.8.2022