Guide de grammaire française
pour étudiants finnophones

Les pro­po­si­tions com­plé­tives
Difficultés diverses

Heureux de et *normal de

Qu’est-ce qu’il se passe ou qu’est-ce qui se passe ?

Il faut et cons­truc­­tion de falloir

 Se souvenir, penser à, être censé

Verbes argumentatifs à surveiller

Il parait que

Difficile de ou dif­fi­ci­le à ?

Heureux de et *normal de

« Être normal de ? »

Com­me le mot de peut re­pré­senter différents élé­ments du discours (pré­po­si­tion, conjonction, arti­cle), les ap­pre­nants FLE ont tendance à confondre certaines d’entre eux en présence d’un grou­pe de + ad­jec­tif. Exem­ple :

Il est heureux de partir.
Il est normal de partir.

Les deux phrases se ressemblent à première vue, pourtant elles sont complètement dif­fé­ren­tes. En effet, il existe des ad­jec­tifs qui peuvent se rapporter à un nom animé et avoir un com­plé­ment ex­pri­mant la cause (lire…), exac­te­ment com­me en fin­nois :

être heureux de qch, scandalisé de qch, étonné de qch, joyeux de qch, déçu de qch, ravi de qch, embarrassé de qch etc.
olla iloinen jostakin, tyrmistynyt jostakin, yllättynyt jos­ta­kin, pettynyt jostakin, hämmentynyt jostakin etc.

Il est heureux de ta venue. Hän on iloinen tulostasi.
Elle est ravie de votre réponse. Hän on hyvin iloinen teidän vastauksestanne.
Ils étaient embarrassés de cette pro­po­si­tion. He olivat hämmentyneitä siitä ehdotuksesta.

En revanche, il existe d’autres ad­jec­tifs qui ne se rapportent (en gé­né­ral) pas à un nom animé et ne peu­vent pas avoir de com­plé­ment ex­pri­mant la cause :

nécessaire, urgent, bon, égal, indifférent, navrant, surprenant, triste, amusant, anormal, bizarre, caractéristique, drôle, effarant, effrayant, étonnant, étrange, faux, impensable, im­por­tant, inacceptable, inconcevable, invraisemblable, normal, regrettable, révélateur, scandaleux, utile, habituel, fré­quent, rare, douteux, possible, impossible, peu probable, concevable, facile etc.

Ainsi, on ne peut pas dire *je suis normal de partir, tu es nécessaire d’accepter, pas plus qu’en fin­nois on ne peut dire *olet hyödyllinen lähdöstäsi, *hän on mahdoton lähteä, *tarpeellinen jostakin, *olla helppo jostakin etc.

Donc, dans la phrase Il est heureux de partir, le mot il est le pro­nom de de per­son­ne 3 3 à an­té­cé­dent GN à référent humain (et désigne par exem­ple le garçon), heureux est un ad­jec­tif at­tri­but (predikatiivi) et de partir est le com­plé­ment de cet ad­jec­tif (hän on iloinen siitä, että pääsee lähtemään).

Inversement, dans la phrase il est normal de partir, le mot il ne peut pas être un pro­nom anaphorique, car on ne peut pas dire *je suis normal de partir. Le pro­nom il ne peut être que le pro­nom conjugateur. Le grou­pe de partir est le sujet du verbe, de est la conjonction complétive utilisée devant un infinitif (lire…). Les élé­ments en couleur dans les exem­ples sui­vants sont les sujets des phrases :

Il est heureux de partir.
Hän on iloinen lähdöstään [siitä, että pääsee lähtemään]
Il estnormal de partir.
On luonnollista lähteä. [tällaisessa tilanteessa tms.]

Adjectifs à double sens

Certains ad­jec­tifs peuvent ce­pen­dant avoir deux interprétations : heureux onnellinen / suotuisa, mal­heu­reux surullinen / epäonninen / valitettava, honteux häpeissään / häpeällinen. Dans un tel cas, si le sujet du ver­be être est il, une mê­me phrase peut s’interpréter de deux façons, selon que il est le pro­nom per­son­nel IL (il = hän) ou un pro­nom conjugateur. Les phrases sui­vantes peuvent donc toutes s’interpréter de deux manières :

Il est heureux que tu partes. Hän on iloinen siitä, että lähdet. / On hyvä asia, että lähdet.
Il est malheureux que ses amis aient laissé passer l’occasion. Hän on harmissaan siitä, että hänen ystävänsä päästivät tilaisuuden käsistään./On valitettavaa, että hänen ystävänsä päästivät tilaisuuden käsistään.
Il est honteux que son collègue ait dû démissionner. Hän on häpeissään siitä, että hänen työkaverinsa joutui eroamaan. / On häpeällistä, että hänen työkaverinsa joutui eroamaan.
Il est heureux que vous partiez.
Il est malheureux que vous n’ayez pas répondu.
Il est honteux que vous ayez refusé.

Le sens à donner à la phrase dépend et se déduit du con­tex­te. Le nombre de ces ad­jec­tifs est ce­pen­dant limité. De plus, ce pro­blè­me n’existe évidemment pas avec d’autres pro­noms : dans les phrases je suis hon­teux que…, elle est heureuse que… etc., les pro­noms ne peuvent être que de « vrais » pronom, et non des pronoms conjugateurs. Cette double interpréta­tion des ad­jec­tifs heureux, malheureux, et honteux est éga­le­ment possible dans les cons­truc­tions in­fi­ni­tives :

Il est malheureux d’avoir laissé passer cette occasion.
Hän on harmissaan siitä, että hän päästi tämän tilaisuuden käsistään. ou bien
On valitettavaa, että tämä tilaisuus päästettiin käsistä.

Lire aussi Difficile à ou dif­fi­ci­le de ? ci-dessous.

Avec ordre des mots normal

L’uti­li­sa­tion d’un pronom conjugateur ne concerne que les cas où ces ver­bes sont employés avec un sujet réel postposé. On peut évidemment uti­li­ser un P3 à an­té­cé­dent non GN cela/ça devant certains de ces ver­bes quand ce pro­nom est un véritable sujet :

Que ce soit le référent, le concept, le comportement ou l’usage qui cor­res­ponde au sens, cela importe peu ; le vrai pro­blè­me ne se pose pas dans ces termes.
Vous pouvez prendre votre congé la semaine prochaine, cela nous convient parfaitement.
Si tu n’écris que deux pages, ça ne suffira pas pour faire un exposé vraiment solide.

Comparer aussi :

Il vaut mieux réserver un mois à l’avance.
Réserve au moins un mois à l’avance, ça vaut mieux.

Il n’y a donc pas de cons­truc­­tion « figée » il vaut mieux qu’on em­ploie « mé­ca­ni­que­ment ». Il y a un ver­be valoir mieux, qu’on peut uti­li­ser de dif­fé­ren­tes façons, en fonc­tion du sens.

Dans la langue cou­rante

Il faut se rappeler éga­le­ment que certains de ces ver­bes ne sont pas très uti­li­sés dans le registre fa­mi­li­er ou mê­me cou­rant ; ci-dessous quel­ques suggestions d’équi­va­lents fré­quents dans la langue cou­rante (liste non exhaustive et non limitative) :

il semble que… → on dirait que…, il semblerait que…
il advient que → ça arrive que…, il y a des cas où…
il convient de in­fi­ni­tif → il y a intérêt à in­fi­ni­tif…
il convient que → il y a intérêt à ce que…
il importe que → ce qu’il faut, c’est que…
il suffit de in­fi­ni­tif → il n’y à qu’à in­fi­ni­tif
il suffit que → tout ce qu’il faut, c’est que…

Qu’est-ce qu’il se passe ou qu’est-ce qui se passe ?

Descrip­tion du pro­blè­me

Quand un ver­be intransitif se construit avec sujet postposé (par ex­em­ple rester, se passer), un pro­nom imper­son­nel (il) est nécessaire pour marquer la per­son­ne 3 du ver­be avec le pronom conjugateur :

Il me reste cent euros.
Il se passe des choses graves.
Il ne s’est rien passé de grave.

Le sujet rejeté après le ver­be peut aussi être une pro­po­si­tion com­plé­tive  :

Il reste que vous avez eu raison de ne pas vous presser.
Il se passe que la nota­tion au bac devient de plus en plus généreuse.

Quand le sujet, par exem­ple un nom, est placé devant le ver­be, le pro­nom conjugateur il est évi­dem­ment inutile  :

Cent euros me restent pour payer le voyage.
Des choses graves se passent.

Le sujet peut donc être un GN, mais aussi par exem­ple un pro­nom de per­son­ne 3, un pro­nom relatif ou un pro­nom in­ter­ro­ga­tif :

Ces évènements se sont passés l’an dernier.
Ils se sont passés l’an dernier.
Les évènements qui se sont passés l’an dernier.
Qu’est-ce qui s’est passé l’an dernier ?
Personne ne sait exac­te­ment ce qui s’est passé.

Ces cent francs suisses me sont restés du voyage de l’an dernier.
Ils me sont restés du voyage de l’an dernier.
Les cent francs suisses qui me sont restés du voyage de l’an dernier.
Qu’est-ce qui te reste du voyage de l’an dernier ?
Je ne sais pas exac­te­ment ce qui me reste de la somme que j’avais changée.

Erreurs typiques

Cette règle est simple et régulière. Malgré cela, elle est source de dif­fi­cul­tés pour les usagers fran­co­pho­nes. On trouve en effet constamment, dans toute for­me d’écrit (romans, presse écrite, textes ad­mi­nis­tra­tifs, Internet, etc.) des pro­po­si­tions relatives et des in­ter­ro­ga­tives dans lesquelles il y a à la fois un sujet normal qui et un pronom conjugateur il. Les for­mes

*Qu’est-ce qu’il se passe ?
*Personne ne sait ce qu’il se passe.
*Ce qu’il se passe, c’est que…

sont ex­trê­me­ment nom­breuses (des centaines de milliers d’occurrences sur Internet pour les deux premières, des milliers pour ce qu’il se passe, c’est que, septembre 2020). On trouve des erreurs cor­res­pon­dan­tes éga­le­ment avec rester, ainsi cette phrase tirée d’un roman de 2005, qui n’est qu’un exem­ple parmi des milliers d’autres :

Mon père me disait « garde tes peines pour toi, elles sont tout ce qu’il te reste lorsque tu as tout perdu ». [for­me attendue : tout ce qui te reste].

Explication

Cette erreur s’explique par deux facteurs.

Prononciation

Dans le fran­çais parlé, le l final du pro­nom il se prononce cou­ram­ment /i/ devant consonne  :

il tape /itap/
ils disent /idiz/

La chute du l a pour conséquence que, devant consonne, le grou­pe qu’il(s) se prononce de la mê­me ma­niè­re que qui  :

les gens qui voient /leʒɑ̃kivwa/
les gens qu’ils voient /leʒɑ̃kivwa/
celle qui le connait /sɛlkilkonɛ/
celle qu’il connait /sɛlkilkonɛ/

Sur ce modèle, beaucoup d’usagers confondent donc qui et qu’ils dans des structures similaires et in­ven­tent une for­me en il. En effet, elle se prononcerait de la mê­me manière que la for­me avec qui :

  Qu’est-ce qui se passe ? /kɛskispas/  Ce qui se passe… /skispas/
*Qu’est-ce qu’il se passe ? /kɛskispas/*Ce qu’il se passe… /skispas/

On trouve éga­le­ment :

On ne sait pas ce qui s’est passé orthographié*On ne sait pas ce qu’il s’est passé. ¤ Ce qui reste de cette analyse…orthographié*Ce qu’il reste de cette analyse… ¤ Qu’est-ce qui reste ?orthographié*Qu’est-ce qu’il reste ? etc.

Forme du pro­nom in­ter­ro­ga­tif que

Deuxièmement, la graphie en ques­tion est favorisée par le fait que dans l’in­ter­ro­ga­tion avec in­ver­sion (pronom conjugateur il placé après le ver­be) le pro­nom in­ter­ro­ga­tif quoi en fonc­tion de sujet est à la for­me que  :

Qu’est-ce qui reste ? = Que reste-t-il ?
Qu’est-ce qui se passe ? = Que se passe-t-il ?

Dans l’esprit de nom­breux usagers, puisqu’on dit :

Que se passe-t-il ? – Il se passe qu’on nous a volé une im­por­tan­te somme d’argent.

et puisque la suite phonique /ki/ peut transcrire qu’il, il s’ensuit que la for­me écrite de la ques­tion pro­non­cée /kɛskispas/ doit logiquement être :

*Qu’est-ce qu’il se passe ?

C’est cette déduc­tion erronée, qui est due à un phénomène d’hy­per­cor­rec­tis­me, qui explique la fré­quence particulièrement élevée des ques­tions *qu’est-ce qu’il se passe ? qu’on peut lire ou entendre chez des lo­cu­teurs de tout type et de tout niveau de culture. Cependant, malgré la fréquence de ces for­mes hy­per­correctes, la norme du fran­çais standard reste la for­me :

Qu’est-ce qui se passe ? et non pas *Qu’est-ce qu’il se passe ?

Cas de rester

En ce qui concerne le ver­be rester, il y a ce­pen­dant des cas dans lesquels les deux for­mes sont possibles, c’est quand le ver­be rester est suivi d’un autre ver­be :

Il reste à analyser… ¤ Il reste à faire…

En effet, dans ce cas-là, le pro­nom relatif peut être qui ou que, car la cons­truc­­tion peut avoir deux in­ter­pré­tations dif­fé­ren­tes. Comparer :

(a)  Trois choses me restent à faire.[Trois choses est sujet de restent à faire]
(a’) Ce qui me reste à faire… [qui est sujet de reste à faire]

(b)  Il me reste à faire trois choses. [trois choses est le CVD du ver­be faire]
(b’) Ce qu’il me reste à faire…[qu’ est le CVD du ver­be faire]

Le cas (a) avec ce qui me reste sujet est moins uti­li­sé (sauf dans l’in­ter­ro­ga­tion di­rec­te dans la langue cou­rante) que la variante (b) avec pronom conjugateur et rejet du sujet après le ver­be ce qu’il me reste. Il est à noter que dans tous les exem­ples sui­vants, le pro­nom que est le CVD des ver­bes in­di­qués en couleur :

Qu’est-ce qu’il te reste à faire ? ¤ Que nous reste-t-il à analyser ? ¤ Les trois textes qu’il nous reste à com­menter sont ceux qui sont les plus dif­fi­ci­les du point de vue de la langue. ¤ Tout ce qu’il vous reste à faire, c’est de rédiger une bonne conclusion. ¤ Tourné vers l’introspec­tion et la spiritualité, pressentant l’importance de ce qu’il lui restait à écrire pour « les temps à venir », Beethoven trouve la force de surmonter ces épreuves pour entamer une dernière période créatrice.

Dans ce cas aussi, l’analogie entre tout ce qu’il te reste à faire (ainoa asia, joka sinun pitää tehdä) et tout ce qui te reste (kaik­ki mitä sinulle jää jäljelle) explique l’hy­per­cor­rec­tis­me dans l’exem­ple cité plus haut :

Mon père me disait garde tes peines pour toi, elles sont tout ce *qu’il te reste lorsque tu as tout perdu.

Il faut et cons­truc­­tion de falloir

Interpréta­tion de la cons­truc­­tion il faut

On comprend souvent la cons­truc­­tion il faut + GN ou il faut + com­plé­tive com­me un ver­be suivi d’un « com­plé­ment direct » : il faut quel­que chose serait analogue à je veux quel­que chose. Il n’en est rien : le GN ou la com­plé­tive (in­di­qués en vert ci-dessous) sont le sujet réel du ver­be  :

Il faudra de nouvelles analyses pour confirmer que c’est bien ce virus. 
Il faudrait plus de précisions.
Il faut que tu lui téléphones.

C’est pour cette raison que le ver­be de la com­plé­tive se met au sub­jonc­tif, car nor­ma­le­ment le ver­be de toute com­plé­tive en fonc­tion de sujet se met à ce mode . Le sub­jonc­tif ne s’uti­li­se donc pas parce que falloir serait « le com­plé­ment » d’un ver­be de « volonté », com­me on le pense souvent.

De mê­me, dans la cons­truc­­tion il faut + in­fi­ni­tif, l’in­fi­ni­tif est en fonc­tion de sujet :

Il faut partir.
Il faut en parler.
Il aurait fallu faire preuve de plus de dé­ter­mi­nation.

C’est ce qui dif­fé­ren­cie falloir de devoir : le ver­be devoir est un au­xi­liai­re modal, qui modifie l’in­fi­ni­tif (un peu à la manière d’un ad­ver­be), tandis que falloir est un ver­be intransitif. Cette dif­fé­ren­ce se voit notam­ment au passif. Le ver­be falloir ne peut pas se mettre au passif, car il n’a pas de com­plé­ment direct :

Il faut examiner ce pro­blè­me →
Ce pro­blè­me doit être examiné.
[Ce pro­blè­me *faut être examiné est agram­ma­ti­cal]

Voir falloir/täytyy et transforma­tion passive.

Construc­tion du ver­be falloir

Le ver­be falloir se construit avec un com­plé­ment pré­po­si­tion­nel : falloir à quel­qu’un, exac­te­ment com­me manquer à quel­qu’un (car le ver­be falloir a au départ ce sens de « manquer, faire défaut ») :

Il faut à ce garçon plus d’énergie.
Il faut à ce peuple un avenir.
Il faudrait à ce pays une réfor­me radicale des institutions.

La for­me du pro­nom est donc le pro­nom faible CVP me te lui etc. :

Il lui faut plus d’énergie.
Il lui faut un avenir.
Il nous faudrait une réfor­me radicale des institutions.
Il leur a fallu des années pour trouver un acheteur.

Dans le code écrit, on uti­li­se la mê­me structure quand le sujet de falloir est un in­fi­ni­tif : le pro­nom CVP in­di­que alors l’actant à qui il est nécessaire de faire quel­que chose :

Il lui faudrait réfléchir davantage avant de se décider. ¤ Il me faut consulter un spécialiste. ¤ Il nous fallut abandonner alors que nous avions à peine com­mencé la montée vers le camp de base.

Cette cons­truc­­tion avec in­fi­ni­tif et CVP ne peut s’uti­li­ser que si le CVP est un pro­nom. On ne peut pas dire *il faut à ce pays se dé­ve­lop­per ou *il faut au malade consulter un spécialiste. Si le CVP est un GN, il faut en faire le sujet d’un ver­be dans une compétive :

Il faut que ce pays se dé­ve­lop­pe. ¤ Il faut que le malade consulte un spécialiste.

En outre, la cons­truc­­tion avec in­fi­ni­tif et pro­nom CVP s’uti­li­se es­sen­tiel­le­ment dans le code écrit. Dans la langue cou­rante, on uti­li­se il faut + com­plé­tive :

Il lui faudrait réfléchir davantage avant de se décider. → Il faudrait qu’il réfléchisse davantage avant de se décider. ¤ Il me faut consulter un spécialiste. → Il faut que je consulte un spécialiste. ¤ Il nous fallut abandonner. → Il a fallu que nous abandonnions.

 Se souvenir, penser à, être censé

Alors que dans le cas de espérer/souhaiter, imaginer/s’imaginer, l’incertitude porte sur le sens précis du verbe, il y aussi quel­ques verbes fré­quents qui posent fré­quem­ment des problèmes à cause de la manière dont la complétive infinitive est reliée au verbe.

Se souvenir et se souvenir de

Certaines cons­truc­tions in­fi­ni­tives similaires peuvent cacher des structures dif­fé­ren­tes. C’est no­tam­ment le cas avec se souvenir de. Comparer :

(a) Je me suis souvenu de le lui dire.
(b) Je me souviens le lui avoir dit.

Dans la phrase (a), il s’agit du ver­be se souvenir de qch qui, employé avec un in­fi­ni­tif, a le sens de « ne pas oublier de faire qch ». Dans la phrase (b), se souvenir a le sens de « garder en mémoire » et est construit avec une pro­po­si­tion in­fi­ni­tive. On retrouve la mê­me dif­fé­ren­ce en fin­nois :

Je me suis souvenu de le lui dire. Muistin sanoa sen hänelle.
Je me souviens le lui avoir dit. Muistan sanoneeni sen hänelle.

Penser faire et penser à faire, compter faire

Atten­tion aussi au ver­be penser : le ver­be penser peut être suivi d’une cons­truc­­tion in­fi­ni­tive (sans conjonction de) et signifie « estimer que » (luulla) ou bien « avoir l’intention de »  :

Je pense luulen que je peux venir. / Je pense luulen que j’achèterai cette maison.
Je pense luulen pouvoir venir. / Je pense aionacheter cette maison.

Il ne faut pas confondre ce verbe avec penser à « se rappeler de faire qch » : Pense à acheter du lait ! (Muista ostaa maitoa). Ne pas uti­li­ser non plus la pré­po­si­­tion de après penser : *je pense de venir / *je pense d’acheter, phrases complètement agram­ma­ti­cales (erreurs fré­quentes chez les fin­no­pho­nes). Le ver­be penser ne se construit jamais avec de (que de soit une pré­po­si­­tion ou une conjonction).

Dans le fran­çais courant, on utilise beaucoup le verbe penser + in­fi­ni­tif pour ex­pri­mer une intention (pour rendre l’idée du fin­nois aikoa). À la place, on peut aussi utiliser le verbe très idiomatique compter, qui n’est pas non plus suivi d’une conjonction. Ces deux verbes traduisent l’idée de olla tarkoitus, meinata, aikoa  :

Bon, maintenant que tu as fini ta thèse, qu’est-ce que tu comptes faire ? ¤ Je pense prendre un mois de vacances et ensuie je compte demander une bourse. ¤ Qu’est-ce que vous comptez faire cet été ? ¤ On comptaitaller visiter la Scandinavie. ¤ Tu comptes faire quoi ce soir ?

Être censé

Le ver­be censer s’uti­li­se uni­que­ment à la for­me passive et suivi d’une cons­truc­­tion in­fi­ni­tive, qui n’est pas in­tro­duit­te par la conjonction de. Exem­ples :

Vous étiez censé préparer un exposé pour aujourd’hui, l’avez-vous terminé ? Teidän piti valmistaa esitelmä täksi päiväksi, saitteko sen valmiiksi? ¤ Nous étions censés devenir plus concurrentiels et plus productifs. Nous étions censés pouvoir subvenir à nos besoins. Meidän piti tulla kilpailukykyisemmiksi ja tuottavammiksi. Meidän oletettiin pystyvämme elättämään itseämme. ¤ Je ne suis pas censé le savoir. Minun ei kuulu tietää sitä. ¤ Nul n’est censé ignorer la loi. Kaikkien oletetaan tuntevan lait.

Cette cons­truc­­tion cor­res­pond exac­te­ment à l’anglais to be supposed + in­fi­ni­tif, et dans la langue mo­derne, sous l’influence de l’anglais, on entend éga­le­ment uti­li­ser supposer à la place de censer, par at­trac­­tion avec l’anglais (usage critiqué par les puristes) : je ne suis pas supposé le savoir.

Verbes argumentatifs à surveiller

Certains ver­bes utilisés cou­ram­ment dans un texte argumentatif, où on reprend et on com­mente par ex­em­ple les propos ou les idées d’un autre auteur, sont fré­quem­ment uti­li­sés de façon erronée avec une com­plé­tive dans les écrits des étu­diants fin­no­pho­nes mê­me avancés. Malgré les apparences, tout ver­be transitif direct ex­pri­mant « une idée » ne peut pas recevoir n’importe quel type de CVD. Sur ce point, les divergences sé­man­ti­ques et syntaxiques entre le fin­nois et le fran­çais sont intéressantes et il n’est pas inutile de les garder à l’esprit.

Continuer que ? Poursuivre que ?

Pour traduire la cons­truc­­tion tekijä jatkaa, että, il est impossible de dire en fran­çais *l’auteur continue que, car continuer ne peut recevoir com­me CVD qu’un grou­pe no­mi­nal, et non pas une com­plé­tive. Il faut donc uti­li­ser d’autres ver­bes :

L’auteur ajoute que … / L’auteur dit plus loin que… /
L’auteur dit éga­le­ment que… / L’auteur poursuit en disant que…

De plus, on évite d’em­ploy­er continuer de façon absolue, au­tre­ment dit sans com­plé­ment ex­pri­mé , du moins dans la rédac­tion soignée. On dira for­mu­ler a donc (b) plutôt que (a) :

(a) L’auteur continue en disant que…
(b) L’auteur continue sa dé­mons­tra­tion/son exposé en disant que…

la phrase (a) aurait un peu le sens de tekijä sen kun jatkaa. On peut éga­le­ment em­ploy­er poursuivre sans com­plé­ment (voir §2). L’autre solution, très simple, est d’uti­li­ser une pro­po­si­tion non conjonctive in­tro­dui­te par un deux-points, si on peut en mê­me temps faire une cita­tion di­rec­te :

L’auteur poursuit : « … » / L’auteur continue : « … » / L’auteur ajoute : « … »

De la mê­me manière, poursuivre ne peut pas s’uti­li­ser avec un CVD sous for­me de com­plé­tive : *l’auteur poursuit que est impossible ou au moins très maladroit en fran­çais. Bien qu’on en trouve des exem­ples dans des écrits scientifiques de fran­co­pho­nes, il vaut mieux l’éviter et uti­li­ser les solutions de rem­pla­ce­ment in­di­quées pour continuer ci-dessus. Cependant, poursuivre peut s’em­ploy­er net­te­ment plus fa­ci­le­ment de façon absolue que continuer (il est d’usage cou­rant sous for­me d’incise : ce texte, poursuit-il, se­rait…) :

L’auteur poursuit en disant que…

Insister que, accentuer que ?

La cons­truc­­tion *insister que est considérée com­me agram­ma­ti­cale ou très maladroite dans la norme du code écrit. Le ver­be insister n’est pas transitif direct, il se construit avec la pré­po­si­­tion sur. On n’écrit donc pas *l’auteur insiste que…. Pour faire suivre le ver­be insister d’une com­plé­tive, il faut rajouter le support de subordina­tion le fait :

L’auteur insiste sur le fait que… Nous insistons sur le fait que…

On peut éga­le­ment uti­li­ser un autre ver­be, dont le plus cou­rant est souligner, exem­ple (d) ci-dessous. Ce ver­be s’uti­li­se ce­pen­dant moins à la 1e per­son­ne (je ou nous de modestie), exem­ple (e), parce que l’in­sis­tan­ce (ou le soulignement) serait plus envahissante et ne corres­pondrait pas au ton neu­tre nécessaire dans une dé­mons­tra­­tion scientifique. Éviter aussi la formula­tion (f) ; dans la rédac­tion scientifique, on évite d’em­ploy­er vouloir de cette façon. On préfèrera une formule com­me l’exem­ple (g) :

(d) L’auteur souligne que… / Les per­son­nes interrogées soulignaient que…
à éviter :
(e) Nous soulignons que …
(f) Nous voulons souligner…
à préférer :
(g) Nous tenons à souligner que… / Il faut souligner que… / Nous insistons sur le fait que…

Accentuer est souvent uti­li­sé abusivement par les fin­no­pho­nes com­me synonyme d’insister sur. Le ver­be fin­nois korostaa a en effet (au moins) ces deux valeurs :

– « rendre plus net », « rendre plus visible ». Dans ce sens-là, il peut se traduire en fran­çais par accentuer suivi d’un CVD GN :

Cette lumière accentue les ombres.
Ces lacunes accentuent le manque de consistance de l’ouvrage.

– « insister sur », « souligner ». Dans ce cas-là, on le rend en fran­çais par les ver­bes insister sur, mettre l’ac­cent sur, souligner, souligner l’importance de :

L’auteur insiste sur / souligne l’importance de / met l’accent sur la nécessité de revoir la dé­fi­ni­tion traditionnelle des pro­noms en fin­nois.

Mais le ver­be accentuer ne peut pas recevoir une com­plé­tive com­me CVD : **l’auteur accentue que est agram­ma­ti­cal et ne peut pas s’uti­li­ser pour traduire korostaa että. On dira donc par exem­ple :

L’auteur insiste sur le fait qu’il serait nécessaire / L’auteur souligne qu’il serait nécessaire
de revoir la dé­fi­ni­tion traditionnelle des pro­noms en fin­nois.

De mê­me la cons­truc­­tion **accentuer sur qch, hybride de accentuer + insister sur, est inexistante.

Proposer que ?

Des tournures com­me *l’auteur propose que ce mot est un pro­nom ou bien *nous proposons que ce mot est analysé com­me un dé­ter­mi­nant sont agram­ma­ti­cales. En effet, premièrement le ver­be proposer se construit avec le sub­jonc­tif, et deuxièmement il signifie que la chose qu’on propose est une suggestion, une hypothèse non encore réalisée. La tournure fin­noise qui se trouve à l’origine de cette erreur n’est pas non plus un modèle du gen­re. Dans la phrase sui­vante, il y a bien une pro­po­si­tion de la part d’un inventeur et on pourrait facilement traduire ehdottaa par proposer :

Tämän epäedullisen tilanteen estämiseksi keksinnön tekijä ehdottaa, että samat puhdistettavan nesteen virtaukset johdetaan vuorotellen pitkin katodien ja anodien pintoja.

En revanche, la phrase (a) ci-dessous serait mieux tournée sous la for­me (b) ou (b’) :

(a) Sivulla 64 tekijä ehdottaa, että sanahahmoa kVk(k)rV voitaisiin pitää fonesteemina tai konventionaalisen äännesymboliikan edustajana.
(b) Tekijän mielestä sanahahmoa kVk(k)rV voitaisiin pitää fonesteemina tai konventionaalisen äännesymboliikan edustajana. Ou
(b’) Tekijä on sitä miltä, että sanahahmoa kVk(k)rV voitaisiin pitää…

Cet em­ploi de ehdottaa est ce­pen­dant assez répandu dans la littérature scientifique de langue fin­noise (sous l’influence, en partie, de l’anglais), et le pro­blè­me n’est pas de savoir si c’est un style élégant ou non en fin­nois, mais le fait que les étudiants de FLE fin­no­pho­nes ont tendance à transposer cette cons­truc­­tion en fran­çais, où elle est très maladroite ou mê­me agram­ma­ti­cale. À la place de proposer, on peut uti­li­ser des variétés de cons­truc­tions :

L’auteur estime que… / L’auteur est d’avis que…
L’auteur pense que… / D’après l’auteur… etc.

Interpréter que ?

Dans la mê­me série de ver­bes, on peut inclure interpréter, moins fré­quem­ment uti­li­sé dans la rédac­tion scien­tifique, mais qui donne ce­pen­dant lieu à des erreurs épisodiques :

*On peut interpréter que la rela­tion d’Irène et sa mère ait été incomplète parce qu’elle se pose les ques­tions que sa mère ne lui pas avait apprises.

Outre le fait qu’il faudrait mettre le ver­be de la com­plé­tive à l’in­di­ca­tif, la cons­truc­­tion est de toute façon impossible, car interpréter n’admet pas une com­plé­tive com­me CVD, alors qu’en fin­nois on peut dire par exem­ple :

Stressiprosessi käynnistyy haastavassa tilanteessa, jossa tulkitsemme, että tavanomainen toimintamme ei tu­le riittämään. [extrait du site de Työterveyslaitos, voir traduc­tion ex­em­ple (3) ci-dessous]

Si on veut rendre l’idée de tulkita, il faut recourir à des cons­truc­tions plus complexes, ou uti­li­ser in­ter­pré­ter dé­ve­lop­pé par la construc­tion com­me étant :

(1) On peut déduire que la rela­tion d’Irène et sa mère a été incomplète… /
(2) On peut interpréter ce comportement en supposant que la rela­tion d’Irène et sa mère a été incomplète…
(3) Le stress se déclenche dans une situa­tion que nous estimons dépasser notre niveau d’activité habituel.
(4) On peut interpréter ce comportement com­me étant la preuve que la rela­tion d’Irène et sa mère a été incomplète…
(5) Le stress se déclenche dans une situa­tion que nous interprétons com­me étant au-dessus notre niveau d’activité habituel.

Il parait que

Sembler et paraitre

Le verbe paraitre est fré­quem­ment employé d’une façon erronée par les fin­no­pho­nes, qui comprennent la cons­truc­­tion il parait que com­me équi­va­lente de il semble que et l’em­ploient fréquem­ment dans l’ex­pres­sion écrite, alors qu’elle a un sens différent de il semble que, et très spécifique.

L’exem­ple (a) ci-dessous (dans lequel en outre le sub­jonc­tif est agram­ma­ti­cal) en est une illustration typique. Telle quelle, la phrase (a) est interprétée par un fran­co­pho­ne com­me (b), alors que l’auteur voulait dire (c) :

(a) Après l’analyse des exem­ples, *il parait qu’une synthèse soit nécessaire.
(b) Après l’analyse des exem­ples, j’ai entendu dire qu’une synthèse était nécessaire / on m’a dit qu’il fallait faire une synthèse.
(c) Après l’analyse des exem­ples, il semble qu’une synthèse soit nécessaire.

L’explica­tion de cette erreur réside dans le fait que les ver­bes fin­nois tuntua et näyttää peuvent tous deux se traduire par sembler ou paraitre, qui sont le plus souvent synonymes, mais loin d’être tou­jours inter­chan­gea­bles. L’équ­iva­lence entre les deux dépend des cons­truc­tions. Une descrip­tion complète des dif­fé­ren­ces serait très longue, et du point de vue des ap­pre­nants FLE fin­no­pho­nes, on peut simplifier la si­tua­­tion en rete­nant certaines tendances. Les indications ci-dessous n’ont pas la préten­tion d’être absolues ni com­plè­tes, ni de décrire toutes les pos­si­bi­li­tés et tous les cas d’em­ploi, car on pourra certainement trou­ver dans les textes de nom­breux contre-exem­ples parfaitement confor­mes à la norme du fran­çais. Il s’agit avant tout de donner quel­ques conseils généraux applicables à l’ex­pres­sion écrite, du point de vue d’un non fran­co­pho­ne. Avant d’examiner les em­plois dans dif­fé­ren­tes cons­truc­tions, il faut établir une dis­tinc­­tion entre le sens concret/ figuré et le sens abstrait des ver­bes tuntua et näyttää :

1. Dans un sens concret, tuntua et näyttää ne sont pas synonymes, puisque tuntua décrit une impression au tou­cher (exem­ples a et b), sans ver­be équi­va­lent direct en fran­çais (anglais to feel), alors que näyttää dé­crit une impression vi­suelle (exem­ples c et d), en fran­çais éga­le­ment sans équi­va­lent direct, bien qu’on puis­se parfois em­ploy­er paraitre ou sem­bler, mais on uti­li­se plutôt d’autres tournures. Il en va de mê­me au sens figuré de tuntua (e) :

(a) Tämä kangas tuntuu hyvin pehmeältä. Ce tissu est très doux [au toucher].
(b) Se nojatuoli tuntuu oikien mukavalta. On est vraiment bien assis dans ce fauteuil.
(c) Tämä kangas näyttää oikein kauniilta. Ce tissu a vraiment un bel aspect.
(d) Hän näytti komealta frakissaan. Il avait fière allure dans son queue-de-pie.
(e) Hänen sanansa tuntuivat hyvin lohdullisilta. Ses paroles m’ont mis du baume au cœur.

2. Dans le sens abstrait qui provoque des confusions entre le fin­nois et le fran­çais dans l’em­ploi des expres­­sions il semble que / il parait que, les deux ver­bes tuntua et näyttää décrivent une impression au sens de « re­pré­senta­tion globale qu’une per­son­ne a d’une situa­tion (gé­né­ra­le­ment où elle est impliquée) ou d’une autre per­son­ne, et qui est fondée sur une appréhension immédiate, intuitive avant toute réflexion ou ana­lyse. » (TLFi, impression C1). Cette impression peut décrire quel­que chose qui est réel ou imaginaire. Dans ce sens-là, on peut dire que sembler est plus fré­quent que paraitre en fran­çais.

Constructions avec ad­jec­tif at­tri­but

Quand sembler et paraitre s’uti­li­sent com­me ver­be d’état (similaire à être) reliant un sujet et un at­tri­but, ils sont fré­quem­ment interchangeables, mais pas exac­te­ment synonymes. D’une façon gé­né­rale, on peut dire que paraitre décrit une im­pression plus concrète, plus immédiate, tandis que sembler décrit une impression plus subjective. Dans les exem­ples sui­vants (f – i), la nuance de sens est in­di­quée entre cro­chets. Cependant, on ne peut pas dire que cette nuance de sens soit tou­jours très nette, et les exem­ples (j) et (k) sont quasi synonymes :

[f] Ce sentier de montagne parait dangereux. [quand on le regarde]
[g] Ce sentier de montagne semble dangereux. [d’après le nombre d’accidents qui s’y sont produits]
[h] Cette équa­tion peut paraitre dif­fi­ci­le à résoudre aux élèves, mais elle en fait est très simple. [l’équa­tion a un aspect effrayant]
[i] Cette équa­tion peut sembler dif­fi­ci­le à résoudre aux élèves, mais elle en fait est très simple. [l’équa­tion semble compliquée par son con­te­nu]
[j] Ça peut paraitre compliqué de prime abord, mais en fait c’est assez facile à com­pren­dre. =
[k] Ça peut sembler compliqué de prime abord, mais en fait c’est assez facile à com­pren­dre.

Com­me solu­tion de facilité, on peut dire que, dans le doute, l’ap­pre­nant FLE peut choisir la for­me sembler plutôt que paraitre.

Il semble que et Il parait que

La proximité de sens en fin­nois de tuntuu siltä, että et näyttää siltä, että, qui apparait clairement dans les ex­em­ples présentés ci-dessus, conduit les fin­no­pho­nes à établir une mê­me synonymie entre il semble que et il parait que. Or, c’est impossible, car, dans l’usage du fran­çais moderne, l’ex­pres­sion il parait que s’est le­xi­calisée pour signifier uni­que­ment « on dit que, on raconte que », sens que le fin­nois rend le plus fré­quem­ment par l’ad­ver­be kuulemma  :

Il parait que les otages ont été libérés.
Il parait que certains auteurs considèrent cette for­me com­me vieillie.

il faut noter "galement que la tournure il parait que est plutôt de la langue cou­rante, et mê­me très légère­ment fa­mi­liè­re (com­me kuulemma en fin­nois, qu’on n’uti­li­se guère dans la rédac­tion scientifique neu­tre). Dans le code écrit strict, on évitera de l’uti­li­ser et on pourra dire par exem­ple :

On entend dire que… On rapporte que…
Certains [auteurs] affirment que… Selon certains [auteurs]…

L’incise parait-il est net­te­ment fa­mi­liè­re et doit être évitée dans le code écrit. De mê­me, la variante parait-il que in­tro­duisant une com­plé­tive (parait-il qu’ils vont fermer le tunnel) est du fran­çais populaire, et elle est à proscrire dans l’ex­pres­sion écrite.

Il me semble que et ??Il me parait que

Une autre erreur fré­quente, dérivée de celle examinée au point pré­cé­dent, est d’extrapoler l’em­ploi du pro­nom com­plé­ment pré­po­si­tion­nel de la tournure il me semble que au ver­be paraitre. On peut dire cela me parait utile aussi bien que cela me parait utile, mais, para­doxa­le­ment ou malheureusement, on ne peut pas remplacer sembler par paraitre dans la locu­tion il me/nous semble que pour traduire minusta/meistä tuntuu että :

*Il me parait que cette affirma­tion est inexacte.
for­me correcte : Il me semble que cette affirma­tion est inexacte.
*Il nous parait que cette méthode permettrait d’obtenir des résultats plus précis.
for­me correcte : Il nous semble que cette méthode permettrait d’obtenir des résultats plus précis.

De mê­me, il n’existe pas non plus de for­me avec paraitre dans les incises avec in­ver­sion. On peut dire uni­que­ment me semble-t-il ou nous semble-t-il (*nous parait-il est agram­ma­ti­cal) :

Cette méthode permettrait, nous semble-t-il, d’obtenir des résultats plus précis.

Usage littéraire

Cependant, dans un usage littéraire plus ancien, il parait que peut avoir le sens de « il semble que », et peut être employé avec un pro­nom com­plé­ment pré­po­si­tion­nel (usage possible dans un style soutenu mê­me encore chez des écrivains du XXIe siècle). Il faut donc parfois faire atten­tion au sens exact du ver­be :

com­me il ouvrait sa fenêtre, il lui parut que celle de Mariette était entrebâillée et qu’il y avait de la lumière dans sa chambre.

Résumé

En résumé, il suffit de retenir la « règle » sui­vante :

il semble que = tuntuu / näyttää siltä, että
il parait que = kerrotaan että, kuulemma

Difficile de ou dif­fi­ci­le à ?

Description

Problème classique, source d’erreurs innombrables et sujet de perplexité inépuisable pour les apprenants fin­no­pho­nes (et d’autres sans doute aussi), cette ques­tion revient régulièrement par ex­em­ple dans des sessions de formation continue des enseignants.

En fin­nois, le pro­blè­me est encore plus sensible, car certaines constructions peuvent être extérieurement parfaitement similaires, mais cor­res­pondre à deux structures très différentes (en fin­nois com­me en fran­çais :

Tämä teoria on vaikea selittää. ¤ Teoriaa on vaikeaa selittää ei-matemaatikolle.

La confusion entre ces deux structures est à la base de l’in­ter­ro­ga­tion « Sanotaanko dif­fi­ci­lede ou dif­fi­ci­le à ? », qui est une fausse ques­tion, car on oppose deux constructions qui ne sont pas du tout les mêmes. Il existe une construction nom +facile à, impossible à, dif­fi­ci­le à + infinitif, mais il n’existe pas de construction nom + facile de + infinitif.

Il faut d’abord savoir distinguer deux types de constructions qui contiennent toutes deux un ad­jec­tif et le ver­be olla (être), mais diffèrent par leur structure de base. Ces constructions sont décrites en détail ailleurs dans ce Guide, mais reprises ici pour les besoins de la comparaison.

Le mystère « dif­fi­ci­le de ou dif­fi­ci­le à ? » s’éclaircit quand on a compris que le mot de peut être à la fois une pré­po­si­tion et une conjonction (voir contenu principal).

L’infinitif com­plé­ment d’un ad­jec­tif

En fran­çais, l’ad­jec­tif peut être com­plé­té par un ver­be dans la cons­truc­tion

[GN (est) ad­jec­tif à in­fi­ni­tif]

C’était un spectacle horrible à regarder. ¤ Cette grande maison est dif­fi­ci­le à chauffer. ¤ C’est un pantalon impossible à repasser. ¤ Ce dispositif est compliqué à mettre en place. ¤ Ceci peut sembler stupide à dire, je le reconnais. ¤ Cette vérité est dure à admettre. ¤ Le film est trop long à raconter. ¤ C’est une route facile à trouver. ¤ Cette particularité est facile à retenir. ¤ Cette chemise est facile à repasser. ¤ Ce projet parait impossible à réaliser. ¤ C’est pas si évident à comprendre. ¤ La décision qui a été prise est facile à critiquer, mais elle était indispensable.

Cette cons­truc­tion est très fré­quente en fran­çais. En fin­nois, on trouve des cons­truc­tions équi­va­lentes :

Tämä päätös on vaikea hyväksyä. Cette décision est dif­fi­ci­le à accepter. ¤ Tämä paita on helppo silittää. Cette chemise est facile à repasser.

mais en gé­né­ral le fin­nois uti­li­se d’autres tournures. Ce qui est im­por­tant, c’est que dans les deux exem­ples ci-dessus, on dit quel­que chose au sujet d’un nom (com­ment est cette décision ? com­ment est cette chemise ?). L’ad­jec­tif facile ou dif­fi­ci­le est at­tri­but (predikatiivi) du sujet (décision, chemise). L’in­fi­ni­tif est le com­plé­ment de cet ad­jec­tif.

L’in­fi­ni­tif com­plé­tant un ad­jec­tif est donc tou­jours in­tro­duit par la pré­po­si­­tion à. Il n’existe pas de cons­truc­tion telles que les sui­vantes :

*facile de faire : **un travail facile de faire ¤ *étonnant de lire : **une nouvelle étonnante d’apprendre ¤ *im­por­tant de savoir : **une chose im­por­tan­te de savoir ) ¤ *impossible d’accepter : **un comportement impossible d’accepter, etc.

pas plus qu’en fin­nois on ne pourrait dire *se on helppo tehdä työ, *se on yllättävä kuulla uutinen, *se on mah­do­ton hyväksyä käytös, **tämä on vaikea lukea teksti, etc.

L’infinitif sujet du ver­be être

Il existe éga­le­ment une autre cons­truc­tion dans laquelle on trouve un in­fi­ni­tif suivi d’un ad­jec­tif :

Il est ad­jec­tif de in­fi­ni­tif (+ com­plé­ment direct ou pré­po­si­tionnel)

Avant de prendre une décision aussi im­por­tan­te, il est normal d’hésiter un peu. ¤ Il aurait été plus prudent de ne pas prendre la route avec cette tempête de neige. ¤ Il est étonnant de rencontrer tant de touristes en cette saison.

Mais, malgré les apparences, la cons­truc­­tion est dif­fé­ren­te de celle présentée ci-dessus, car ici l’in­fi­ni­tif n’est pas le com­plé­ment de l’ad­jec­tif. Il s’agit d’une cons­truc­tion où la complétive sujet du verbe est (d’hésiter un peu, de ne pas prendre la route, de rencontrer tant de touristes) est postposée, ce qui entraine l’utilisation du pronom conjugateuril devant est. L’in­fi­ni­tif sujet est dans un tel cas précédé de la conjonction de :

On vaikea lukea tämä kirja ilman alan tuntemusta. = Tämän kirjan lukeminen ilman alan tuntemusta [sujet] on vaikeaa. ¤ Il est dif­fi­ci­le de lire ce livre sans connaitre la branche. = Lire ce livre sans connaitre la branche [sujet] est dif­fi­ci­le.

Il s’agit exac­te­ment de la mê­me cons­truc­­tion que les com­plé­tives sujet réel :

Il est normal que tu aies des dif­fi­cul­tés à comprendre.On luonnollista, että sinun on vaikea ymmärtää.

Si on uti­li­se une cons­truc­­tion in­fi­ni­tive, on obtient la phrase sui­vante :

Il est normal d’avoir des dif­fi­cul­tés à comprendre cette cons­truc­tion. On luonnollista, että tämän rakenteen ymmärtäminen tuottaa vaikeuksia.

Comparer aussi :

Il est impossible que tu n’acceptes pas. On mahdotonta, ettet suostu.
Il est impossible de ne pas accepter. On mahdotonta olla suostumatta.

Dans ces cons­truc­tions, le mot de est donc la conjonction qui in­tro­duit l'infinitif, et non pas une pré­po­si­tion, con­trai­re­ment au mot à utilisé dans les constructions ad­jec­tif à infinitif. Il est donc gram­ma­ti­calement im­pos­si­ble de mettre sur le même niveau ou de comparer les constructions facile à et facile de, car on ne com­pare pas les mêmes mots. La phrase il est dif­fi­ci­le de lire ce livre est une simple variante d’autres cons­truc­tions du mê­me type avec d’autres ad­jec­tifs que dif­fi­ci­le :

Il est normal d’hésiter. ¤ Il est étrange de prétendre une chose pareille. ¤ Il aurait été scandaleux d’accepter. ¤ Il est très dif­fi­ci­le de perdre une mauvaise habitude.

Comparer éga­le­ment  :

Je te recommande ce livre. Il est facile à lire. [il : ce livre] Suosittelen sinulle tätä kirjaa. Se on helppolukuinen. ¤ Je te recommande ce livre. Il est utile de le lire. [il : sujet conjugateur]. Suosittelen sinulla tätä kirjaa. On hyödyllistä lukea se. ¤ Tämä kirja on hyvä lukea, jotta voisi perehtyä asiaan paremmin. Il est bon de lire ce livre pour pouvoir approfondir la ques­tion. ¤ Nämä kirjat on hyvä lukea, jotta voisi perehtyä asiaan paremmin [et non pas *hyviä lukea]. Il est bon de lire ces livres pour pouvoir approfondir la ques­tion.

Au total, on peut dire que la ques­tion « sanotaanko dif­fi­ci­le de vai dif­fi­ci­le à ? » est d’une certaine manière absurde, car il s’agit de choses qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre, il s’agit d’une fausse problématique (qui n’existe pas pour les fran­co­pho­nes) qui est due es­sen­tiel­le­ment à l’influence du fin­nois (renforcée par l’influence de l’anglais) et à la mauvaise interpréta­tion des mécanismes fin­nois de départ.

ISBN 978-951-39-8092-4 | V. 1.0 | 12.01.2021 © Jean-Michel Kalmbach 2020-2021