Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones
Comme le mot de peut représenter différents éléments du discours (préposition, conjonction, article), il peut être difficile de les distinguer, par exemple dans un groupe [de + adjectif] :
Il est heureux de partir.
Il est normal de partir.
Les deux phrases se ressemblent à première vue, pourtant leur structure est différente. Cette structure dépend du sens de l’adjectif, et ce sens dépend du type de référent (animé ou non animé) du nom auquel l’adjectif se rapporte.
Certains adjectifs exprimant un sentiment, un état d’esprit, peuvent se rapporter à un nom désignant un animé et avoir un complément exprimant la cause de ce sentiment, exactement comme en finnois :
être heureux de qch, scandalisé de qch, étonné de qch, joyeux de qch, déçu de qch, ravi de qch, embarrassé de qch etc.
olla iloinen jostakin, tyrmistynyt jostakin, yllättynyt jostakin, pettynyt jostakin, hämmentynyt jostakin etc.
Il est heureux de ta venue. Hän on iloinen tulostasi.
Elle est ravie de votre réponse. Hän on hyvin iloinen teidän vastauksestanne.
Ils étaient embarrassés de cette proposition. He olivat hämmentyneitä siitä ehdotuksesta.
D’autres adjectifs ne se rapportent (en général) pas à un nom animé et ne peuvent pas avoir de complément exprimant la cause :
amusant, anormal, bizarre, bon, caractéristique, concevable, douteux, drôle, effarant, effrayant, égal, étonnant, étrange, facile, faux, fréquent, habituel, impensable, impossible, important, inacceptable, inconcevable, indifférent, invraisemblable, navrant, normal, nécessaire, peu probable, possible, rare, regrettable, révélateur, scandaleux, surprenant, triste, urgent, utile etc.
Ainsi, on ne peut pas dire *je suis normal de partir, tu es nécessaire d’accepter, pas plus qu’en finnois on ne peut dire *olet hyödyllinen lähdöstäsi, *hän on mahdoton lähteä, *olla tarpeellinen jostakin, *olla helppo jostakin etc.
Dans la phrase Il est heureux de partir, le mot il est donc le pronom IL à référent humain (et désigne par exemple le garçon), le mot heureux est un adjectif attribut (predikatiivi), et le groupe de partir est le complément de cet adjectif, en finnois : hän on iloinen siitä, että pääsee lähtemään.
Inversement, dans la phrase il est normal de partir, le mot il ne peut pas être un pronom anaphorique, car on ne peut pas dire *je suis normal de partir. Le pronom il ne peut être que le pronom conjugateur. Le groupe de partir est le sujet postposé du verbe, de est la conjonction complétive utilisée devant un infinitif. Les éléments en couleur dans les exemples suivants sont les sujets des phrases :
(a) Il est heureux de pouvoir enfin voyager de nouveau.
(a’) Hän on iloinen siitä, että pääsee vihdoinkin taas matkustelemaan.
(b) Il est réjouissant de pouvoir enfin voyager de nouveau.
(b’) On ilahduttavaa että pääsee vihdoinkin taas matkustelemaan.
Quand le mot il est un pronom conjugateur comme dans l’exemple (b), dans la langue courante (écrite et orale) il est fréquemment remplacé par le pronom conjugateur ça (exemple (c) ci-dessous). La forme c’ est la forme de ÇA qui s’utilise devant est, mais d’autres formes sont possibles aussi, comme devant la forme d’être au conditionnel dans l’exemple (d) :
(b) Il serait réjouissant de pouvoir enfin voyager de nouveau.
(c) C’est réjouissant de pouvoir enfin voyager de nouveau.
(d) Ça serait réjouissant de pouvoir enfin voyager de nouveau.
(b) Il = pronom conjugateur dans le code écrit.
(c) C’ = pronom conjugateur dans la langue courante (devant est).
(d) Ça = pronom conjugateur dans la langue courante (devant une autre forme que est).
Certains adjectifs peuvent cependant avoir deux interprétations :
heureux : onnellinen ou suotuisa
malheureux : surullinen ou epäonninen, valitettava
honteux : häpeissään ou häpeällinen
Dans un tel cas, si le sujet du verbe être est il, une même phrase peut s’interpréter de deux façons, selon que il est le pronom personnel IL (il = hän) ou un pronom conjugateur :
Il est heureux que tu partes.
Hän on iloinen siitä, että lähdet. (il pronom personnel)
On hyvä asia, että lähdet. (il pronom conjugateur)
Il est malheureux que ses amis aient laissé passer l’occasion.
Hän on harmissaan siitä, että hänen ystävänsä päästivät tilaisuuden käsistään.
On valitettavaa, että hänen ystävänsä päästivät tilaisuuden käsistään.
Il est honteux que son collègue ait dû démissionner.
Hän on häpeissään siitä, että hänen työkaverinsa joutui eroamaan.
On häpeällistä, että hänen työkaverinsa joutui eroamaan.
Cette double interprétation des adjectifs heureux, malheureux et honteux est également possible dans les complétives avec un verbe à l'infinitif :
Il est malheureux d’avoir laissé passer cette occasion.
Hän on harmissaan siitä, että hän päästi sen tilaisuuden käsistään. ou bien
On valitettavaa, että tämä tilaisuus päästettiin käsistä.
Le sens de la phrase dépend du contexte. Le nombre de ces adjectifs est cependant limité. De plus, ce problème n’existe évidemment pas avec d’autres pronoms : dans les phrases je suis honteux que…, elle est heureuse que… etc., les pronoms ne peuvent être que de « vrais » pronoms, et non des pronoms conjugateurs :
Je suis heureux que tu partes.
Olen iloinen siitä, että lähdet.
Elle est malheureuse que ses amis aient laissé passer l’occasion.
Hän on harmissaan siitä, että hänen ystävänsä päästivät tilaisuuden käsistään.
Ils sont honteux que leur collègue ait dû démissionner.
He ovat häpeissään siitä, että heidän työkaverinsa joutui eroamaan.
Si dans la langue courante (voir ci-dessus) on utilise les formes du pronom conjugateur ÇA à la place de il, les phrases sont différentes :
Il est malheureux que ses amis aient laissé passer l’occasion.
Hän on harmissaan siitä, että hänen ystävänsä päästivät tilaisuuden käsistään.
C’est malheureux que ses amis aient laissé passer l’occasion.
On valitettavaa, että hänen ystävänsä päästivät tilaisuuden käsistään.
Il est honteux que son collègue ait dû démissionner.
Hän on häpeissään siitä, että hänen työkaverinsa joutui eroamaan.
C’est honteux que son collègue ait dû démissionner.
On häpeällistä, että hänen työkaverinsa joutui eroamaan.
Remarque : on n’utilise pratiquement pas la forme c’est heureux que…, mais plutôt c’est une bonne chose que…, c’est une grande chance que…
Lire aussi Difficile à ou difficile de ? ci-dessous.
On comprend souvent la construction il faut + GN ou il faut + complétive comme un verbe suivi d’un « complément direct » : il faut quelque chose serait analogue à je veux quelque chose. En réalité, le GN ou la complétive (indiqués en couleur ci-dessous) sont le sujet (postposé) du verbe :
Il faudra de nouvelles analyses pour confirmer que c’est bien ce virus.
Il faudrait plus de précisions.
Il faut que tu lui téléphones.
C’est pour cette raison que le verbe de la complétive se met au subjonctif, car normalement le verbe de toute complétive en fonction de sujet se met au subjonctif . Le subjonctif ne s’utilise donc pas parce que falloir serait « le complément » d’un verbe de « volonté », comme on le pense souvent.
De même, dans la construction il faut + infinitif, l’infinitif est en fonction de sujet :
Il faut partir.
Il faut en parler.
Il aurait fallu faire preuve de plus de détermination.
C’est ce qui différencie falloir de devoir : le verbe devoir est un auxiliaire modal, qui modifie l’infinitif (un peu à la manière d’un adverbe), tandis que falloir est un verbe intransitif. Cette différence se voit notamment au passif : le verbe falloir ne peut pas se mettre au passif, car il n’a pas de complément direct (CVD) :
Il faut examiner ce problème →
Ce problème doit être examiné.
[Ce problème *faut être examiné est agrammatical]
Le verbe il faut ne peut pas être mis au passif, car le mot il est un pronom conjugateur, et non pas un pronom anaphorique qui remplace un nom et qui pourrait devenir l’agent du verbe au passif. L’élément qui suit il faut (il faut de l’eau, il faut penser à réserver à l’avance etc.) n’est pas le complément direct du verbe, mais le sujet du verbe falloir.
L’erreur fréquente chez les finnophones est de construire il faut comme un auxiliaire d’un verbe passif, et de dire par exemple **Cette phrase faut être répétée, qui est agrammatical. L’erreur est d’utiliser falloir comme on utilise pouvoir ou devoir. Elle s’explique par l’influence du finnois, où utilise des constructions identiques dans le cas de certains verbes impersonnels :
(a) Tämä lause voidaan toistaa. Cette phrase peut être répétée.
(b) Tämä lause pitää toistaa. Cette phrase doit être répétée.
(c) Tämä lause täytyy toistaa. **Cette phrase faut être répétée.
En français, les formes correctes possibles pour la phrase (c) sont :
Cette phrase doit être répétée. ou Il faut répéter cette phrase.
Dans la construction il faut aborder ce problème avec prudence, le GN ce problème est le complément direct du verbe aborder, et non pas du verbe falloir. Toute la construction infinitive aborder ce problème avec prudence est le sujet de falloir. La transformation passive se fait donc par exemple avec une proposition complétive :
Il faut aborder ce problème avec prudence. → Il faut que ce problème soit abordé avec prudence.
Il faut suivre cet exemple. → Il faut que cet exemple soit suivi.
Il aurait fallu respecter les consignes de sécurité. → Il aurait fallu que les consignes de sécurité soient respectées.
Il ne faut plus retarder l’adoption de ces mesures. → Il ne faut pas que l’adoption de ces mesures soit encore retardée.
Il faudrait mieux aménager les pistes cyclables. → Il faudrait que les pistes cyclables soient mieux aménagées.
Il aurait fallu classer les données autrement. → Il aurait fallu que les données soient classées autrement.
L’autre solution, plus simple, est d’utiliser devoir avec un infinitif passif :
Il faut aborder ce problème avec prudence. → Ce problème doit être abordé avec prudence.
Il faut suivre cet exemple. → Cet exemple doit être suivi.
Il aurait fallu respecter les consignes de sécurité. → Les consignes de sécurité auraient dû être respectées.
Il ne faut plus retarder l’adoption de ces mesures. → L’adoption de ces mesures ne doit plus être retardée.
Il faudrait mieux aménager les pistes cyclables. → Les pistes cyclables devraient être mieux aménagées.
Il aurait fallu classer les données autrement. → Les données auraient dû être classées autrement.
Le verbe falloir peut être utilisé avec un complément de verbe prépositionnel (CVP): falloir à quelqu’un, exactement comme manquer à quelqu’un (car le verbe falloir a au départ ce sens de « manquer, faire défaut ») :
Il faut à ce garçon plus d’énergie.
Il faut à ce peuple un avenir.
Il faudrait à ce pays une réforme radicale des institutions.
La forme du pronom est donc le pronom faible CVP me te lui etc. :
Il lui faut plus d’énergie.
Il lui faut un avenir.
Il nous faudrait une réforme radicale des institutions.
Il leur a fallu des années pour trouver un acheteur.
Dans le code écrit, on utilise la même structure quand le sujet de falloir est un infinitif : le pronom CVP désigne alors l’actant (agentti) à qui il est nécessaire de faire quelque chose :
Il lui faudrait réfléchir davantage avant de se décider.
Il me faut consulter un spécialiste.
Il nous fallut abandonner alors que nous avions à peine commencé la montée vers le camp de base.
Cette construction avec infinitif et CVP ne peut s’utiliser que si le CVP est un pronom. On ne peut pas l’utiliser avec un groupe nominal (GN) : *il faut à ce pays se développer ou *il faut au malade consulter un spécialiste. Si le CVP est un groupe nominal, il faut utiliser une complétive avec un verbe conjugué et introduite par que; le groupe nominal est alors le sujet du verbe :
Il faut que ce pays se développe.
Il faut que le malade consulte un spécialiste.
De toute façon, la construction avec infinitif et pronom CVP s’utilise essentiellement dans le code écrit. Dans la langue courante, on utilise habituellement il faut que :
Il lui faudrait réfléchir davantage avant de se décider. → Il faudrait qu’il réfléchisse davantage avant de se décider.
Il me faut consulter un spécialiste. → Il faut que je consulte un spécialiste.
Il nous fallut abandonner. → Il a fallu que nous abandonnions.
Certains verbes courants posent souvent des problèmes à cause de la manière dont la complétive infinitive est reliée au verbe.
Certaines constructions infinitives similaires peuvent cacher des structures différentes. C’est notamment le cas avec se souvenir de. Comparer :
(a) Je me suis souvenu de le lui dire.
(b) Je me souviens le lui avoir dit.
Dans la phrase (a), il s’agit du verbe se souvenir de qch qui, employé avec un infinitif qui est un complément prépositionnel, a le sens de « ne pas oublier de faire qch ». Dans la phrase (b), se souvenir a le sens de « garder en mémoire » et il est construit avec une proposition infinitive qui est un complément direct. On retrouve la même différence en finnois :
Je me suis souvenu de le lui dire. Muistin sanoa sen hänelle.
Je me souviens le lui avoir dit. Muistan sanoneeni sen hänelle.
Le verbe penser est un des verbes déclaratifs qui peut être suivi d’une construction infinitive sans conjonction de. Il signifie « estimer que » (luulla) ou « avoir l’intention de » (aikoa) :
Je pense luulen que je peux venir. / Je pense luulen que j’achèterai cette maison.
Je pense luulen pouvoir venir. / Je pense aion acheter cette maison.
Il ne faut pas confondre ce verbe avec penser à, qui signifie « se rappeler de faire qch, ne pas oublier de faire qch » :
Pense à acheter du lait ! Muista ostaa maitoa.
Il faudra penser à téléphoner au réparateur. Pitää muistaa soittaa korjaajalle.
Deuxième erreur fréquente : il ne faut pas utiliser la préposition de après penser : *je pense de venir, *je pense d’acheter, phrases agrammaticales (erreurs fréquentes chez les finnophones). Le verbe penser ne se construit jamais avec de (que de soit une préposition ou une conjonction).
Dans le français courant, on utilise beaucoup le verbe penser + infinitif pour exprimer une intention (pour rendre l’idée du finnois aikoa). À la place, on peut aussi utiliser le verbe très idiomatique compter, qui n’est pas non plus suivi d’une conjonction (ni de ni à). Ces deux verbes traduisent l’idée de olla tarkoitus, meinata, aikoa :
Bon, maintenant que tu as fini ta thèse, qu’est-ce que tu comptes faire ?
Je pense prendre un mois de vacances et ensuite je compte demander une bourse.
Qu’est-ce que vous comptez faire cet été ?
On comptait aller visiter la Scandinavie.
Tu comptes faire quoi ce soir ?
Le verbe censer s’utilise uniquement à la forme passive et suivi d’une construction infinitive, qui n’est pas introduite par la conjonction de. Exemples :
Vous étiez censé préparer un exposé pour aujourd’hui, l’avez-vous terminé ? Teidän piti valmistaa esitelmä täksi päiväksi, saitteko sen valmiiksi?
Nous étions censés devenir plus concurrentiels et plus productifs. Nous étions censés pouvoir subvenir à nos besoins. Meidän piti tulla kilpailukykyisemmiksi ja tuottavammiksi. Meidän oletettiin pystyvämme elättämään itseämme.
Je ne suis pas censé le savoir. Minun ei kuulu tietää sitä. ou Mistä sen olisin voinut tietää!
Nul n’est censé ignorer la loi. Kaikkien oletetaan tuntevan lait.
Cette construction correspond exactement à l’anglais to be supposed + infinitif, et dans la langue moderne, sous l’influence de l’anglais, on entend également utiliser supposer à la place de censer, par attraction avec l’anglais (usage critiqué par les puristes, mais devenu tout à fait banal) : je ne suis pas supposé le savoir.
Certains verbes utilisés couramment dans un texte argumentatif, par exemple pour citer ou commenter les idées d’un autre auteur, sont fréquemment utilisés de façon erronée par les étudiants finnophones avec une complétive introduite par que. Certains verbes finnois peuvent avoir comme complément une proposition introduite par että, mais les verbes français correspondant ne peuvent pas se construire avec que.
Pour traduire la construction tekijä jatkaa, että, il est impossible de dire en français *l’auteur continue que…, car continuer ne peut recevoir comme complément direct (CVD) qu’un groupe nominal, et non pas une complétive. De la même manière, poursuivre ne peut pas s’utiliser avec un CVD sous forme de complétive : *l’auteur poursuit que… est impossible ou au moins maladroit en français. Bien qu’on en trouve des exemples dans des écrits scientifiques de francophones, il vaut mieux l’éviter.
La première solution (et la plus simple), si on peut en même temps faire une citation directe, est d’utiliser une proposition sans que introduite par un deux-points :
L’auteur poursuit : « … »
L’auteur continue : « … »
L’auteur ajoute : « … »
La deuxième solution, aussi simple (quand on ne veut pas faire une citation directe) est d’utiliser des verbes qui peuvent recevoir comme complément une complétive introduite par que :
L’auteur ajoute que …
L’auteur dit plus loin que…
L’auteur dit également que…
L’auteur précise que…
Il est également possible d’utiliser une construction avec un gérondif :
(a) L’auteur continue en disant que…
(b) La personne interrogée poursuit en ajoutant que / en précisant que…
Cependant, l’utilisation de continuer ou poursuivre de façon absolue (sans complément exprimé) peut parfois avoir une nuance indésirable (la phrase (a) aurait un peu le sens de « tekijä sen kun jatkaa ja lisää että… »), et il est plus prudent de ne pas l’utiliser. On peut résoudre le problème en ajoutant un CVD :
(a’) L’auteur continue sa démonstration/son exposé en disant que…
(b’) La personne interrogée poursuit son récit/sa description en ajoutant que/en précisant que…
Cependant, poursuivre utilisé sans complément est d’usage courant sous forme d’incise : Ce texte, poursuit-il, serait la preuve que…. Mais on dit plus difficilement continue-t-il .
La construction *insister que est considérée comme agrammaticale ou très maladroite dans la norme du code écrit. Le verbe insister n’a pas un complément direct, il se construit avec la préposition sur (insister sur qch). On n’écrit donc pas *l’auteur insiste que…. Pour faire suivre le verbe insister d’une complétive, il faut rajouter le support de subordination le fait :
L’auteur insiste sur le fait que…
Nous insistons sur le fait que…
On peut également utiliser un verbe différent, dont le plus courant est souligner, exemple (d) ci-dessous. Ce verbe s’utilise cependant moins à la personne 1 (je ou nous de modestie), exemple (e), parce que l’insistance (ou le soulignement) ne correspondrait pas au ton neutre nécessaire dans une démonstration scientifique. Éviter aussi la formulation (f) : dans la rédaction scientifique, on évite d’employer vouloir de cette façon. On préfèrera une formule comme l’exemple (g) :
(d) L’auteur souligne que… / Les personnes interrogées soulignaient que…
à éviter :
(e) Nous soulignons que …
(f) Nous voulons souligner que…
à préférer :
(g) Nous tenons à souligner que… / Il faut souligner que… / Nous insistons sur le fait que…
Accentuer est souvent utilisé abusivement par les finnophones comme synonyme d’insister sur. Le verbe finnois korostaa a en effet (au moins) ces deux valeurs :
a) « rendre plus net », « rendre plus visible ». Dans ce sens-là, il peut se traduire en français par accentuer suivi d’un groupe nominal complément direct (CVD) :
Cette lumière accentue les ombres. ■ Ces lacunes accentuent le manque de consistance de l’ouvrage.
b) « insister sur », « souligner ». Dans ce cas-là, on le rend en français par des verbes comme souligner, insister sur, mettre l’accent sur ou souligner l’importance de suivis d’un groupe nominal :
L’auteur insiste sur la nécessité de / souligne l’importance de la nécessité de / met l’accent sur la nécessité de revoir la définition traditionnelle des pronoms en finnois.
Mais le verbe accentuer ne peut pas recevoir une complétive comme CVD : **l’auteur accentue que est agrammatical et ne peut pas s’utiliser pour traduire korostaa että. On dira donc par exemple :
L’auteur insiste sur le fait qu’il serait nécessaire / L’auteur souligne qu’il serait nécessaire de revoir la définition traditionnelle des pronoms en finnois.
De même, la construction **accentuer sur qch, hybride de accentuer + insister sur, est inexistante.
Des tournures comme *l’auteur propose que ce mot est un pronom ou bien *nous proposons que ce mot est analysé comme un déterminant sont agrammaticales. En effet, premièrement le verbe proposer se construit avec le subjonctif, et deuxièmement il signifie que la chose qu’on propose est une suggestion, une hypothèse non encore réalisée. La tournure finnoise qui se trouve à l’origine de cette erreur n’est pas non plus un modèle du genre. Dans la phrase suivante, il y a bien une proposition de la part d’un inventeur et on pourrait facilement traduire ehdottaa par proposer :
Tämän epäedullisen tilanteen estämiseksi keksinnön tekijä ehdottaa, että samat puhdistettavan nesteen virtaukset johdetaan vuorotellen pitkin katodien ja anodien pintoja.
En revanche, la phrase (a) ci-dessous ne contient pas une véritable proposition, et elle serait mieux formulée sous la forme (b) ou (b’) :
(a) Sivulla 64 tekijä ehdottaa, että sanahahmoa kVk(k)rV voitaisiin pitää fonesteemina tai konventionaalisen äännesymboliikan edustajana.
(b) Tekijän mielestä sanahahmoa kVk(k)rV voitaisiin pitää fonesteemina tai konventionaalisen äännesymboliikan edustajana. Ou
(b’) Tekijä on sitä mieltä, että sanahahmoa kVk(k)rV voitaisiin pitää…
Cet emploi de ehdottaa comme dans l’exemple (a) est cependant assez répandu dans la littérature scientifique de langue finnoise (sous l’influence, en partie, de l’anglais). Le problème n’est pas de savoir si c’est un style élégant ou non en finnois, mais le fait que les étudiants finnophones ont tendance à transposer cette construction en français, où elle est très maladroite ou même agrammaticale (voir ci-dessus). À la place de proposer, on peut utiliser des variétés de constructions :
L’auteur estime que… / L’auteur est d’avis que…
L’auteur pense que… / D’après l’auteur… etc.
Dans la même série de verbes, on peut inclure interpréter, moins fréquemment utilisé dans la rédaction scientifique, mais qui donne cependant lieu à des erreurs épisodiques :
*On peut interpréter que la relation d’Irène et sa mère ait été incomplète parce qu’elle se pose les questions que sa mère ne lui pas avait apprises.
Outre le fait qu’il faudrait mettre le verbe de la complétive à l’indicatif, la construction est de toute façon impossible, car interpréter n’admet pas une complétive comme CVD, alors qu’en finnois on peut dire par exemple :
Stressiprosessi käynnistyy haastavassa tilanteessa, jossa tulkitsemme, että tavanomainen toimintamme ei tule riittämään. [extrait du site de Työterveyslaitos, voir traduction exemple (4) ci-dessous]
Si on veut rendre l’idée de tulkita, il faut recourir à des constructions plus complexes, ou utiliser interpréter développé par la construction comme étant :
(1) On peut déduire que la relation d’Irène et sa mère a été incomplète…
(2) On peut interpréter ce comportement comme étant la preuve que la relation d’Irène et sa mère a été incomplète…
(3) On peut interpréter ce comportement en supposant que la relation d’Irène et sa mère a été incomplète…
(4) Le stress se déclenche dans une situation que nous estimons dépasser notre niveau d’activité habituel.
(5) Le stress se déclenche dans une situation que nous interprétons comme étant au-dessus notre niveau d’activité habituel.
Le verbe paraitre est fréquemment employé d’une façon erronée par les finnophones, qui comprennent la construction il parait que comme équivalente de il semble que et l’emploient fréquemment dans l’expression écrite. Pourtant, elle a un sens différent de il semble que, et très spécifique.
L’exemple (a) ci-dessous (dans lequel en outre le subjonctif est agrammatical) en est une illustration typique. Telle quelle, la phrase (a) est interprétée par un francophone comme (b), alors que l’auteur voulait dire (c) :
(a) Après l’analyse des exemples, *il parait qu’une synthèse soit nécessaire.
(b) Après l’analyse des exemples, j’ai entendu dire qu’une synthèse était nécessaire / on m’a dit qu’il fallait faire une synthèse.
(c) Après l’analyse des exemples, il semble qu’une synthèse soit nécessaire.
L’explication de cette erreur réside dans le fait que les verbes finnois tuntua et näyttää peuvent tous deux se traduire par sembler ou paraitre, qui sont le plus souvent synonymes, mais loin d’être toujours interchangeables. L’équivalence entre les deux dépend des constructions. Une description complète des différences serait très longue, et du point de vue des étudiants finnophones, on peut simplifier la situation en retenant certaines tendances.
Les indications ci-dessous n’ont pas la prétention d’être absolues ni complètes, ni de décrire toutes les possibilités et tous les cas d’emploi, car on pourra certainement trouver dans des textes français de nombreux contre-exemples parfaitement conformes à la norme du français. Il s’agit avant tout de donner quelques conseils généraux applicables à l’expression écrite, du point de vue d’un non francophone. Avant d’examiner les emplois dans différentes constructions, il faut établir une distinction entre le sens concret/figuré et le sens abstrait des verbes tuntua et näyttää
Dans un sens concret, tuntua et näyttää ne sont pas synonymes, puisque tuntua décrit une impression au toucher (exemples a et b), sans verbe équivalent direct en français (anglais to feel), alors que näyttää décrit une impression visuelle (exemples c et d), en français également sans équivalent direct, bien qu’on puisse parfois employer paraitre ou sembler, mais on utilise plutôt d’autres tournures. Il en va de même dans l’emploi figuré de tuntua (e) :
(a) Tämä kangas tuntuu hyvin pehmeältä. Ce tissu est très doux [au toucher].
(b) Se nojatuoli tuntuu oikein mukavalta. On est vraiment bien assis dans ce fauteuil.
(c) Tämä kangas näyttää oikein kauniilta. Ce tissu a vraiment un bel aspect.
(d) Hän näytti komealta frakissaan. Il avait fière allure dans son queue-de-pie.
(e) Hänen sanansa tuntuivat hyvin lohdullisilta. Ses paroles m’ont mis du baume au cœur.
Dans le sens abstrait qui provoque des confusions entre le finnois et le français dans l’emploi des expressions il semble que / il parait que, les deux verbes tuntua et näyttää décrivent une impression au sens de « représentation globale qu’une personne a d’une situation (généralement où elle est impliquée) ou d’une autre personne, et qui est fondée sur une appréhension immédiate, intuitive avant toute réflexion ou analyse. » (TLFi, impression C1). Cette impression peut décrire quelque chose qui est réel ou imaginaire. Dans ce sens-là, on peut dire que sembler est plus fréquent que paraitre en français.
Quand sembler et paraitre s’utilisent comme verbe d’état (similaire à être) reliant un sujet et un attribut (predikatiivi), ils sont fréquemment interchangeables, mais pas exactement synonymes. D’une façon générale, on peut dire que paraitre décrit une impression plus concrète, plus immédiate, tandis que sembler décrit une impression plus subjective. Dans les exemples suivants (f – i), la nuance de sens est indiquée entre crochets. Cependant, on ne peut pas dire que cette nuance de sens soit toujours très nette, et les exemples (j) et (k) sont quasi synonymes :
[f] Ce sentier de montagne parait dangereux. [quand on le regarde]
[g] Ce sentier de montagne semble dangereux. [d’après le nombre d’accidents qui s’y sont produits]
[h] Cette équation peut paraitre difficile à résoudre aux élèves, mais elle en fait est très simple. [l’équation a un aspect effrayant]
[i] Cette équation peut sembler difficile à résoudre aux élèves, mais elle en fait est très simple. [l’équation semble compliquée par son contenu]
[j] Ça peut paraitre compliqué de prime abord, mais en fait c’est assez facile à comprendre. =
[k] Ça peut sembler compliqué de prime abord, mais en fait c’est assez facile à comprendre.
Comme solution de facilité, on peut dire que, dans le doute, l’apprenant de français langue étrangère peut choisir la forme sembler plutôt que paraitre.
La proximité de sens en finnois de tuntuu siltä, että et näyttää siltä, että, qui apparait clairement dans les exemples présentés ci-dessus, conduit les finnophones à croire que il semble que et il parait que sont synonymes. Malheureusement, ce n’est pas la cas, car, dans l’usage du français moderne, l’expression il parait que s’est lexicalisée pour signifier uniquement « on dit que, on raconte que », c’est-à-dire ce qu’en finnois on exprime le plus fréquemment par l’adverbe kuulemma :
Il parait que les otages ont été libérés.
Il parait que certains auteurs considèrent cette forme comme vieillie.
Il faut noter également que il parait que est plutôt de la langue courante, et même très légèrement familière (comme kuulemma en finnois, qu’on n’utilise guère dans la rédaction scientifique neutre). Dans le code écrit strict, on évitera de l’utiliser et on pourra dire par exemple :
On entend dire que… On rapporte que…
Certains [auteurs] affirment que… Selon certains [auteurs], …
Remarque : l’incise parait-il est nettement familière et doit être évitée dans le code écrit. De même, la variante parait-il que introduisant une complétive (parait-il qu’ils vont fermer le tunnel) est du français populaire, et elle est à éviter dans l’expression écrite.
Une autre erreur fréquente, dérivée de celle examinée au point précédent, est d’utiliser le verbe paraitre avec un pronom complément prépositionnel comme dans il me semble que. On peut dire cela me parait utile aussi bien que cela me semble utile, mais, paradoxalement ou malheureusement, on ne peut pas utiliser paraitre à la place de sembler dans la construction il me/nous semble que pour traduire minusta/meistä tuntuu että :
*Il me parait que cette affirmation est inexacte.
forme correcte : Il me semble que cette affirmation est inexacte.
*Il nous parait que cette méthode permettrait d’obtenir des résultats plus précis.
forme correcte : Il nous semble que cette méthode permettrait d’obtenir des résultats plus précis.
De même, il n’existe pas non plus de forme avec paraitre dans les propositions incises avec inversion du pronom sujet. On peut dire uniquement me semble-t-il ou nous semble-t-il (*nous parait-il est agrammatical) :
Cette méthode permettrait, nous semble-t-il, d’obtenir des résultats plus précis.
Cependant, dans un usage littéraire plus ancien, il parait que peut avoir le sens de « il semble que », et peut être employé avec un pronom complément prépositionnel (usage possible dans un style soutenu même encore chez des écrivains du XXIe siècle). Il faut donc parfois faire attention au sens exact du verbe :
Comme il ouvrait sa fenêtre, il lui parut que celle de Mariette était entrebâillée et qu’il y avait de la lumière dans sa chambre.
En résumé, il suffit de retenir la « règle » suivante :
il semble que = tuntuu / näyttää siltä, että
il parait que = kerrotaan että, kuulemma
Problème classique, source d’erreurs innombrables et sujet de perplexité inépuisable pour les apprenants finnophones (et d’autres sans doute aussi), cette question revient régulièrement par exemple dans des sessions de formation continue des enseignants.
En finnois, le problème est encore plus sensible, car certaines constructions peuvent être extérieurement similaires, mais correspondre à deux structures différentes :
Tavoite on vaikea saavuttaa.
Tämä tavoite on vaikea saavuttaa ilman, että hiilivoimaloita suljetaan nopeutetussa aikataulussa.
La confusion entre ces deux structures est à la base de l’interrogation « Sanotaanko difficile de vai difficile à ? », qui est une fausse question, car on oppose deux constructions qui ne sont pas les mêmes.
Il existe une construction :
nom + facile à, impossible à, difficile à + infinitif
un livre facile à lire
une décision impossible à comprendre
une proposition difficile à accepter
mais il n’existe pas de construction :
nom + facile de, impossible de, difficile de + infinitif
un livre facile *de lire
une décision impossible *de comprendre
une proposition difficile *de accepter
Le mystère « difficile de ou difficile à ? » s’éclaircit quand on retient que le mot de peut être à la fois une préposition et une conjonction.
En français, l’adjectif peut être complété par un verbe dans la construction
[GN (est) adjectif à infinitif]
C’était un spectacle horrible à regarder.
Cette grande maison est difficile à chauffer.
C’est un pantalon impossible à repasser.
Ce dispositif est compliqué à mettre en place.
Ceci peut sembler stupide à dire, je le reconnais.
Cette vérité est dure à admettre.
Le film est trop long à raconter.
C’est une route facile à trouver.
Cette particularité est facile à retenir.
Cette chemise est facile à repasser.
Ce projet parait impossible à réaliser.
C’est pas si évident à comprendre.
La décision qui a été prise est facile à critiquer, mais elle était indispensable.
Cette construction est très fréquente en français. En finnois, on trouve des constructions équivalentes :
Tämä päätös on vaikea hyväksyä. Cette décision est difficile à accepter.
Tämä paita on helppo silittää. Cette chemise est facile à repasser.
Mais, en général, le finnois utilise d’autres constructions. Ce qui est important, c’est que dans les deux exemples ci-dessus, on dit quelque chose au sujet d’un nom (comment est cette décision ? comment est cette chemise ?). L’adjectif facile ou difficile est attribut (predikatiivi) du sujet (décision, chemise). L’infinitif est le complément de cet adjectif.
L’infinitif complétant un adjectif est donc toujours introduit par la préposition à. Il n’existe pas de construction telles que les suivantes :
*facile de faire : *un travail facile de faire
*étonnant de lire : *une nouvelle étonnante de lire
*important de savoir : *une chose importante de savoir
*impossible d’accepter : *un comportement impossible d’accepter etc.
En finnois, on ne peut pas dire non plus *se on helppo tehdä työ, *se on yllättävä kuulla uutinen, *se on mahdoton hyväksyä käytös, *tämä on vaikea lukea teksti etc.
Il existe également une autre construction dans laquelle on trouve un infinitif suivi d’un adjectif :
Il est adjectif de infinitif (+ complément direct ou prépositionnel)
Avant de prendre une décision aussi importante, il est normal d’hésiter un peu.
Il aurait été plus prudent de ne pas prendre la route avec cette tempête de neige.
Il est étonnant de rencontrer tant de touristes en cette saison.
Mais, malgré les apparences, la construction est différente de celle présentée au point précédent, car dans ce cas l’infinitif n’est pas le complément de l’adjectif. Dans cette construction, la complétive (d’hésiter un peu, de ne pas prendre la route, de rencontrer tant de touristes) est le sujet postposé du verbe, ce qui nécessite l’utilisation du pronom conjugateur il devant le verbe est. L’infinitif sujet est dans un tel cas précédé de la conjonction de :
Tämän kirjan lukeminen ilman alan tuntemusta on vaikeaa. =
On vaikea lukea tämä kirja ilman alan tuntemusta.
Lire ce livre sans connaitre la branche est difficile. =
Il est difficile de lire ce livre sans connaitre la branche.
On utilise la même construction avec d’autres adjectifs :
Au début, il est normal d’ avoir des difficultés à comprendre.
Il peut être difficile d’assimiler toutes ces règles.
Il est nécessaire de savoir les appliquer simultanément.
Avec de l’entrainement, il est facile de s’y habituer.
Dans ces constructions, le mot de est donc la conjonction qui introduit l’infinitif sujet postposé du verbe, et non pas une préposition, contrairement au mot à utilisé dans les constructions adjectif à infinitif. Il est donc grammaticalement impossible de comparer (ou de mélanger) les constructions facile à et facile de, car on ne compare pas les mêmes mots : à est une préposition, de est une conjonction.
La phrase il est difficile de lire ce livre est une simple variante d’autres constructions du même type avec d’autres adjectifs que difficile :
Il est normal d’hésiter.
Il est étrange de prétendre une chose pareille.
Il aurait été scandaleux d’accepter.
Il est très difficile de perdre une mauvaise habitude.
Comparer également :
Je te recommande ce livre. Il est facile à lire. [il : ce livre]
Suosittelen sinulle tätä kirjaa. Se on helppolukuinen.
Je te recommande ce livre. Il est utile de le lire. [il : sujet conjugateur].
Suosittelen sinulla tätä kirjaa. On hyödyllistä lukea se.
Tämä kirja on hyvä lukea, jotta voisi perehtyä asiaan paremmin.
Il est bon de lire ce livre pour pouvoir approfondir la question.
Nämä kirjat on hyvä lukea [et pas *hyviä lukea], jotta voisi perehtyä asiaan paremmin.
Il est bon de lire ces livres pour pouvoir approfondir la question.
En résumé, on peut dire que la question « sanotaanko difficile de vai difficile à ? » est d’une certaine manière absurde, car ce sont des structures qui ne sont pas comparables. Il s’agit d’une fausse problématique (qui n’existe pas pour les francophones) et qui est due à l’influence du finnois (renforcée par celle de l’anglais).
Quand un verbe intransitif se construit avec sujet postposé (par exemple rester, se passer), le pronom conjugateur il est nécessaire pour indiquer que le verbe est à la personne 3 :
Il me reste cent euros.
Il se passe des choses graves.
Il ne s’est rien passé de grave.
Le sujet rejeté après le verbe peut aussi être une proposition complétive :
Il reste que vous avez eu raison de ne pas vous presser.
Il se passe que la notation au bac devient de plus en plus généreuse.
Quand le sujet, par exemple un nom, est placé avant le verbe, le pronom conjugateur il est évidemment inutile :
Cent euros me restent pour payer le voyage.
Des choses graves se passent.
Le sujet peut donc être un GN, mais aussi par exemple un pronom de personne 3, un pronom relatif ou un pronom interrogatif :
Ces évènements se sont passés l’an dernier.
Ils se sont passés l’an dernier.
Les évènements qui se sont passés l’an dernier.
Qu’est-ce qui s’est passé l’an dernier ?
Personne ne sait exactement ce qui s’est passé.
Ces cent francs suisses me sont restés du voyage de l’an dernier.
Ils me sont restés du voyage de l’an dernier.
Les cent francs suisses qui me sont restés du voyage de l’an dernier.
Qu’est-ce qui te reste du voyage de l’an dernier ?
Je ne sais pas exactement ce qui me reste de la somme que j’avais changée.
Cette règle est simple et régulière. Malgré cela, elle est source de difficultés pour les usagers francophones. On trouve en effet constamment, dans toute forme d’écrit (romans, presse écrite, textes administratifs, Internet etc.) des propositions relatives et des interrogatives dans lesquelles il y a à la fois un sujet normal qui et un pronom conjugateur il. Les formes
*Qu’est-ce qu’il se passe ?
*Personne ne sait ce qu’il se passe.
*Ce qu’il se passe, c’est que…
sont extrêmement nombreuses (des centaines de milliers d’occurrences sur Internet pour les deux premières, des milliers pour ce qu’il se passe, c’est que, mai 2021). On trouve aussi des erreurs similaires avec rester, comme cette phrase tirée d’un roman de 2005, qui n’est qu’un exemple parmi des milliers d’autres :
Mon père me disait « garde tes peines pour toi, elles sont tout ce qu’il te reste lorsque tu as tout perdu ». [forme attendue : tout ce qui te reste].
Cette erreur s’explique par deux facteurs.
Dans le français parlé, le l final du pronom il se prononce couramment /i/
devant consonne :
il tape /itap/
ils disent /idiz/
La chute du l a pour conséquence que, devant consonne, le groupe qu’il(s) se prononce de la même manière que qui :
les gens qui voient /leʒɑ̃kivwa/
les gens qu’ils voient /leʒɑ̃kivwa/
celle qui le connait /sᴇlkilkonᴇ/
celle qu’il connait /sᴇlkilkonᴇ/
Sur ce modèle, beaucoup d’usagers confondent donc qui et qu’ils dans des structures d’apparence similaire et inventent une forme en il. Cette forme se prononcerait de la même manière que la forme avec qui :
Qu’est-ce qui se passe ? | /kᴇskispas/ | Ce qui se passe… | /skispas/ |
*Qu’est-ce qu’il se passe ? | /kᴇskispas/ | *Ce qu’il se passe… | /skispas/ |
On trouve également :
On ne sait pas ce qui s’est passé. écrit sous la forme
*On ne sait pas ce qu’il s’est passé.
Ce qui reste de cette analyse… écrit sous la forme
*Ce qu’il reste de cette analyse…
Qu’est-ce qui reste ? écrit sous la forme
*Qu’est-ce qu’il reste ? etc.
Deuxièmement, la graphie erronée est favorisée par le fait que dans l’interrogation avec inversion (pronom conjugateur il placé après le verbe) le pronom interrogatif quoi en fonction de sujet est à la forme que :
Qu’est-ce qui reste ? = Que reste-t-il ?
Qu’est-ce qui se passe ? = Que se passe-t-il ?
Dans l’esprit de nombreux usagers, puisqu’on dit :
Que se passe-t-il ? – Il se passe qu’on nous a volé une importante somme d’argent.
et puisque la suite phonique /ki/
peut transcrire qu’il, il s’ensuit que la forme écrite de la question prononcée /kɛskispas/
doit logiquement être :
*Qu’est-ce qu’il se passe ? – Il se passe qu’on nous a volé une importante somme d’argent.
C’est cette déduction erronée, qui est due à un phénomène d’hypercorrectisme, qui explique la fréquence particulièrement élevée des questions *qu’est-ce qu’il se passe ? qu’on peut lire ou entendre chez des locuteurs de tout type et de tout niveau de culture. Cependant, malgré la fréquence de ces formes hypercorrectes, la norme du français standard reste la forme :
Qu’est-ce qui se passe ? et non pas *Qu’est-ce qu’il se passe ?
En ce qui concerne le verbe rester, il y a cependant des cas dans lesquels les deux formes sont possibles, c’est quand le verbe rester est suivi d’un autre verbe :
Il reste à analyser…
Il reste à faire…
En effet, dans ce cas-là, le pronom relatif peut être qui ou que, car la construction peut avoir deux interprétations différentes. Comparer :
(a) Trois choses me restent à faire.[Trois choses est sujet de restent à faire]
(a’) Ce qui me reste à faire… [qui est sujet de reste à faire]
(b) Il me reste à faire trois choses. [trois choses est le CVD du verbe faire]
(b’) Ce qu’il me reste à faire…[qu’ est le CVD du verbe faire]
Le cas (a) avec ce qui me reste sujet est moins utilisé (sauf dans l’interrogation directe dans la langue courante) que la variante (b) avec pronom conjugateur et rejet du sujet après le verbe ce qu’il me reste. Il est à noter que dans tous les exemples suivants, le pronom que est le CVD des verbes indiqués en couleur :
Qu’est-ce qu’il te reste à faire ?
Que nous reste-t-il à analyser ?
Les trois textes qu’il nous reste à commenter sont ceux qui sont les plus difficiles du point de vue de la langue.
Tout ce qu’il vous reste à faire, c’est de rédiger une bonne conclusion.
Tourné vers l’introspection et la spiritualité, pressentant l’importance de ce qu’il lui restait à écrire pour « les temps à venir », Beethoven trouve la force de surmonter ces épreuves pour entamer une dernière période créatrice.
Dans ce cas aussi, l’analogie entre tout ce qu’il te reste à faire (ainoa asia, joka sinun pitää tehdä) et tout ce qui te reste (kaikki mitä sinulle jää jäljelle) explique l’hypercorrectisme dans l’exemple cité plus haut :
Mon père me disait garde tes peines pour toi, elles sont tout ce *qu’il te reste lorsque tu as tout perdu.
ISBN 978-951-39-8092-4 © Jyväskylän yliopisto 2020-2022
Page 54. Les complétives - difficultés diverses. Dernière mise à jour : 22.4.2022
Mises à jour après le 15.8.2022