Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones
L’article indéfini est l’un des deux déterminants appelés « articles » dans la terminologie grammaticale française. La forme de l’article indéfini peut varier selon les critères suivants :
Ce sont généralement des critères syntaxiques assez faciles à identifier. Dans certains cas, la forme de l’article dépend aussi du sens (par exemple négation totale vs négation partielle). Il faut parfois aussi savoir identifier avec certitude la construction du verbe, ce qui est une question de connaissance du vocabulaire.
Toutes les formes qui se trouvent dans le tableau ci-dessus sont les allomorphes (les différentes formes d’un même mot) de l’article indéfini un, comme en finnois niistä, ne, niihin, sille, siitä sont des allomorphes de se.
singulier | pluriel | |||
---|---|---|---|---|
Mode de représentation | comptable | massif | comptable | |
Forme normale | masculin | un | du, de l’ | des |
féminin | une | de la, de l’ | ||
Devant adjectif antéposé | masculin | un | du, de l’ | de, d’ |
féminin | une | de la, de l’ | ||
Déterminant de CVD/sujet postposé dans phrase négative | masculin | de, d’ | ||
féminin | ||||
Après préposition de | masculin | un | ||
féminin | une |
Devant voyelle ou h non disjonctif, les formes du/de la deviennent de l’ et la forme de devient d’ (a), mais ces formes ne changent pas devant devant h disjonctif (b) :
(a) Il me faut de l’argent. ■ Il y a de l’espoir. ■ C’est de l’huile d’olive. ■ Elle a de l’humour. ■ On n’a plus d’argent.
(b) Il mange du homard. ■ Dans ma jeunesse, j’ai fait du hongrois. ■ Il ressent pour lui de la haine. ■ La source de la rivière se trouve dans de hautes montagnes.
Étymologiquement, l’article indéfini massif est formé de la préposition de et de l’article défini (le, la, les). Le groupe de + le est devenu du, mais de + la ne s’est pas amalgamé et est resté de la. Cependant, en français moderne, quand ils sont employés comme article exprimant la représentation massive, les mots du, de la, de l’ forment chacun un groupe monobloc (yhtenäinen), dans lequel de n’est plus une préposition, mais un simple élément de construction de l’article. Les formes du, de la, de l’ de l’article indéfini massif sont des entités dont les éléments sont indissociables (erottamaton).
On voit que de n’est plus une préposition parce que l’article indéfini massif peut s’utiliser après une véritable préposition. En effet, normalement, on ne peut pas utiliser une préposition après une autre : *avec pour un ami, *chez de lui etc., comme en finnois on ne peut pas dire par exemple *ystävän kanssa varten.
Il existe quelques prépositions composées formées de deux prépositions (de chez, d’entre etc.), mais il n’existe aucune préposition composée formée de deux prépositions dont la deuxième serait de.
Il serait beaucoup plus facile pour les apprenants de français langue étrangère de comprendre le fonctionnement de l’article indéfini massif (et pour les enseignants de français langue étrangère de l’expliquer et de l’enseigner) si on écrivait la forme du féminin en un seul mot : dela. Cette graphie n’aurait rien d’exceptionnel, puisqu’on écrit en un seul mot cela, qui est formé à l’origine de ce + là, ou bien delà (dans au-delà) formé de de + là, ou encore voilà formé de vois + là.
Ceci aurait plusieurs conséquences bénéfiques :
a. Il serait plus facile de comprendre que dela s’inscrit dans une série régulière de déterminants :
Elle achète | une | glace. |
Elle achète | un | gâteau. |
Elle achète | des | glaces. |
Elle achète | des | gâteaux. |
Elle achète | dela | glace. |
Elle achète | du | gâteau. |
La forme en deux mots de la se prononce de toute façon couramment /dla/
(comme ce serait évidemment aussi le cas de la forme dela), tous ces déterminants sont donc monosyllabiques à l’oral.
b. Il serait plus simple de comprendre le fonctionnement de la règle d’effacement : après la préposition de, les formes d’article indéfini commençant par d- sont effacées (comparer avec le tableau précédent) :
Elle a envie d’ | une | glace. |
Elle a envie d’ | un | gâteau. |
Elle a envie de | glaces. | |
Elle a envie de | gâteaux. | |
Elle a envie de | glace. | |
Elle a envie de | gâteau. |
On ne serait alors pas tenté d’inventer (comme c’est le cas dans certains manuels finlandais) des explications compliquées selon lesquelles « l’article défini le ou la tombe », à propos de la modification elle mange de la glace / elle ne mange pas de glace, puisque dans les séries d’exemples des deux tableaux ci-dessus il n’y nulle part un article défini.
c. Cela permettrait de distinguer plus facilement, au moins en ce qui concerne le féminin, les groupes nominaux avec un article indéfini massif et les groupes prépositionnels formés avec la préposition de, un article défini et un nom :
Elle mange | dela | glace. | article indéfini massif |
Elle sort de | la | piscine. | préposition de et article défini la |
Elle mange | du | gâteau. | article indéfini massif |
Elle sort d | u | bureau. | forme contracte de la préposition de et de l’article défini le |
Voir l’article défini : Formes contractes et Formes identiques, mots différents !
Comme tous les articles définis ou indéfinis, l’article indéfini massif fait partie de la catégorie des déterminants. Le déterminant forme avec le nom un groupe nominal. Comme l’article indéfini massif du et de la est un déterminant et non pas une forme de préposition, on peut l’utiliser sans problème après une véritable préposition pour former un groupe prépositionnel : pour de l’argent, avec du vin, dans de la boue etc., sauf après la préposition de (dans ce cas, les articles du et de la s’effacent, voir règle d’effacement ci-dessous).
Dans le groupe dans du vin, il y a donc simplement une préposition (dans), un déterminant (du) et un nom (vin), ce qui forme un groupe prépositionnel :
Groupe prépositionnel | ||
Préposition | Groupe nominal | |
préposition | déterminant | nom |
dans | le | vin |
dans | ce | vin |
dans | du | vin |
avec | ta | chance |
avec | cette | chance |
avec | de la | chance |
L’article massif de la n’est donc pas est la combinaison de deux mots différents (la préposition de et l’article défini la), mais un seul mot écrit en deux parties. Il n’y a pas d’article défini dans un article indéfini.
Les formes de base de l’article indéfini sont un / une / des / du / de la (et la variante devant voyelle de l’). Dans certains cas, on utilise une autre forme :
✍Ces changements très fréquents sont un des mécanismes fondamentaux de la grammaire du français, qu’il faut bien comprendre et savoir utiliser couramment.
Quand l’article indéfini pluriel (pas singulier, ni massif) des détermine un groupe nominal contenant un adjectif antéposé (qui précède le nom), il prend la forme de. Comparer :
adjectif postposé | adjectif antéposé |
Il m’a offert des fleursmagnifiques | Il m’a offert de très belles fleurs. |
Je vous donne un exemple différent. | Je vous donne d’autres exemples. |
L’artiste a dessiné des figures gigantesques dans la neige. | L’artiste a dessiné de gigantesques figures dans la neige. |
La règle s’applique aussi quand l’adjectif est modifié par un adverbe, qui vient se placer entre l’adjectif et le déterminant :
Il a dit de si belles choses. ■ Ce sont de très bons exemples. ■ Elle a d’assez bons résultats scolaires.
À noter :
Certains groupes adjectif antéposé + nom comme petit pois, grande personne etc., forment des mots composés, c’est-à-dire une seule unité sémantique. Dans ce cas-là, l’article indéfini pluriel qui les détermine ne change pas de forme, puisque l’adjectif n’est plus un vrai adjectif qualificatif (dont la fonction est de qualifier, de modifier le sens du nom) : le groupe adjectif + nom est lexicalisé, il est devenu un élément autonome du lexique :
un petit pois herne→ des petits pois ■ un jeune homme nuorimies → des jeunes hommes ■ une jeune fille tyttö → des jeunes filles ■ une petite cuillère teelusikka → des petites cuillères ■ un petit four pikkuleipä → des petits fours ■ une grande personne aikuinen → des grandes personnes ■ Comparer également : un grand ensemble suuri kokonaisuus → de grands ensembles ■ un grand ensemble kerrostalolähiö→ des grands ensembles.
Comment savoir à priori si un adjectif et un nom forment une seule notion ? La grammaire n’apporte malheureusement aucune aide : c’est une question de vocabulaire, c’est-à-dire de mots qu’on connait ou qu’on ne connait pas. La grammaire permet en revanche de détecter ces groupes dans le code écrit : si un adjectif antéposé pluriel est précédé de des, il y a de fortes chances pour que l’adjectif forme une seule notion avec le nom. Par exemple, dans la phrase suivante, le fait que l’article indéfini des ne soit pas devenu de indique que gros porteur forme un mot composé, un seul nom, qui correspond au finnois laajarunkolentokone :
L’armée de l’air envisage de commander des gros porteurs à un avionneur étranger. Ilmavoimat aikoo ostaa laajarunkolentokoneita ulkomaiselta valmistajalta.
Cependant, dans le français parlé, comme la règle est rarement observée (voir ci-après), rien ne permet de détecter avec certitude ces types de noms.
Dans le code écrit, la règle « des devient de devant adjectif antéposé » s’applique pratiquement systématiquement (sauf dans le cas des mots composés présenté ci-dessus). Dans le français parlé, on la néglige souvent :
Tu as acheté des beaux rideaux. ■ Au marché, j’ai trouvé des belles tomates. ■ Il y avait des petits bouleaux devant la maison.
Mais devant un adjectif (ou un adverbe) commençant par une voyelle, on utilise très souvent la forme de, même dans le français parlé :
On a appris d’excellentes nouvelles ! ■ On a vu d’énormes moustiques. ■ Ces deux petites entreprises sont d’assez grosses consommatrices d’électricité.
L’une des raisons pour lesquelles on n’applique cette règle que rarement dans le français parlé (sauf devant un adjectif commençant par une voyelle) est peut-être que n’importe quel groupe adjectif + nom peut former une notion dans l’esprit du locuteur (au moins momentanément) : des beaux fruits, des grands arbres, des petits bouleaux, des belles chaussures etc. Il peut ainsi s’opérer un glissement subtil entre appréciation pure et mot composé, dont le sens n’est pas toujours facile à interpréter pour l’apprenant de français langue étrangère :
Tu as acheté de belles chaussures. [des chaussures qui sont belles] ■ Il avait mis des belles chaussures. [des chaussures de fête, des chaussures qui n’étaient pas des chaussures de tous les jours, ou en meilleur état que ses chaussures habituelles etc.]
Quand l’article indéfini (toutes les formes, c’est-à-dire singulier, pluriel et massif) détermine un groupe nominal qui est complément de verbe direct (CVD) d’un verbe à la forme négative, il prend généralement la forme de :
J’ai une voiture. vs Je n’ai pas encore de voiture.
J’ai remarqué des fautes. vs Je n’ai pas remarqué de fautes.
Nous n’avons pas appris de mots nouveaux.
Aujourd’hui, je n’ai pas eu besoin de prendre de médicaments.
Ne fais pas de bruit.
L’article indéfini prend également la forme de quand il détermine un groupe nominal sujet postposé d’un verbe à la forme négative d’une construction impersonnelle avec le pronom conjugateur il (le sujet occupe la même position qu’un complément de verbe direct) :
Il faut un autre collaborateur. → Il ne faut pas d’autre collaborateur.
Il reste encore du fromage ? → Il ne reste plus de fromage.
Il se produisait parfois des accidents. → Il ne se produisait jamais d’accidents.
Remarque concernant le finnois : dans l’équivalent en finnois de Il passe souvent des trains de marchandises la nuit, Yöllä kulkee usein tavarajunia, le partitiivi du pluriel de la forme tavarajunia exprime la quantité indéfinie. Mais cette nuance est perdue à la forme négative, car, en finnois, dans une phrase négative, le complément ou le sujet postposé est toujours au partitiivi. Dans l’exemple suivant,
Il se produisait parfois des accidents. Joskus sattui onnettomuuksia.→
Il ne se produisait jamais d’accidents. Ei koskaan sattunut onnettomuuksia.
la forme de l’article change en français dans la phrase négative, mais cet article exprime dans les deux cas la quantité ou la nature indéfinie. En finnois, on utilise un partitiivi pluriel dans les deux cas, mais le premier exprime la quantité indéfinie, le second marque la négation.
Cependant, cette règle de la transformation de l’article dans une phrase négative ne s’applique pas systématiquement. L’article indéfini peut conserver sa forme normale dans les cas suivants.
L’article indéfini devant CVD d’une phrase négative devient de quand la négation est totale. Exemple : le locuteur devait acheter des pommes et ne l’a pas fait, il dit :
Je n’ai pas acheté de pommes.
Donc il est revenu sans les pommes prévues, le complément du verbe est « nié » complètement (complément = « zéro, rien »). De même, dans la phrase suivante, on dit que la police n’a rien trouvé qui puisse servir à accuser le suspect (complément = « zéro, rien ») :
La police n’a pas pu trouver de preuves contre le suspect. Poliisi ei löytänyt todisteita epäiltyä vastaan.
Mais la négation peut aussi être partielle : le verbe peut avoir un complément, mais ce complément est différent de celui prévu ou supposé. Dans ce cas, l’article reste généralement à la forme normale des/du/de la/de. Dans la phrase suivante, la personne a bien acheté quelque chose, mais ce ne sont pas des pommes. Ce qui est nié est la nature (laji, tyyppi) du complément, et non pas le complément tout entier :
Je n’ai pas acheté des pommes, j’ai acheté des cerises.
Remarque : la forme de peut aussi être la forme de l’article indéfini pluriel devant adjectif antéposé. Comme c’est la même forme que l’article indéfini devant complément direct d’une phrase négative, on ne voit pas de différence :
On a découvert de nouvelles exoplanètes.
de = article indéfini pluriel devant l’adjectif antéposé nouvelles
On n’a pas découvert de nouvelles exoplanètes.
de = article indéfini devant complément direct d’un verbe à la forme négative.
On voit une différence dans une phrase affirmative avec un groupe nominal au singulier :
On a découvert une nouvelle exoplanète.
On a découvert de nouvelles exoplanètes. (forme de des devant adjectif antéposé pluriel)
Quand on reprend une phrase négative sous forme affirmative, comme on le fait en finnois avec l’adverbe vaan, on conserve le plus souvent la forme normale de l’article. Le mot vaan n’a pas d’équivalent direct en français . On exprime l’idée de vaan en reprenant à la forme affirmative la phrase qui était à la forme négative :
Cette année il ne m’a pas offert une cravate, il m’a offert une chemise. ■ Il ne boit pas du vin, il boit du cidre. ■ Finalement, on n’a pas acheté des skis, on a acheté un snowboard.
Dans un tel cas, la négation peut être implicite, c’est-à-dire qu’on ne précise pas toujours le « vrai » complément après la phrase négative. Dans la phrase Je n’ai pas acheté des pommes, le simple fait de conserver l’article à sa forme normale indique qu’on a acheté quelque chose d’autre à la place des pommes, autrement dit cette forme implique un présupposé.
La négation peut aussi être partielle en ce sens qu’elle ne porte pas sur le complément direct du verbe, mais sur un autre élément de la phrase, par exemple sur l’adjectif qui caractérise le complément (et non pas sur tout le complément) :
Il ne faut pas y accorder une grande importance. [On peut y accorder de l’importance, mais pas trop.] ■ Il n’a pas obtenu des résultats vraiment intéressants [Il a bien obtenu des résultats, mais qui ne sont pas intéressants.] ■ La police n’a pas trouvé des preuves décisives contre le suspect. Poliisi ei löytänyt ratkaisevia todisteita epäiltyä vastaan. [La police a donc trouvé des preuves, mais elles n’étaient pas décisives.] ■ Nos voisins n’ont pas un petit voilier, ils ont un catamaran de 15 m !
C’est également le cas quand la négation porte sur un adverbe ou un complément de phrase. Ces éléments sont indiqués en italiques dans les exemples suivants :
Demain nous n’irons pas faire du ski. ■ Avec le temps qu’il a fait cet hiver, on n’a pas souvent fait du patinage sur le lac. ■ Autrefois, les gens ne mangeaient pas de la viande tous les jours. ■ Cette année, on n’est pas allés acheter du vin chez le producteur. [mais ailleurs] ■ Les chercheurs n’ont pas obtenu des résultats immédiatement. ■ Adecco ne pourra pas vous proposer des missions avant votre arrivée en France. ■ Vous ne pourrez pas fabriquer du fromage avec des moyens aussi dérisoires. ■ La séparation des déchets de verre est importante car on ne peut pas produire du verre incolore à partir d’un verre coloré. ■ Les Français ne boivent plus aussi souvent du vin aux repas qu’il y a encore vingt ans.
Autre exemple de ce type : dans la première des deux phrases suivantes, l’article des est devenu de (négation totale), mais dans la deuxième, il ne change pas. En effet, la deuxième phrase signifie « Il m’arrive d’oublier des choses, mais pas un visage ». Le locuteur oublie donc certaines choses, mais pas tout (négation partielle) :
1. Je n’ai pas oublié de noms ? Muistinko sanoa kaikkien nimet ?
2. Je n’oublie jamais un visage. En unohda koskaan jonkun kasvoja.
La construction ne… que (vain, pelkästään) n’a pas un sens négatif. L’article indéfini n’est donc pas modifié devant le complément de verbe direct :
Nous n’avons trouvé que des russules et des lactaires, pas de cèpes. Löysimme vain haperoita ja rouskuja, emme tatteja.
Dans la construction ni… ni …, on peut conserver l’article indéfini devant le CVD (normalement il est supprimé), pour sous-entendre que le verbe a bien un complément, mais qu’il est différent de celui prévu ou supposé. Comparer :
Je n’ai acheté ni perceuse ni ponceuse. En ostanut porakonetta enkä hiomakonetta. [= Je n’ai rien acheté du tout.]
Je n’ai acheté ni une perceuse ni une ponceuse [mais quelque chose d’autre].
Je n’ai bu ni vin ni bière. [= je n’ai pas bu de boisson alcoolisée.]
Je n’ai bu ni du vin ni de la bière [mais peut-être une autre boisson alcoolisée].
L’article indéfini conserve aussi sa forme normale si la négation cache une affirmation déguisée ou atténuée, notamment dans les questions polies ou dans l’interrogation indirecte :
Vous n’auriez pas de la monnaie ? ■ Tu ne pourrais pas me prêter un sac de couchage pour les vacances ? ■ Une association locale me demande si je ne pourrais pas leur fournir des tee-shirts avec leur logo. ■ On peut se demander si cette déclaration n’a pas donné des idées à des apprentis terroristes, à moins que ce ne soit les films d’Hollywood. ■ J’ai vu que plusieurs stagiaires prenaient des notes. N’est-ce pas de leur part une posture de réception passive ? Et dès lors ne faudrait-il pas leur fournir des notes ? ■ Tu ne voudrais pas aller faire une balade ? ■ Pardon Monsieur, vous n’auriez pas du feu ?
Dans toutes ces phrases, le verbe correspond en fait à un verbe affirmatif (si je pouvais leur fournir / a sans doute donné des idées / il faudrait fournir des notes / vous avez du feu etc.).
Dans les expressions figées qui, comme leur nom l’indique, ont une forme fixe, la négation n’influence pas la forme de l’article :
mettre des bâtons dans les roues à quelqu’un panna jollekulle kapuloita rattaisiin :
On ne va pas lui mettre des bâtons dans les roues.
ne pas casser des briques (familier) ei olla kummoinen:
Ça casse pas des briques. Se ei ole häävi.
donner des leçons saarnata :
Mais je n’ai pas donné des leçons, bien au contraire j’ai essayé de t’aider !
Certaines expressions ne sont cependant pas entièrement figées, et la négation peut éventuellement entrainer la transformation de l’article. Comparer :
Il ne faut pas dire de mal des gens qu’on ne connait pas.
Il ne faut pas dire du mal des gens qu’on ne connait pas.
Les deux phrases sont possibles et correctes (et ont le même sens). Dans la première, mal (pahaa) est le CVD du verbe dire, l’article indéfini massif devient de dans la phrase négative. Dans la deuxième phrase, dire du mal est senti comme une locution verbale figée, qui a le même sens que par exemple critiquer (comme en finnois puhua pahaa = panetella) ; la négation n’influence pas le mot du, qui est un simple élément de construction (fixe et invariable) du verbe /diʁdymal/
.
Dans les locutions formées avec faire décrivant une activité (sportive ou autre), l’influence de la négation est variable et l’usage est un peu flottant, car on trouve des cas où la forme du/de la se maintient à la forme négative. Mais le plus souvent, la règle de la négation s’applique et on utilise la forme d’article de :
Il a longtemps joué dans un club, mais ça fait maintenant des années qu’il ne fait plus de foot. ■ Il y avait beaucoup de neige et j’ai retenu la leçon : je ne fais plus de cheval en hiver. ■ Pendant un mois, je n’ai pas fait de violon, parce que j’avais une douleur au coude. ■ Je ne fais plus de yoga mais cette discipline, à condition d’avoir un bon professeur, est très bénéfique.
Exemple avec maintien de la forme de la :
Maintenant cela fait 2 ans que je ne fais plus de l’équitation ! Et cela me manque atrocement !!
Il n’existe pas de règle précise permettant de décider avec certitude si l’article devient de dans ce genre d’expressions ou s’il se maintient à la forme normale. Cela peut dépendre du contexte, du sens qu’on veut donner à la phrase et, par exemple aussi, des habitudes du locuteur. En règle générale, toutefois, dans ce genre de cas, on applique la transformation du/de la → de. Le plus simple et le plus sûr pour l’apprenant de français langue étrangère est de l’appliquer.
Il y a cependant deux cas où l’article massif reste à la forme normale du/de la :
a) quand on reprend (pour la corriger) une phrase négative sous forme affirmative (voir ci-dessus) ou quand la négation porte sur un autre élément que le CVD :
Aujourd’hui, je ne fais pas du ski, je fais du patin à glace. ■ Quand j’étais jeune, je ne faisais pas du hockey comme tous les copains, mais du ski alpin. ■ Je n’ai jamais fait de l’athlétisme dans un club et surtout je ne veux pas en faire [la négation porte sur dans un club].
b) quand la locution verbale formée avec faire est complément d’un autre verbe. En effet, dans ce cas, la négation porte sur le verbe principal et non sur la locution :
Ma femme n’aimait pas faire de la plongée sous-marine. ■ Johnny [Halliday] n’aimait pas faire de la télé, il n’aimait pas sortir trois chansons du contexte d’un show. ■ Avec ta blessure à l’épaule, il vaut mieux ne pas faire de la natation pendant un mois. ■ Aujourd’hui, je n’ai pas la force de faire de la musculation. ■ Si vous n’avez pas envie de faire de la randonnée, montez à bord du train Panoramique des Dômes pour un accès plus rapide et plus facile.
Dans ce cas aussi, malgré une très nette tendance à maintenir la forme normale de l’article, on peut trouver épisodiquement (par exemple sur Internet) des cas avec la forme d’article de, mais ils sont rares.
La transformation de un/une/des/du/de la en de ne concerne que les cas où l’article détermine un complément de verbe direct, elle ne concerne pas le cas où l’article indéfini détermine un attribut du sujet (finnois predikatiivi) :
C’est une bonne solution. vs Ce n’est pas une bonne solution. ■ Ces fleurs sont des sylvies. Nämä kukat ovat valkovuokkoja. vs Ces fleurs ne sont pas des perce-neiges. Nämä kukat eivät ole lumikelloja.
✎ En finnois non plus, la négation n’a pas d’influence sur l’attribut du sujet.
Règle d’effacement : après la préposition de, les formes d’article indéfini commençant par un d ne sont pas exprimées. Les formes qui s’effacent (häviävät, siirtyvät taka-alalle) sont des (ou de devant adjectif antéposé) et du/de la.
Dans l’exemple suivant, l’article indéfini des devant le complément de verbe direct projets s’efface quand on utilise le verbe parler de, qui se construit avec la préposition de :
Jean m’a présenté des projets intéressants. (présenter qch esitellä jtak)
*Jean m’a parlé de des projets intéressants. (parler de qch kertoa jstak) →
Jean m’a parlé de projets intéressants.
L’article indéfini massif s’efface aussi après la préposition de, par exemple dans la locution verbale avoir besoin de quelque chose :
Il me faudrait du pain.
*J’ai besoin de du pain. →
J’ai besoin de pain.
Exemples de cas où la règle d’effacement s’applique :
singulier → pluriel (un devient des, qui s’efface après de) :
J’ai besoin d’un livre.
J’ai besoin de livres.
La cour est entourée d’une clôture.
La cour est entourée d’ arbres.
■ verbes construits sans de (avec complément direct) et verbes construits avec de (complément prépositionnel) :
Je voudrais du beurre. (du article indéfini massif masculin)
J’ai besoin de beurre. (de préposition, avoir besoin de qch)
Sur la glace, ils utilisent des chaussures à crampons. (des article)
Sur la glace, ils se munissent de chaussures à crampons. (de préposition, se munir de qch)
Il réclame de l’ affection. Hän tarvitsee rakkautta. (de l’ article indéfini massif féminin)
Il manque d’ affection. Hän kaipaa rakkautta. (de préposition, manquer de qch)
■ adjectifs construits avec la préposition de :
Dans tes bottes, il y a de la neige. (de la article indéfini massif féminin)
Tes bottes sont pleines de neige. (de préposition)
Dans la vallée, il y a du brouillard. (du article indéfini massif masculin)
La vallée est pleine de brouillard. (de préposition)
Dans la cheminée, il y a de la suie. Takassa on nokea. (de la article indéfini massif féminin)
La cheminée est noire de suie. Takka on noesta mustana. (de préposition)
L’effacement concerne aussi la forme de de l’article indéfini pluriel devant adjectif antéposé (de nouveaux livres, de jeunes enfants). Comparer le singulier et le pluriel :
singulier | pluriel | ||
Il achète un nouveau livre. | Il a besoin d’un nouveau livre. | ||
Il achète de nouveaux livres. | (de article) | Il a besoin de nouveaux livres. | (de prép.) |
Elle garde un jeune enfant. | Elle s’occupe d’un jeune enfant. | ||
Elle garde de jeunes enfants. | (de article) | Elle s’occupe de jeunes enfants. | (de prép.) |
La préposition de peut avoir des sens très variés et être elle-même élément d’une préposition composée, comme dans ces exemples, où l’article indéfini s’efface au pluriel :
singulier | à cause d’ | un | problème technique teknisen vian vuoksi |
pluriel | à cause de | problèmes techniques teknisten vikojen vuoksi | |
singulier | au début d’ | une | phrase de ce genre tällaisen lauseen alussa |
pluriel | au début de | phrases de ce genre tällaisten lauseiden alussa |
La règle d’effacement provoque souvent des transformations inattendues dans la prononciation, parce que l’effacement de l’article met en contact la préposition de (prononcée simplement /d/
) avec des consonnes qui ne le sont pas dans la graphie ou quand l’article est exprimé. À cause de l’assimilation de sonorité, la réalisation sonore du groupe de mots peut être surprenante :
Il te faut des ognons ? /itfodezonjõ/
Tu as besoin d’ognons ? /tabzwɛ̃donjõ/
Il me faut des tomates. /imfodetomat/
J’ai besoin de tomates. /ʒebzwɛ̃tːomat/
J’aimerais du changement. /ʒᴇmʁᴇdyʃɑ̃ʒmɑ̃/
J’ai envie de changement. /ʒeɑ̃vitʃɑ̃ʒmɑ̃/
Il te faut des suggestions. /itfodesygʒᴇstjõ/
Tu as besoin de suggestions ? /tabzwɛ̃tsygʒᴇstjõ/
J’aimerais du café./ʒᴇmʁᴇdykafe/
J’ai envie de café./ʒeɑ̃vitkafe/
Il peut être bon de s’exercer à prononcer ces séquences pour s’habituer au moins à les reconnaitre. Voir 15.8.
Dans les constructions beaucoup de gens, peu de monde, trop de livres, nombre de cas etc., la suppression de l’article indéfini n’est pas le résultat de la règle d’effacement, mais de l’incompatibilité entre les déterminants indéfinis : après un déterminant indéfini, on ne peut pas utiliser un autre déterminant indéfini. Après les déterminants indéfinis composés comme beaucoup de, trop de, on peut donc utiliser un déterminant défini (déterminant démonstratif beaucoup de ces amis, déterminant possessif beaucoup de tes livres, article défini beaucoup des [contraction de de + les] livres qu’il a lus), mais pas un autre déterminant de quantité. L’article indéfini massif ou pluriel ne s’utilise donc pas en plus du déterminant indéfini de quantité. Comparer les phrases suivantes (les déterminants, simples ou composés, sont signalés en couleur) :
Il y a de la crème dans la soupe. ■ Il y a trop de crème dans la soupe. ■ Il faut du temps. ■ Il faut beaucoup de temps. ■ Il faut manger des fruits. Il faut manger beaucoup de fruits. ■ Dans la rue, il y avait des gens et des voitures. ■ Il y avait plus de gens et moins de voitures qu’hier.
Autre illustration de la règle d’effacement : de nombreux groupes nominaux, qui se traduisent en finnois par des noms composés et que les finnophones prennent pour cette raison pour des noms composés en français (parce qu’ils semblent présenter les mêmes caractéristiques que les noms composés, c’est-à-dire utilisation de de et absence d’article), ne sont tout simplement que le résultat de l’effacement de des après la préposition de. Il n’y a donc aucune raison de parler de noms composés dans un cas pareil :
une forêt de bouleaux ← une forêt de des bouleaux koivumetsä [une forêt de bouleaux = une forêt où il y a des bouleaux] ■ un catalogue d’accessoires ← un catalogue de des accessoires tarvikeluettelo [de = où il y a des accessoires] ■ un livre d’histoires drôles ← un livre de des histoires drôles kaskukirja [de = « où il y a »] ■ une valise de vêtements ← une valise de des vêtements laukullinen vaatteita [de = « où il y a »] ■ une table de bois ← une table de du bois puusta tehty pöytä, puupöytä [une table de bois = table faite avec du bois] ■ un sac de cuir ← un sac de du cuir nahkalaukku [de =« fait avec, fait en, fait de »] ■ un cendrier de verre ← un cendrier de du verre lasituhkakuppi [de =« fait avec »] ■ un seau de peinture ← un seau de de la peinture maalipurkki [de = « où il y a »] ■ une feuille de papier ← une feuille de du papier paperiliuska [de papier =«constitué de papier », « qui est du papier »] ■ un bâton de rouge ← un bâton de du rouge huulipunapuikko [de = « qui est du »] ■ une bouteille de vin ← une bouteille de du vin viinipullo [de = « où il y a »]
Si on compare une suite d’exemples de verbes se construisant sans préposition (exemples 1, 2, 8, 9) et de verbes se construisant avec différentes prépositions tels que les suivants :
1 | On accueille | de jeunes élèves. | ||
2 | On rencontre | de jeunes élèves. | ||
3 | On discute | avec | de jeunes élèves. | |
4 | On écrit | pour | de jeunes élèves. | |
5 | On parle | de | jeunes élèves. | |
6 | On parle | à | de jeunes élèves. | |
7 | On vit | parmi | de jeunes élèves. | |
8 | On mangera | du pain. | ||
9 | Tu achètes | du pain. | ||
10 | Ça se mange | avec | du pain. | |
11 | Ça s’étend | sur | du pain. | |
12 | J’ai besoin | de | pain. | |
13 | Ça ressemble | à | du pain. | |
14 | Je l’ai pris | pour | du pain. |
on constate que quand le verbe se construit avec de (exemples 5 et 12), l’article indéfini pluriel (des) ou l’article indéfini massif (du) « disparaissent », alors que les autres prépositions (avec, pour, à, parmi, sur) ne provoquent aucune transformation. Dans les exemples 5 et 12, comme les formes d’article commencent toutes deux par un d (des, du), pour éviter la succession de deux mots en d, ces formes d’article des/du ne sont pas exprimées.
Cette règle ne porte en général pas de nom dans les grammaires, elle est cependant connue dans certains ouvrages sous le nom de règle de cacophonie, terme qui apparait pour la première fois dans la Grammaire de Port-Royal, désignation habituelle de l’ouvrage publié à Paris en 1660 (remarquer la date déjà très ancienne) par Claude Lancelot et Antoine Arnauld, sous le titre de Grammaire générale et raisonnée. En effet, au pluriel, l’article un devient des. Après la préposition de, si l’article des se conservait, on obtiendrait donc une suite /dɶde/
déplaisante à l’oreille :
Munissez-vous d’une lampe de poche.
Munissez-vous de des lampes de poche.
Ce serait donc pour éviter la suite « cacophonique » /dɶde/
qu’on ne répèterait pas, après la préposition de, une forme d’article commençant par d. Le terme de « règle de cacophonie » est parlant et facile à retenir, et il permet de nommer simplement le phénomène. Cependant, historiquement, il est probable que les formes en d de l’article indéfini n’ont jamais été utilisées après la préposition de, justement parce que la préposition de l’a empêché.
On ne devrait donc pas parler de règle d’effacement, puisque quelque chose qui ne se prononçait pas ne pouvait pas disparaitre. Il faudrait donc plutôt parler de règle de « non apparition », ou règle de « latence » (voir ci-dessous). Cependant, on a préféré utiliser le terme de règle d’effacement, car du point de vue de l’apprenant de français langue étrangère, il y a quand même un « effacement » si on compare l’effet de la préposition de avec les autres prépositions, qui n’ont aucune influence sur l’article :
Il part | avec | des jeunes. | Ça se mange | avec | du pain. |
Il parle | de | jeunes. | Il a besoin | de | pain. |
Il écrit | pour | des jeunes. | Il l’a pris | pour | du pain. |
Qu’il soit typographique ou phonique, il y a bien un « blanc » (aukko) devant le nom (jeunes, pain) après la préposition de. Il n’y a pas de blanc avec le verbe transitif direct et les autres prépositions. Le terme de « règle de latence » illustrerait bien le fait que l’article n’a pas véritablement disparu, puisqu’il « réapparait » au singulier :
Il a besoin de chaussures.
Il a besoin d’une chaussure.
ou après d’autres prépositions que de. Mais c’est justement cet effacement, cette disparition « mystérieuse » de l’article par rapport à ce qui se passe avec d’autres prépositions, qui entraine les erreurs d’interprétation. C’est pourquoi le terme « effacement » présente un intérêt didactique.
L’article indéfini sert à définir un objet de pensée, en précisant la classe d’objets du monde à laquelle il appartient :
Ceci est une pomme. ■ Le merle est un oiseau. Mustarastas on lintu. ■ Ce liquide est de l’eau de javel. Tämä neste on kloorivettä. ■ Ce tissu n’est pas du coton, c’est de l’acrylique.
Il y a une nette similarité entre le français un et le finnois sellainen (« tel ») : c’est une pompe signifie proprement « c’est un élément de la catégorie “pompe” », comme sellainen utilisé dans la langue parlée en finnois Mikä toi on? Se on sellainen pumppu.
L’article indéfini massif s’utilise ainsi avec un grand nombre d’expressions composées du verbe faire, où on définit (caractérise) la catégorie d’activité :
faire du sport urheilla ■ faire du français lukea ranskaa ■ faire de l’équitation harrastaa ratsastusta ■ faire de l’aquajogging harrastaa vesijuoksua ■ faire du piano soittaa pianoa
L’article indéfini sert donc à caractériser un nom et pour cette raison on l’utilise souvent devant un nom caractérisé par un adjectif ou une construction équivalente (proposition relative, participe etc.). Dans ce cas aussi, en finnois, on utilise fréquemment sellainen dans la langue parlée :
Mon frère a une voiture rouge. C’est une Renault. ■ C’est un type sympathique. ■ L’article est un point difficile à comprendre. ■ Il a dit des choses que je trouve inacceptables. ■ Il parle de gens que je ne connais pas. [article des caché derrière de] ■ Je connais des étudiants n’ayant jamais été en France.
Pour la même raison, quand un nom précédé de l’article massif est modifié par un adjectif (ou une construction équivalente), l’article est souvent (mais pas obligatoirement) à la forme comptable un/une/des, et indique que le nom qu’il détermine est un type particulier (un sous-ensemble) de la catégorie :
C’est de l’ eau. → C’est une eau très fraiche. ■ Il a de la chance. → Il a une chance extraordinaire. ■ C’est du vin. → C’est un vin que je n’avais jamais gouté. Se on viinilaji, jota en ollut koskaan maistanut. ■ Elle a pris du repos. → Elle a pris un repos bien mérité. ■ Dans la bouteille, il y avait du liquide. → Dans la bouteille, il y avait un liquide d’une couleur bizarre. ■ La bouteille était remplie de liquide. [l’article indéfini massif du est effacé après la préposition de (remplie de *du liquide)]→ La bouteille était remplie d’un liquide verdâtre. ■ Il tombait une pluie fine et glacée.
sauf si le groupe nom + adjectif forme un mot composé, une seule notion :
C’est du fromage blanc. Se on rahkaa. [fromage blanc est un mot composé, ce n’est pas valkoinen juusto.] ■ Mets-y du gros sel. Lisää siihen karkeaa suolaa. [gros sel ne signifie pas ”paksu suola”.] ■ On a bu du vin rouge. Juotiin punaviiniä. [vin rouge n’est pas punainen viini. ]
La forme de l’article permet d’obtenir des nuances de sens, auxquelles il faut faire attention :
C’est du vin doux. Se on aperitiiviviiniä. [vin doux, une seule notion, mot composé.]
C’est un vin doux. Se on pehmeänmakuista viiniä. [C’est du vin, il est doux.]
Tout groupe nom + adjectif peut former momentanément dans l’esprit du locuteur une notion (même si elle n’est pas lexicalisée) :
C’est un bon vin. Se on hyvä viinilaatu. [C’est un vin qui est bon.]
C’est du bon vin. Se on ”juotavaa” viiniä. [C’est du vin qu’on peut boire.]
Dans le dernier exemple, le locuteur considère que pour lui il n’y a que deux types de vin : le bon vin et le mauvais vin ; le vin qu’il a gouté est du bon vin.
L’article indéfini détermine le nom en donnant des indications sur la classe ou la catégorie à laquelle appartient le signifié du nom, mais il ne permet pas à lui seul d’identifier de façon ce que que le nom désigne. Dans ce sens, il correspond au finnois jokin/joku ou eräs (dans la langue parlée yksi) :
Le joueur devait choisir un chiffre. Pelaajan piti valita jokin numero. ■ La semaine dernière, j’ai acheté un livre de cuisine, mais je n’y ai pas trouvé la recette. Viime viikolla ostin yhden keittokirjan, mutta en löytänyt ohjeita siitä.
En même temps, l’adjectif indéfini renseigne toujours aussi sur le nombre (ou la quantité) des objets qu’il détermine. En finnois, on utilise également jokin/ joku/ joitakin, ou eräs, dans la langue parlée yksi :
On a vu des films, mais aucun n’était vraiment bon. Nähtiin joitakin elokuvia, mutta mikään niistä ei ollut oikein hyvä. ■ Il a posé des conditions. Hän asetti joitakin ehtoja. ■ C’est des voisins qui nous l’ont dit. Yhdet naapurit kertoivat sen meille.
Remarque : ne pas traduire joitakin par quelques, qui signifie « muutamia ».
Comme l’article indéfini renvoie à un élément d’une classe, cet élément peut être présenté comme représentatif de toute la classe. On parle alors d’emploi générique :
Un chien est un animal. ■ Un livre est un ensemble de pages imprimées reliées.
Seule la forme comptable singulier de l’article indéfini peut avoir cette valeur générique. À la place du pluriel et du massif, on utilise l’article défini :
*Du vin rouge est bon pour la santé. → Le vin rouge est bon pour la santé. ■ *Des livres sont chers. → Les livres sont chers.
Cette valeur générique apparait surtout quand le nom est sujet du verbe. À l’oral, le groupe nominal à valeur générique déterminé par un article indéfini est très souvent en position détachée et repris par ça/ce :
Un chien, c’est un animal. Koira on vain eläin. ■ Un livre, c’est un ensemble de pages imprimées.
Comme en finnois, l’article massif peut déterminer un nom propre. Celui-ci désigne alors la production ou les actes habituels de la personne désignée, et l’article massif renvoie dans ce cas à un un référent virtuel sans genre déterminé, et non pas à la personne elle-même. L’article massif est à la forme sans genre du, qu’on utilise aussi devant un nom propre renvoyant à un féminin :
C’est du Schubert. ■ Ça, c’est du Michel ! Se on tyypillistä Micheliä! ■ Il a acheté un Braque. Hän osti Braquen taulun. ■ Ça fait penser à du Dali. Se muistuttaa Dalia. ■ Ça ressemble beaucoup à du Yourcenar. [auteur féminin] ■ En ce moment je lis du Gavalda. [auteur féminin] ■ C’est du Marie tout craché ! Se on tyypillistä Marieta.
Dans le français parlé, on utilise fréquemment l’article massif déterminant un adjectif à la place de la construction quelque chose de + adjectif. L’adjectif est utilisé avec une valeur générique, sans genre spécifique. On utilise donc uniquement la forme du masculin du (devant voyelle de l’) :
Il me faut du bon marché. ■ Non moi il me faut du décalé. Du contradictoire. Je suis réceptive au côté digne et absurde des films de ce réalisateur. ■ Cet auteur veut du drôle, du désinvolte, du léger. ■ Ils ne cherchent pas à perfectionner l’art de leurs devanciers ni leurs propres talents non, il leur faut du nouveau. ■ Alors c’est du psychologique ou du réel, finalement? ■ En effet, la formation, c’est du « relationnel », de l’animation d’équipe, c’est autre chose que du cours magistral. [exemples divers d’Internet]
On emploie également cet article massif masculin (neutre) devant des expressions numériques exprimant une mesure (code écrit courant ou français parlé) :
Elle chausse du 38. ■ En tour de hanches, je fais du 84 cm. ■ J’ai essayé du S, mais c’était trop petit, j’ai dû prendre du M.
Dans ce cas aussi, si le nom est modifié par un adjectif, on utilise l’article indéfini comptable :
Taille-t-elle un grand 37 ou pas ? ■ C’est très laid, d’autant que je fais un petit 85B. ■ C’était vraiment un XL gigantesque.
Ces tournures sont typiques de la langue courante (tous les exemples ci-dessus sont tirés de divers forums ou sites Internet). Dans la langue soignée, ces expressions seraient tournées (par exemple) ainsi :
Mon tour de hanches est de 84 cm. ■ J’ai essayé la taille S, mais c’était trop petit, j’ai dû prendre la taille M.
Le mot un peut, conformément à son étymologie (latin unum) signifier le nombre « 1 ». À l’oral, il est souvent accentué (variation d’intonation). À l’écrit, on peut souligner le sens numéral avec l’adjectif seul (ainoa) ou en mettant le mot un en italiques, mais ce n’est pas toujours nécessaire :
Il me faudrait une pièce de deux euros. ■ J’ai passé presque une heure dans la librairie, mais je n’ai acheté qu’un livre. ■ Un seul élève avait préparé le texte. ■ Je n’ai pas ouvert un livre de tout l’été.
En finnois, il y a différents déterminants (démonstratifs, indéfinis etc.), mais pas de mots directement équivalents aux articles français un ou le. Cependant, certains mots sont souvent utilisés d’une façon qui rappelle grandement l’article indéfini français.
Les équivalents proposés ici s’utilisent en finnois essentiellement dans le code écrit courant (yleiskieli) ou le finnois parlé. Dans le code écrit strict (kirjakieli), on ne les emploie quasiment jamais. Mais le finnois parlé est très utile au moins pour tester la possibilité de l’utilisation de l’article indéfini.
■ sellainen (sellane) (catégorisation) = un/une/des
Se oli sellane drone. C’était un drone. ■ Ne oli sellasia kunnon sipuleita. C’était de vrais ognons. ■ Se oli sellane mukava pikku puisto. C’était un petit parc sympa.
En finnois, on utilise aussi sellainen avec cette valeur dans le code écrit, mais de façon nettement moins systématique.
■ joku (nature indéfinie) = un/une/des
Löysin jonkun maksukortin, mitä teen? J’ai trouvé une carte bancaire. Qu’est-ce que je fais ? ■ Kerrankin mä löysin jonkun hyvän tarjouksen. Pour une fois j’ai trouvé une bonne promo.
En finnois, on utilise aussi jokin/joku avec cette valeur, mais assez rarement.
■ joitain (nature indéfinie et quantité indéfinie) = des
Tarvetta ois vielä ostaa joitain juttuja kotiin. Il faudrait que j’achète encore des trucs pour la maison.
En finnois, on utilise aussi fréquemment joitakin dans le code écrit avec ce même sens.
■ yksi (identité non précisée) ; au pluriel yksiä ou joitain = un/une/des
Joo, ootas hetki ku teen yhen jutun nopeasti. Attends, je fais un truc vite fait. Ostin yhden kirjan. J’ai acheté un livre. ■ Alkukesästä ostin yksiä vieraita varten monta pakettia. Au début de l’été j’en ai acheté plusieurs paquets pour des invités. ■ Netistä löysin joitain sivuja koodaamisesta. Sur internet, j’ai trouvé des pages sur le codage.
En finnois, dans le code écrit l’équivalent de yksi est eräs (ou muuan dans le style soutenu).
Dans tous ces cas, si en finnois on peut utiliser sellainen / joku / joitain / yksi, en français il y a un article indéfini.
La règle de la transformation de l’article indéfini en de dans une phrase négative ne concerne que le cas où l’article détermine un complément de verbe direct. Elle ne concerne pas l’attribut du sujet. En finnois, l’adjectif attribut au pluriel se met souvent au partitiivi (pluriel). Cela provoque des confusions innombrables et des fautes de grammaire chez les apprenants finnophones, qui appliquent la règle de la négation à l’attribut du sujet, selon le raisonnement suivant :
Elle mange des pamplemousses. | → Elle ne mange pas de pamplemousses. |
Ce sont des pamplemousses. | → Ce ne sont pas*de pamplemousses. |
On note ainsi les erreurs suivantes :
**Ce ne sont pas d’amis. ■ **Elles ne sont pas d’étudiantes. ■ **Les livres pour enfants ne sont pas de livres semblables aux livres d’adultes. ■ **Les occurrences que nous avons trouvées ne sont pas d’exemples convaincants. Etc.
Ces phrases sont agrammaticales en français et ne sont jamais produites par les francophones. Il faut donc surveiller ce point et éviter ces erreurs. L’influence du finnois est si forte que même des étudiants avancés sachant bien le français en commettent régulièrement.
Dans les exemples suivants, il n’y a que des attributs du sujet, pas de complément de verbe direct :
Cet appareil n’est pas un téléviseur, c’est un simple moniteur. Tämä laite ei ole televisio vaan pelkkä monitori. ■ Ce n’est pas un appareil photo. Tämä ei ole kamera. ■ Ces alpinistes ne sont pas des professionnels. Nämä vuorikiipeilijät eivät ole ammattilaisia. ■ Ce n’est pas de l’espagnol, c’est du catalan. ■ Ce n’est pas de l’amitié. ■ Ce n’est pas du vin de table, c’est du vinaigre ! Tämä ei ole pöytäviiniä vaan suorastaan etikkaa! ■ Ce que tu écoutes n’est pas du Sibelius.
Remarquer que dans certains de ces exemples, on a le partitiivi en finnois :
Nämä vuorikiipeilijät eivät ole ammattilaisia. ■ Se ei ole espanjaa. ■ Se ei ole ystävyyttä. ■ Tämä ei ole pöytäviiniä vaan suorastaan etikkaa! ■ Se mitä kuuntelet ei ole Sibeliusta.
Mais ce n’est pas à cause de la forme négative. En effet, à la forme affirmative, on aurait aussi le partitiivi :
Nämä vuorikiipeilijät ovat ammattilaisia. ■ Se on espanjaa. ■ Se on ystävyyttä. ■ Tämä on pöytäviiniä. ■ Se mitä kuuntelet on Sibeliusta.
La négation ne change donc pas la forme de l’attribut en finnois non plus : si l’attribut est au nominatiivi dans la phrase affirmative, il reste au nominatiivi dans la phrase négative :
Tämä laite on televisio./ Tämä laite ei ole televisio. ■ Hän on opiskelija/Hän ei ole opiskelija. etc.
Les étudiants finnophones devraient donc connaitre et se rappeler cette règle, qui est énoncée ainsi dans VISK §944 :
Lauseen kielteisyys ei vaikuta adjektiivi- tai substantiivipredikatiivin sijaan toisin kuin objektin sijaan; vain eräissä määränilmauksissa (» §956) sekä tuloslauseessa (» §957) kielteisyys edellyttää partitiivia.
Si l’attribut est au partitiivi dans la phrase affirmative, il reste évidemment au partitiivi dans la phrase négative :
Nämä vuorikiipeilijät ovat ammattilaisia. ■ Nämä vuorikiipeilijät eivät ole ammattilaisia.
De même, si l’attribut est au partitiivi dans la phrase négative, il reste au partitiivi dans la phrase affirmative :
Nämä eivät ole tavallisia virheitä. ■ Nämä ovat tavallisia virheitä.
Pour résumer, on peut comparer les deux phrases suivantes :
En Afrique, on trouve des scorpions. En Finlande, on ne trouve pas de scorpions. (scorpions complément direct, des devient de dans la phrase négative.)
Les scorpions sont des arachnides. Les scorpions ne sont pas des insectes. (insecte attribut, des ne change pas de forme. Skorpionit ovat hämähäkkieläimiä. Skorpionit eivät ole hyönteisiä.
Comme il est expliqué ci-dessus, l’utilisation de la forme de de l’article indéfini devant le CVD d’une phrase négative indique souvent un présupposé (ennakko-olettamus). L’exemple suivant montre que la forme de l’article peut apporter une nuance de sens importante :
Ça y est, tu as acheté une télévision ? – Pas vraiment, je n’ai pas acheté une télévision.
Joko ostit television? – En ihan, en ostanut televisiota.
La réponse indique qu’on n’a pas acheté la télévision prévue, mais quelque chose d’autre (par exemple une machine à laver). On n’a cependant pas besoin de préciser qu’on a acheté autre chose : c’est indiqué par le choix de une à la place de de. On constate donc qu’on conserve la forme normale de l’article devant CVD d’une phrase négative quand on présuppose que le complément devait être différent.
Ce présupposé repose sur un savoir implicite, qu’on pourrait appeler « contextuel » : on suppose que le destinataire du message sait implicitement, d’après la situation, le contexte etc., quel devait être le complément prévu du verbe. Ce savoir peut même nécessiter des connaissances implicites sur la culture du pays. Par exemple, en France, dans les grands repas de famille, on sert souvent comme hors-d’œuvre du poisson. Si, à un tel repas, on sert un autre genre de hors-d’œuvre, quelqu’un pourra dire en racontant le menu : « comme hors-d’œuvre, on n’a pas eu du poisson ». Ce qui signifie : « on ne nous a pas servi du poisson, qui, comme vous le savez, est traditionnellement au menu, mais quelque chose d’autre ».
Cependant, on n’est jamais obligé d’ajouter cette information supplémentaire, ce présupposé : le locuteur peut très bien choisir de dire la phrase de manière neutre et appliquer la règle normale, c’est-à-dire transformer l’article indéfini dans la phrase négative et utiliser de à la place de des/du/de la :
Il n’a pas acheté de pommes, il a acheté des poires. ■ Cette année il ne m’a pas offert de cravate, il m’a offert une chemise. ■ Il ne boit pas de vin, il boit du cidre. ■ En hors-d’œuvre, on n’a pas eu de poisson, on eu du foie gras.
De même, on peut supprimer l’article après ni … ni …, même si c’est une négation partielle (alors que dans ce cas, on pourrait conserver l’article) :
Je n’ai bu ni vin ni bière, j’ai bu de l’eau ! ■ Je n’ai acheté ni perceuse ni ponceuse, j’ai acheté une scie sauteuse.
On peut donc toujours appliquer la règle de la transformation « des/du/de la devient de devant CVD d’une phrase négative ». En revanche, on ne peut pas toujours conserver l’article normal un/une/des/du, s’il n’y a pas de présupposé, d’information supplémentaire. Si on rentre du supermarché en disant Je n’ai pas acheté des pommes, ce qui présuppose qu’on a acheté autre chose, alors qu’en réalité on n’a rien acheté d’autre à la place, l’information sera faussée : la personne à qui on dit cela pourra demander Ah bon ? Et qu’est-ce que tu as rapporté à la place ? Si on répond qu’on n’a rien rapporté, l’autre personne pourra trouver bizarre qu’on ait dit Je n’ai pas acheté des pommes, parce que cela impliquait qu’on avait acheté quelque chose d’autre.
Bon à savoir pour l’étudiant de français langue étrangère : pour cette raison, on peut dire que le choix de la forme de l’article devant complément de verbe direct d’une phrase négative n’entraine jamais de phrases totalement agrammaticales. Dans le pire des cas, comme on vient de l’expliquer, on risque d’ajouter une information un peu surprenante. Dire je n’ai pas acheté des pommes alors que la situation aurait exigé qu’on dise je n’ai pas acheté de pommes (parce qu’il n’y avait pas de présupposé) est bien moins grave que de dire *Ce ne sont pas de pommes (application erronée de la règle du complément négatif à l’attribut d’une phrase négative), erreur fréquente chez les apprenants finnophones qu’aucun francophone ne produira jamais.
À cela on peut aussi ajouter le fait que dans la situation de production spontanée de l’oral, l’application de la règle est moins régulière, parce qu’on ne réfléchit pas toujours forcément à ces nuances et parce que les phrases se construisent au fur et à mesure ou de façon plus désordonnée qu’à l’écrit. Mais à l’écrit (littéraire), la règle semble s’appliquer de façon régulière : des statistiques sommaires établies à l’aide d’un traitement de texte dans deux romans montrent que sur 27 occurrences de groupes nominaux complément de verbe direct dans une phrase négative, on a 27 cas où la forme d’article est de (article indéfini comptable ou massif) et aucun avec des/du. Tout dépend de l’interprétation par le locuteur (et son destinataire) de la situation objective. Il faut donc se garder d’une application ou d’une interprétation trop mécanique ou trop livresque de cette règle.
ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 17. L’article indéfini. Dernière mise à jour : 2.10.2021
Mises à jour après le 15.8.2022